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Faites chauffer le lecteur DVD!

Tant qu'il y aura des... DVD


Faites chauffer le lecteur DVD!
Louis Jouvet dans "Un Revenant" © Regina Productions / Collections R.C. et Raymond Boyer

« Le critique de cinéma, c’est l’inspecteur des travaux finis », disait François Truffaut. À l’heure où les salles de cinéma sont fermées, Jean Chauvet a trouvé quelques pépites en DVD à regarder chez soi.


 

Lyon, terminus

Un revenant, de Christian-Jaque (1946)

Édité par René Château

On se prend à rêver d’une édition en DVD digne de ce nom pour ce véritable diamant noir du cinéma français des années 1940 : Un revenant de Christian-Jaque mériterait amplement d’être rénové et enrichi de bonus à la hauteur de ses qualités scénaristiques et cinématographiques. Il faut pourtant se contenter d’une édition a minima chez un éditeur, René Château, dont le catalogue recèle des merveilles dans un état… déplorable.

L’argument en est simplissime : un certain Jean-Jacques Sauvage revient à Lyon vingt ans après avoir quitté la ville en catimini, et grièvement blessé par balle au cours d’un accident selon la version officielle. Il entend bien se venger de ceux qui sont la cause de son départ : les très bourgeoises familles Nisard et Gonin qui s’opposaient à son mariage. Lui, c’est Jouvet, définitivement impérial. Eux, c’est une pléiade de seconds rôles absolument éblouissants : Louis Seigner, Jean Brochard, Gaby Morlay et Marguerite Moreno. Sans oublier un couple de tourtereaux prêts à tout pour roucouler librement, du moins en ce qui le concerne lui (François Périer), elle (la lumineuse ballerine Ludmila Tcherina) ayant perdu ses illusions depuis longtemps. Tout ce monde parle le Jeanson, langue inventée par Henri Jeanson (1900-1970), écrivain, journaliste, scénariste et dialoguiste du temps où ces deux dernières fonctions existaient vraiment au cinéma. Il est à lui tout seul l’auteur d’une centaine de scénarios dont ceux de Pépé le Moko, Un carnet de bal, Entrée des artistes, Hôtel du Nord, Boule de suif, Les amoureux sont seuls au monde, La Vache et le Prisonnier, entre bien d’autres tout aussi succulents.

Et pour des cinéastes qui s’appelaient Duvivier, Allégret, Carné, Dréville, Decoin, Autant-Lara ou Grangier, la fine fleur d’un cinéma français trop souvent vilipendé. Avec également Christian Jaque donc pour ce Revenant, mais aussi pour Fanfan la Tulipe, Nana et Madame Sans-Gêne, entre autres.

Dans Un revenant, Jeanson s’en donne à cœur joie pour dynamiter une bourgeoisie qu’il déteste. Ces soyeux Lyonnais installés « depuis la Restauration », confits dans leurs certitudes et leur hypocrisie le mettent en verve. Quand l’un d’entre eux veut marier son fils, il lui promet de financer son voyage de noces mais, précise-t-il immédiatement, « en Italie, car le change nous est favorable ». En une réplique, tout est dit de la bassesse et de l’ignominie de ce père de famille qui n’a qu’une idée en tête : se refaire une santé financière en mariant son rejeton à plus riche que lui. Et Jouvet dit le « Jeanson » mieux que personne, y compris dans une scène où face à une Marguerite Moreno impeccable de volubilité brillante, il ne prononce pas un mot : le dialogue à sens unique de Jeanson trouve avec Jouvet le plus beau des écrins-réceptacles. Christian-Jaque prouve ici ses indéniables qualités de metteur en scène et de directeur d’acteurs qui sont autant de poids lourds à surveiller comme le lait sur le feu : aucun ne cabotine, chacun joue sa partition avec un art consommé de la mimique et de l’intonation justes.

Pas un gramme de graisse inutile dans ce Monte-Cristo bis, pas une facilité, tout y est méchant et efficace à souhait : on jubile, on savoure, on se délecte, on en redemande à la fin et on se dit pour finir que ce cinéma-là n’existe plus. Il était pourtant populaire (plus de 3 millions de spectateurs à sa sortie) et exigeant, comme ses dialogues ciselés dans un venin social qui n’oublie jamais la dramaturgie. Alors, la recette en serait-elle perdue ? À moins que de nos jours, ce soit le travail en amont qui manque le plus : à force de se croire scénaristes, les cinéastes actuels bâclent cette étape qui nécessite pourtant et du temps et de la transpiration – laquelle on le sait bien est la meilleure alliée de l’inspiration… Jeanson, réveille-toi, ils sont devenus des pousse-mégots de l’écriture pour les images !

Affiche du film "Un Revenant", 1946.
Affiche du film « Un Revenant », 1946.

 

Direction, la Côte

Voyage à deux, de Stanley Donen (1967)

Édité par Wild Side

On sait gré à Wild Side de ne pas avoir lésiné pour éditer Voyage à deux, ce merveilleux chef-d’œuvre signé Stanley Donen : un vrai coffret qui contient outre le film en DVD et en Blue Ray aux très riches bonus, des cartes postales créées pour l’occasion et surtout un fabuleux album sur la genèse du film. Il faut bien tout cela pour rendre compte du charme incroyable de cette comédie où brillent Audrey Hepburn et Albert Finney.

"Voyage à deux", Stanley Donen (1967) © D.R.
« Voyage à deux », Stanley Donen (1967)
© D.R.

Donen dresse le constat d’échec du couple avec délicatesse, élégance et humour. Sans avoir l’air d’y toucher, il fait l’inventaire d’un amour qui se délite au fur et à mesure de la réussite sociale, comme en témoigne le malicieux inventaire des voitures successives du couple, depuis la vieille MG jusqu’à l’arrogante et opulente Mercedes. La photo très travaillée de Christopher Challis autant que la musique du génial Henry Mancini contribuent largement à faire de ce long-métrage bien autre chose qu’un simple film sur le désenchantement. Le brio de Donen éclate à chaque plan comme autant de bulles d’un champagne millésimé, brut et vineux à la fois.

 

Revoir Paris

Son dernier rôle, de Jean Gourguet (1946)

Édité par Doriane Films

Un film inconnu d’un réalisateur méconnu : l’ignorance est d’autant plus avouable qu’elle s’accompagne d’une bonne surprise. L’éditeur de DVD Doriane Films, habitué des pas de côté, a donc déniché Son dernier rôle, un film réalisé en 1946 par Jean Gourguet, auteur d’une vingtaine de longs-métrages, avec en tête de distribution Dalio, Gaby Morlay, Jean Tissier et Jean Debucourt, excusez du peu !

"Son dernier rôle", de Jean Gourguet (1946) Édité par Doriane Films © D.R.
« Son dernier rôle », de Jean Gourguet (1946)
Édité par Doriane Films
© D.R.

Mélo et mélancolie sont au programme d’un film qui sait pourtant s’évader des codes du genre, grâce à une réalisation toute en subtilités ainsi qu’au climat presque fantastique qui émerge de temps à autre. Morlay y incarne à la perfection une grande vedette qui décide de quitter la vie parisienne… On appréciera en outre les trois courts métrages qui accompagnent le DVD comme autant de témoignages de l’éclectisme de Gourguet dont on se demande en les découvrant pourquoi et comment il est tombé dans un tel anonymat.

Un revenant

Price: 15,36 €

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Voyage à Deux

Price: 23,90 €

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Son dernier rôle

Price: 15,00 €

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Avril 2020 - Causeur #78

Article extrait du Magazine Causeur




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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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