Thibaut Decoster consacre un essai à Claude Zidi, un cinéaste populaire et parfois moqué qui se révèle pourtant d’une grande insolence.
On peut trouver quelque peu saugrenue l’idée de consacrer un ouvrage complet à Claude Zidi, l’auteur des Bidasses s’en vont en guerre mais nous commencerons par saluer l’idée de sortir des sentiers battus de la cinéphile ordinaire et d’offrir l’occasion de revenir sur ce qu’il faut bien appeler une œuvre.
Une madeleine de Proust
Alors certes, Claude Zidi est un cinéaste (très) inégal et sans même parler de ses derniers films (l’horrible Arlette, le boursouflé et assez nul Astérix et Obélix contre César), il faut vraiment être frappé de cécité ou submergé d’une intense nostalgie pour défendre Les Sous-doués en vacances ou Les Rois du gag. En revanche, outre d’incontestables réussites (Les Ripoux, Association de malfaiteurs, Deux), le cinéma de Claude Zidi constitue immanquablement pour les gens de ma génération (qui l’a découvert à la télévision) une véritable madeleine de Proust. Impossible, par exemple, de regarder avec objectivité le délicieux La Moutarde me monte au nez, L’Inspecteur La Bavure ou même L’Aile ou la cuisse.
A partir de ces données, il y avait plusieurs risques pour Thibault Decoster : celui d’aborder cette œuvre avec les œillères du « groupie » pour qui tout est génial et pour qui seuls les chiffres du box-office tiennent lieu de légion d’honneur (rappelons que Zidi fut l’un des cinéastes les plus « populaires » de l’histoire du cinéma français). Le deuxième écueil était celui de l’approche purement factuelle et anecdotique. Ce n’est pas faire injure à Claude Zidi que d’écrire que son cinéma ne brille guère par ses qualités formelles et il aurait été aisé pour Decoster de se contenter de citer quelques gags ou quelques lignes de dialogues. Mais l’auteur a le mérite de chercher à mettre en valeur quelques thèmes chez le cinéaste, de tenter de définir sur quoi repose son comique (plus visuel que verbal, d’où l’échec de sa collaboration avec Audiard qui donna L’Animal) et nous propose même quelques analyses « esthétiques » plutôt convaincantes (songeons à cette étude sur le début de Deux ou sur le jeu de Miou-Miou dans La Totale). Decoster parvient à maintenir un certain équilibre entre l’approche factuelle (il aborde l’œuvre de Zidi de manière chronologique) et une volonté d’extraire quelques idées pour caractériser l’œuvre.
Un cinéaste féministe?!
D’autre part, pour en revenir au premier écueil, l’essayiste peut parfois se montrer sévère à l’égard de certains titres. Même si nous ne partageons pas forcément sa bienveillance pour les premiers films tournés avec Les Charlots (encore que nous aimerions assez les réévaluer), il n’hésite pas à souligner l’échec évident de certains films de Zidi (Profil bas, La Boite, Les Sous-doués en vacances…) quitte à parfois être même plus sévère que moi (je n’ai pas un souvenir vif de Bête et discipliné avec Villeret mais je n’avais pas trouvé le film désagréable).
Alors le livre n’est pas parfait. On peut trouver un peu artificiel cette manière qu’à l’auteur de consacrer systématiquement un chapitre aux héroïnes de Zidi pour prouver, vaille que vaille, que l’œuvre du cinéaste est « féministe » (ce qui m’apparaît un tantinet exagéré même si on trouve parfois, effectivement, de beaux personnages féminins chez lui, à l’instar de Maruschka Detmers dans Deux, par exemple). D’autre part, on peut regretter une écriture qui manque parfois de fluidité. Certaines extrapolations auraient pu être condensées tandis qu’on aurait aimé des développements un peu plus conséquents sur des films qui nous paraissent plus importants (je pense en particulier aux Ripoux ou au mésestimé Association de malfaiteurs).
Échecs et ratages
Mais ces petites réserves n’empêchent pas le livre d’être intéressant. Grâce à deux entretiens avec Zidi et un important travail de recherche, il est une mine d’informations. D’autre part, l’hommage est sincère sans être aveugle : pour Thibault Decoster, il s’agit de transmettre une passion mais sans oublier ce que ce parcours peut compter d’échecs et de ratages. Il est aussi intéressant car il remet en perspective certains clichés. Zidi s’est toujours senti persécuté par la critique et lui régla plusieurs fois son compte dans certains films (L’Aile ou la cuisse dont l’auteur analyse finement une fameuse scène, Les Rois du gag avec la fausse cérémonie des César). Or si certains de ses films furent effectivement massacrés (pas sûr que ce fut à tort), il fut également soutenu par toute une frange de la critique et le traditionnel couplet contre une profession « élitiste » qui stigmatiserait forcément le « cinéma populaire » ne tient pas face à l’examen des faits.
Alors Zidi : fou, insolent et facétieux ? C’est peut-être un tantinet exagéré mais il restera un artisan talentueux, féru de burlesque et qui introduisit dans la comédie française « grand public » une certaine folie qui fit ses plus grandes réussites. Il fallait donc bien que quelqu’un lui rende hommage et c’est chose faite aujourd’hui.
Le Cinéma de Claude Zidi : fou, insolent et facétieux de Thibault Decoster (Lettmotiff)
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