Illimité, le gratuit des salles UGC, n’est pas que promotionnel. C’est un magazine de cinéma – informé, bien ficelé, agressif et finaud. Au prix sans doute d’un sévère travail de réécriture, la publication est parfaitement cohérente : une cinéphilie pour tous, démocratisée. Enfin !
Il y a un style Illimité, entièrement tourné vers le lecteur. Notons d’abord le recours constant à l’abréviation. Cannes est une « compète ». Spielberg un « réal. », Beaulieu un « chef-op. ». On s’adresse au lecteur comme on parle en salle de rédac’. L’entre-soi pour tous, tel est le secret de cette convivialité unissant le journaliste parisien au lycéen de Créteil. Les mots de trois ou quatre syllabes ne sont pas les seuls à faire les frais de cette bonne franquette. Le « ne » de la négation faisait guindé. Cela donne : « En fait le clivage dans Ma loute, c’est pas tant professionnel/non professionnel que gueules connues/pas connues. »[access capability= »lire_inedits »] Une remarque pertinente transcrite avec impertinence, preuve que si l’on ne parle pas comme les profs, on pense au moins aussi bien qu’eux.
Il est vital pour Illimité de n’être ni dupe ni obséquieux. Julia Roberts, dont on évoque les rides avec une élégance tabloïde, doit tout, absolument tout, à Garry Marshall et à son Pretty Woman. Cette vigilance est justifiée : on apprend ainsi, au sujet de trois films de Verhoeven, que « la dimension satirique, aujourd’hui évidente, n’a pas sauté aux yeux de grand monde ». Méfions-nous, donc : le cinéma pourrait être illusions. En revanche, soyons drôles : un article sur Gilbert Melki s’intitulera « Melki way ». Ce qui n’empêchera pas d’être bougrement intelligents au sujet d’un dessin animé : « Angry Birds : miroir de nos âmes consuméristes ? »
J’ai compris : sous son bob Gucci, mon voisin est bien une tête pensante. S’il envoie des SMS pendant le film, c’est par enthousiasme cinéphilique. Et si, posés sur l’accoudoir devant, ses pieds gênent la petite dame, c’est qu’elle n’a pas encore saisi la promesse démocratique.[/access]
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