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La VIe République, cette fausse bonne idée


La VIe République, cette fausse bonne idée
Arnaud Montebourg au troisième Sommet de l'économie, Palais de Tokyo, Paris, décembre 2016. SIPA. 00783518_000016
Arnaud Montebourg au troisième Sommet de l'économie, Palais de Tokyo, Paris, décembre 2016. SIPA. 00783518_000016

La Ve République fait partie des régimes les plus stables de l’histoire récente de France. Mais jamais poussée à bout, elle a été entaillée par différentes réformes et contournements constitutionnels qui légitiment certaines critiques. Nos dirigeants l’ont aussi affaiblie dans la pratique : par leur manque d’exemplarité, leurs promesses non tenues ou le bipartisme constant au gouvernement depuis plus de trente ans entre Parti Socialiste d’une part et RPR, UMP puis « Les Républicains », d’autre part. Sur le dos de sa faiblesse supposée, l’idée d’une VIe République, donnant force au Parlement face aux gouvernants, a donc germé. Dans les esprits  de Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg notamment. Une VIe République qui verrait le président de la République (régulièrement qualifié de « monarque présidentiel ») et son Premier ministre s’effacer au profit du Parlement. Celui-ci aurait droit de vie et de mort sur le gouvernement, disposant d’une motion de censure aux conditions plus souples qu’actuellement. Vague copie de la IVe République qui a pourtant subi, durant sa courte existence (1946-1958), des instabilités gouvernementales mensuelles faites de tactiques de partis, de remaniements fréquents et de gouvernances instables – au total, 24 gouvernement se sont succédés, dont 9 n’ont pas tenu plus de 41 jours. La IVe République a abouti à la crise de 1958 et, en pleine guerre d’Algérie, à une succession de gouvernements sans capacité d’action. La France avait besoin d’un homme fort, d’une institution qui l’était tout autant. C’était l’heure du général De Gaulle et de la Ve République.

Pas rassasié par l’expérience qu’il n’a pas vécue, Arnaud Montebourg veut, près de six décennies plus tard, remettre en selle une nouvelle République parlementaire censée permettre d’enfin renouveler la scène politique. En allant plus loin, il reprend même l’une des idées d’Etienne Chouard : le tirage au sort d’une centaine de sénateurs parmi les citoyens. Ceux-ci interviendraient au Sénat pour juger la politique gouvernementale. Un biais à cela : tous les Français ne désirent pas forcément jouer un rôle politique et délèguent, par le vote, ce pouvoir à des représentants.

La Ve République peut être réformée

Alors, effectivement, l’actuelle Ve a ses défauts… Mais pourquoi tuer le bébé quand il est possible de ne changer que l’eau du bain ? Une réforme de certaines de ses institutions pourrait suffire à la remettre en bon état de marche. Certains de ses institutions l’empêchent, en effet, de fonctionner comme elle devrait. A commencer par le quinquennat, qui pousse le chef de l’Etat à être, en permanence, en campagne politique. Depuis 2002, le président se retrouve, dès la fin de la première année de son mandat, devant l’inquiétude de son prochain et incertain renouvellement. Dès 2013, un an après son élection, journaux et bruits de couloirs pronostiquaient déjà l’éventuelle candidature, en 2017, du tout nouveau chef de l’Etat. La remise en place du septennat peut apporter une garantie nécessaire de stabilité au chef de l’Etat qui domine les lignes politiques, y compris sur la scène internationale.

Il en va de même de ces monuments illisibles que sont le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou le sacro-saint Sénat. Deux instances de reconversion d’élus et de « copains ». Censé donner son avis sur les projets de lois, décrets et ordonnances, le CESE est très peu utilisé – débordé par les hautes autorités et conseils supérieurs qui gravitent autour du gouvernement. Il n’a qu’une fonction consultative et fait donc œuvre de figuration mais… coûte (très) cher à notre République. Son coût : environ 40 millions d’euros par an. Et pour cause, ses membres (comme Laurence Parisot, PDG et ex-numéro 1 du MEDEF) sont rémunérés 3786,76 euros brut mensuels pour huit demi-journées de présence par mois, sans compter le travail hors séance. Une partie d’entre eux (membres issus des syndicats, du monde patronal ou associatif) reverse cette indemnité à leurs organisations mais bénéficient tout de même d’un régime de retraites spécifique. Avant juillet 2015, un mandat de cinq ans suffisait à toucher une pension mensuelle de 700 euros (1120 euros en cas de renouvellement), même si une réformette de 2015 a diminué son montant qui n’est plus « que » de 350 euros (700 euros en cas de second mandat) par mois. On comprend mieux pourquoi, dans ces conditions, leaders et ex-élus lutteront toujours pour une place en son sein. Et pourquoi les tenants du « modernisme » de droite et de gauche, recherchant à tout prix des économies, ne se sont jamais penchés sur sa réforme ou même sa suppression… Très peu de Français connaissent le rôle de cet instrument qui sert davantage à l’agrandissement de la fracture entre le citoyen et l’Etat qu’au bon fonctionnement de la République. Le manque d’information sur ses travaux et les désignations arbitraires de ses membres ne peuvent qu’entretenir la suspicion de son utilité. A l’image du Sénat. Qui osera se pencher véritablement sur la question de la Chambre haute ? Le Sénat et son pouvoir réel mais minime en regard de l’Assemblée nationale : celui de la discussion et du vote d’une loi et du contrôle de l’activité gouvernementale. Pour être promulguée, une loi doit faire la navette parlementaire : passer par l’Assemblée nationale et seulement ensuite par le Sénat. Sauf qu’une pratique peut outrepasser le Sénat : celle prévue par l’article 45 de la Constitution qui donne le dernier mot à l’Assemblée nationale. Les défenseurs du Sénat se rassurent comme ils peuvent: la Chambre haute est celle qui tempère les éventuelles volontés réformistes de l’Assemblée nationale. Mais en règle générale, c’est bien l’Assemblée nationale qui impose sa volonté.

L’institution cachée: l' »establishment » politique

La réforme oui, mais les institutions ne sont responsables que de ce que les élus en font. Et les citoyens des représentants qu’ils élisent. Là est toute notre responsabilité. Depuis plus de trente ans, nous avons fait le choix collectif d’élire ou de promouvoir les élites du sérail, que ce soit Jacques Chirac, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Et demain, peut-être, l’un des deux ex-premiers ministres en course pour l’Elysée, François Fillon ou Manuel Valls. Cet « establishment », que nous avons contribué à créer, verrouille le système politique et nos institutions. Tant qu’il existe, le problème est donc insoluble. Mais jamais ces « grands » partis n’ont été aussi menacés qu’aujourd’hui. Que ce soit par le Front national, le Parti de Gauche ou même Debout la France. C’est ce qui les a poussés à s’inventer un nouveau système institutionnel : les primaires, substitution théorique au premier tour de l’élection présidentielle, dont le seul but véritable est de renforcer cet « establishment » des « grands » partis. In fine, c’est tenter de décrédibiliser les autres forces politiques, parfois mises à l’écart desdites primaires (comme le MRC, éjecté de la primaire de la gauche alors qu’il compte des députés à l’Assemblée nationale). La politique n’est donc plus l’affaire d’idées mais la garantie de reproduction d’élites au sein d’une même famille… Si les institutions peuvent changer, c’est donc par les seuls citoyens capables de mettre à mal ce fatalisme par « le pouvoir du vote ».

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