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Citius, altius, fortius

Pari(s) de la modernité, 1905-1925. Une exposition jusqu'au 14 avril 2024


Citius, altius, fortius
Robert Delaunay, La femme et la tour (détail), 1925 © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image Staatsgalerie Stuttgart © ADAGP, Paris

Pari(s) de la modernité, 1905-1925, une exposition au Petit Palais nous permettant de replonger dans des temps malheureusement révolus


Citius, altius, fortius : « plus vite, plus haut, plus fort ». Telle fut la devise choisie par les Jeux Olympiques de Paris, en 1924. Un siècle plus tard, le spectacle de la Ville-Lumière du premier après-guerre laisse rêveur.

Le Petit Palais s’est fait comme une spécialité de monter d’ambitieuses expositions patrimoniales combinant beaux-arts, art de vivre, documents d’histoire, matériaux de l’industrie et des techniques, en sorte de nous restituer l’air du temps de toute une époque. Ainsi la récente exposition Sarah Bernhardt ne se contentait-elle pas de retracer la carrière d’une icône : c’était une immersion dans un demi-siècle de vie française – mondaine, artistique, sociale.  

Quand Paris était aimable et rayonnante

Au prix d’un anagramme un peu facile, Pari(s) de la modernité, 1905-1925 enjambe la Grande guerre pour faire le grand écart dans cette vingtaine d’années qui, de la Belle-Epoque aux Années folles, propulse la capitale au rang envié de Ville-Monde, métropole somptueuse, aimable et rayonnante. En comparaison, le Paris poussif, bas de plafond et faiblard de l’ère – de l’aire – Hidalgo nourrit le regret de ce Temps perdu.

Temps illusoirement retrouvé, donc, à travers une manifestation qui vient clôturer un cycle commencé en 2014 avec Paris 1900, la Ville spectacle et continué en 2019 avec Paris Romantique (1815- 1858). Ce genre d’exposition « transversale » comporte un double risque : puiser indéfiniment dans le même réservoir d’œuvres et d’objets déjà montrés ou visibles dans les collections des grands et petits musées ; répéter la sempiternelle histoire dans un carambolage dénué de toute approche critique un peu neuve.

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Cet écueil, ce « dernier volet » l’esquive de plusieurs façons. D’abord, en mariant chronologie et approches thématiques dans des sections où la géographie parisienne et ses quartiers (Montmartre, Montparnasse, les Champs-Elysées, le vaste périmètre où se tient l’expo Arts Déco en 1925, de la Concorde au Grand Palais) fixe la toile de fond d’une vitalité qui se décline dans l’industrie comme dans toutes les disciplines artistiques, mais aussi dans les mœurs libérales d’un Paris décidément moins pisse-froid que celui de 2023.

Tamara de Lempicka, Saint-Moritz, 1929 © ADAGP, Paris

Un parcours émaillé de belles surprises visuelles

Ensuite, à travers la palette subtile de la scénographie discrète et fluide signée Philippe Pumain, qui dispense un parcours habilement séquencé, émaillé de belles surprises visuelles, tel cet authentique aéroplane Depertusson type B de 1911 qui, rapporté du Musée de l’Air et de l’Espace, au Bourget, trône en majesté dans une salle. Ou encore, cet imposant Ours blanc, plâtre patiné sculpté en 1922 par François Pompon – un dépôt du Museum d’histoire naturelle au musée de l’Homme…  Mais surtout, l’exposition réunit pas mal de pièces issues de collections privées, ou extraites de fonds peu connus. Certes, on n’y verra pas Les demoiselles d’Avignon (1907) mais on ne translate pas depuis New-York un Picasso aussi iconique. En revanche, l’extraordinaire Charmeuse de serpents (1907) du Douanier Rousseau a pu quitter sa cimaise du musée d’Orsay, pour voisiner avec une robe « Minaret » signée Paul Poiret, toilette portée par la marquise de Luppé en 1911, et exhumée d’une collection privée. Ou un diadème de la collection Cartier, millésimé 1914. De plaisants dessins de Sem nous rappellent le scandale du « massacre du printemps » orchestré à l’occasion du fameux Sacre… de Stravinski.  On découvre au passage un joli portrait au feutre du poète Apollinaire signé du jeune Cocteau, des photos d’époque nous montrent le Paris de l’arrière, pendant la Grande guerre. Une toile de Vallotton, superbe, transportée du musée de l’Oise, nous dévoile les Soldats sénégalais au camp de Mailly, en 1917. La Victoire ouvre le temps des « Années folles » : baptisée Saint-Moritz, une merveilleuse petite huile de Tamara de Lempicka montre une skieuse en col roulé blanc et pull rouge vif qui fixe les pics alpins d’un air rêveur ; une étude de Jacques-Emile Blanche nous peint les traits du beau Radiguet, le poète du Diable au corps et du Bal du Comte d’Orgel ; Man Ray portraiture le travesti Barbette ; la Revue nègre rappelle que dans le Paris joyeux de Joséphine Baker il n’y a ni femmes voilées, ni ségrégation… L’alcool y est alors à peine moins prohibé que l’opium. La Ville-Lumière ne roulait pas encore tous feux éteints…

Béchereau, Deperdussin Aéroplane Deperdussin type B, 1911 © ADAGP, Paris

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Préfacé par la maire Hidalgo avec toute la platitude de commande attendue – « Déjà Paris se distinguait comme capitale internationale de la culture et des arts » (sic) –  mais dirigé de main de maître par Juliette Singer, le catalogue de l’exposition rassemble des textes de belle tenue, qui restituent avec toute l’érudition requise l’esprit de ces temps révolus à jamais.  

A voir : Le Paris de la modernité, 1905-1925. Petit-Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Exposition jusqu’au 14 avril 2024. Du mardi au dimanche 10h-18h. Nocturnes les vendredis et samedis jusqu’à 20h. Informations et réservations sur petitpalais.paris.fr  

A lire : Catalogue de l’exposition, relié 368p. 280 illustr. Paris Musées.

Le Paris de la modernité

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