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Humour juif, humour arabe


Humour juif, humour arabe
Tomer Kapon et Shai Avivi dans "Une semaine et un jour"
Une semaine et un jour Asaph Polonsky Tant qu'il y aura des films
Tomer Kapon et Shai Avivi dans "Une semaine et un jour"

Un premier film. Le sujet : un couple de quinquagénaire confronté à la mort de leur fils unique, des suites d’un cancer. On pourrait s’attendre au pire. Pathos, hystérie, caméra qui tremble sur visage qui s’agite. Cris et chuchotements d’un couple brisé par la douleur.

Il n’en est rien. L’Israélien Asaph Polonski ne s’est pas contenté d’éviter les écueils d’un tel argument. Il signe au contraire une étonnante comédie et entre d’emblée dans la cour des grands avec ce premier long-métrage à la fois bouleversant et drôle, sensible et tonique.

Une semaine et un jour nous emmène ainsi en Israël, dans un pavillon de banlieue, au lendemain du Shiv’ah, la période de deuil qu’ont observée Vicky et Eyal, les deux parents. Selon la tradition juive, ils doivent désormais réapprendre à vivre normalement. Vicky, la mère, s’accroche à la vie la plus normale, la plus quotidienne, avec une sorte d’énergie si obstinée qu’elle en devient maniaque, déroutante pour l’entourage, notamment professionnel. Eyal, le père, découvre le cannabis à usage médical laissé par son fils, et comme il ne sait pas rouler les joints, il appelle un jeune voisin, Zooler, qui a à peu près l’âge de son fils, pour partager sa fumette.

Asaph Polonsky a parfaitement compris qu’un humour trop volontaire, surjoué, du côté de la farce, n’aurait pas manqué de virer à l’obscène. Toute la force comique d’Une semaine et un jour tient donc dans les situations, à la fois déjantées et contenues, parfois absurdes, mais souvent seulement en limite de normalité, et d’où le rire surgit, irrépressible, libérateur.

Paradoxalement, et c’est là un tour de force du réalisateur, c’est au cœur de ce rire que se déploie la force émotionnelle du film.[access capability= »lire_inedits »] Loin de nous isoler du drame que vivent Vicky et Eyal, l’humour dope notre capacité d’empathie, et donne à la rude fraternité israélienne une proximité inédite.

Quitte à faire très diplomatie genevoise, je ne peux m’empêcher d’évoquer maintenant un film… arabe. Mais qu’on se rassure : il ne s’agit pas là d’une de ces déclarations soigneusement balancées d’un fonctionnaire ne souhaitant fâcher personne. Il se trouve que le très beau film de l’Égyptien Yousry Nasrallah participe d’une même vitalité, d’un même humour, d’une même générosité et d’une même tendresse. Mais cette fois avec le ton des comédies égyptiennes des années 1960, voire, par instants, un registre quasi pasolinien.

Bien sûr, les couleurs de Le Ruisseau, le Pré vert et le Doux Visage pourront surprendre, tant elles vibrent – à tel point que si Nasrallah avait filmé les crocodiles du Nil, on aurait pu les confondre avec ceux des sachets de bonbons Haribo. Mais tout est là, justement, dans cette fausse candeur crâne, irrévérencieuse jusqu’à la témérité. Yousry Nasrallah et ses acteurs épatants opposent au démon mortifère de l’islamisme, à son projet mélancolique et féroce, l’énergie sensuelle, rieuse, légère et gouailleuse d’un peuple égyptien qui s’obstine à faire la fête, à s’aimer, à désirer. À être.

Une semaine et un jour, d’Asaph Polonsky, en salles le 14 décembre.

Le Ruisseau, le Pré vert et le Doux Visage, de Yousry Nasrallah, en salles le 21 décembre.[/access]



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