Des tombes connectées, la pointe du progrès
Depuis le début de la crise du coronavirus, les cimetières sont devenus suspects. On peut y être enterré, mais il n’est malheureusement plus possible d’accompagner en nombre un cher disparu jusqu’à sa dernière demeure. Il y a encore peu de temps, le quotidien des cimetières était paisible. On venait y chercher la paix et l’éternité, et on la trouvait. Les morts qui avaient des tendances mondaines fréquentaient le Père-Lachaise, ceux qui ne vibraient qu’au son des vagues venaient passer la morte-saison au cimetière marin de Sète. Les morts qui aimaient jouer aux petits soldats installaient leur gloire aux Invalides, tandis que les grands mâles – à qui la nation est reconnaissante – venaient frimer au Panthéon. La sérénité des cimetières, c’était avant la révolution technologique.
Il y a quelques années, un « QR code » (une sorte de code-barres évolué) a été apposé sur le tombeau d’une des gloires du cimetière de Montauban : Manuel Azaña, dernier président de la Seconde République espagnole, exilé en France après la victoire de Franco. Depuis, les visiteurs, équipés de leur smartphone, scannent ainsi la tombe, pour accéder au site web d’une association qui défend la mémoire du grand homme. Grâce à ce genre d’initiatives connectées, les cimetières deviennent bientôt de vastes complexes ludo-éducatifs. Homo festivus s’y balade avec son téléphone en main, bondissant de tombe en tombe, de code-barres en code-barres à la recherche des « métadonnées » qui se cachent sous les pierres tombales. Encore une péripétie qui ne donne vraiment pas envie de mourir.