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Ciel mon ADN!

« Du sang étranger dans mes veines de Français de souche? Pouah ça puire ! »


Ciel mon ADN!
De gauche à droite, Sylvie Testud, Didier Bourdon, Christian Clavier et Marianne Denicourt, "Cocorico" (2024) de Julien Hervé © SND / M6 Films

Notre chroniqueuse attend désespérément le retour de la bonne comédie populaire «made in France». Cocorico la satisfera-t-elle ?


Lorsque mon rédacteur en chef m’a proposé de chroniquer Cocorico de Julien Hervé, sorti en salle le 7 février, je reconnais que cela m’a laissé assez perplexe… Férue de comédies populaires comme la France en avait le secret mais dont les cinéastes semblent avoir perdu la recette depuis quelques années, avec mes a priori de cinéphile, cette idée, je l’avoue, ne m’enchantait pas. Mais que diable ! Sortons de notre zone de confort, comme on dit dans les bouquins de développement personnel. Et je dois dire que je n’ai pas été déçue, on s’y amuse beaucoup, et le propos n’est pas si inintéressant. D’ailleurs le public est au rendez-vous : plus de 500 000 entrées en une semaine.

Clavier est-il un Français au carré? Un pitch simple et efficace

Un jeune couple issu de milieux sociaux différents – d’un côté des aristocrates vignerons bordelais, de l’autre des parvenus ayant fait fortune dans l’automobile – décide de faire les grandes présentations en vue du mariage. Pour fêter ça, les amoureux ont l’idée d’offrir aux deux familles des tests ADN. Ceux-ci font des ravages en ce moment : en effet, 200 000 Français feraient appel chaque année à des sociétés américaines – la pratique étant interdite en France – pour découvrir leurs origines lointaines. S’ancrer dans ses origines, un des dadas de notre siècle déboussolé ?

Et là, bien évidemment, c’est le drame. N’en dévoilons pas davantage, nous pouvons juste révéler qu’aucun des personnages ne se découvre d’ancêtres trop « exotiques », c’est-à-dire juifs, arabes ou noirs. Et ceci est intelligent de la part des scénaristes, car cela nous épargne le couplet du vivre ensemble à l’image de Qu’est-ce-qu’on a fait au bon Dieu ?

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Voyage dans le temps, me voilà rapidement propulsée dans l’émission culte de mon enfance (de notre enfance à tous) : Au théâtre ce soir ! Car tout y est : le rythme, la qualité des acteurs (nous reviendrons sur la performance de Clavier), le découpage dramatique.  En effet, nous pouvons considérer que Cocorico est un vaudeville en trois actes : la découverte du pot aux roses, les réactions des protagonistes qui servent de principaux ressorts comiques, et bien sûr le dénouement heureux. Mais ici, il ne s’agit pas de « Ciel mon mari ! », mais de « Ciel mon ADN ! » Tout cela représente la signature du meilleur de cette tradition bien française qu’est le Théâtre de Boulevard… Les scénaristes ont bien entendu abusé des clichés qui correspondent aux nouvelles origines des personnages, mais ce dispositif n’est nullement gênant, car en noyant le cliché dans le cliché, celui-ci finit par disparaître.

Alerte spoiler

Je ne résiste pas à la tentation de « spoiler » un peu, à dévoiler un des résultats des tests, le plus farfelu. Le personnage de Christian Clavier, Frédéric Bouvier-Sauvage, qui se targue d’être Français depuis la nuit des temps, preuves à l’appui – les portraits de ses ancêtres qui ornent les murs du château – se découvre des origines… cherokees. Après une période de déni et de dépression, son sang cherokee ne fait qu’un tour. Il fonce avec sa voiture dans un restaurant Buffalo Grill, avec dans l’idée de sauver le bison, emblème de la chaîne. Cela donne lieu à la scène la plus drôle du film. Et on éclate d’un rire spontané et clair, comme lorsque nous étions enfant.

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Le casting est très réussi : Clavier fait du Clavier sans trop en faire et maîtrise à merveille sa vis comica, quant à Didier Bourdon il réussit à tenir à bonne distance son personnage de « beauf » enrichi dans lequel on l’a déjà vu. Les deux actrices qui interprètent leurs épouses respectives : Sylvie Testud et Marianne Denicourt sont issues du cinéma d’auteur, et elles ne font pas tache, bien au contraire, le mariage « intello-popu » fonctionne ici à merveille. Toutes proportions gardées, ce film n’est pas sans rappeler le cinéma de Lauzier des années 70-80, dont Clavier fut un des acteurs fétiches. Lauzier y dénonçait les mœurs post soixante-huitardes avec beaucoup de sarcasmes. Ces mêmes pointes de sarcasme que nous pouvons déceler dans Cocorico. 

Assisterons-nous, avec ce film, à un retour de la bonne comédie populaire made in France ? Les paris sont ouverts.




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est enseignante.

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