On a retrouvé Marty Mc Fly ! Le héros du film Retour vers le futur est censé débouler parmi nous, au volant de sa machine à remonter le temps, en 2015, précisément le 21 octobre 2015. Mais il semble que Marty Mc Fly soit en avance et qu’il ait déjà fait irruption à notre époque pour prêter sa DeLorean à Philippe Bies, membre du Parti socialiste et député de la 2e circonscription du Bas-Rhin, afin que notre homme politique puisse lui aussi remonter le temps et en rapporter quelques paroles de sagesse et d’apaisement.
Après la profanation de trois cents tombes du cimetière juif de Sarre-Union entre jeudi et dimanche, Philippe Bies a, comme il se doit, condamné « avec la plus grande fermeté cet acte ignoble tant par le symbole que par l’ampleur » mais a cru bon également de se fendre d’un petit tweet, dont la teneur est plutôt surprenante : « C’est sans doute une coïncidence mais le #FN a fait près de 41% aux dernières municipales à #SarreUnion #vigilance #dnainfos. »
Pourtant on n’avait bien dit « pas d’amalgame », non ? Qu’est-ce qui lui prend au bon Philippe ? Il a sûrement fait un petit saut en arrière, vingt-cinq ans en arrière exactement, quand, dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, trente-quatre sépultures juives avaient été profanées. À l’époque aussi les réactions n’avaient pas manqué. On avait alors montré du doigt le Front national, alors en pleine ascension électorale, grâce aux bons soins de François Mitterrand qui se trouvait fort embarrassé par cet enfant illégitime dont la croissance jetait une ombre funeste sur un second septennat qui commençait déjà fort mal, et politiques et médias s’étaient empressés, tout comme Philippe Bies, d’établir des liens de cause à effet audacieux.
On avait même jeté l’opprobre sur les pratiquants de jeux de rôle et les articles sensationnalistes de L’Evénement du Jeudi ou les analyses très subtiles de Mireille Dumas dans Bas les masques avaient contribué à pourrir pendant quelques temps la vie du fils du maire de Carpentras et de quelques milliers d’ados amateurs de Donjons et Dragons. Tout ce bel écran de fumée politico-journalistique avait été dissipé par l’arrestation de Yannick Garnier, l’un des responsables des profanations, venu de lui-même se dénoncer à la police. Ses complices avaient été également arrêtés, sauf le meneur Jean-Claude Gos, tué le 23 décembre 1993 à moto sur une route de la grande banlieue d’Avignon, par une voiture dont le conducteur, Rachid Belkir, fut retrouvé au fond du Rhône en 1995, avec deux balles dans le torse.
On ne saurait donc trop conseiller à Philippe Bies de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de s’essayer imprudemment à la récupération politique en remuant imprudemment « toute la vase écœurante, horrible des misères de la vie, tout l’abîme de ces natures froides, mesquines, basses que nous rencontrons à chaque pas tous les jours », comme l’écrivait Gogol dans Les Âmes Mortes. Avant donc de se risquer à jouer les sycophantes à la petite semaine et de hasarder des parallèles douteux qui risquent de se retourner contre lui, Philippe Bies devrait méditer un peu cette autre phrase du grand Gogol : « Il y a beaucoup de têtes dans le monde que la nature semble avoir formées à la hâte, sans effort, sans employer de ciseaux, de limes, de vilebrequins et autres instruments de ce genre. »
Allez, maintenant Philippe, tu rends la DeLorean au monsieur.
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