Quelle époque! Christophe Dechavanne comes back. The show must go on… Chez Léa Salamé, le samedi soir sur France 2, où il est un exceptionnel “invité permanent”, il gratifie son auditoire de bribes de phrases tantôt inaudibles, tantôt incompréhensibles.
Homme de radio et surtout de télé, son dynamisme et son sens de la répartie lui permettent de devenir dans les années 80/90 un des animateurs parmi les plus recherchés dans le milieu médiatique. De Ciel, mon mardi ! à Coucou c’est nous !, Christophe Dechavanne participe au succès de TF1, la chaîne qui, au dire de son cynique président de l’époque Patrick Le Lay, vend à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible. La ménagère de moins de 50 ans est folle de ce sémillant animateur, affirment alors les marchands de pub. Entre 1988 et 1992, les parts d’audience de ses émissions faites pour divertir les Français ne désirant que s’abrutir se détendre après une dure journée de labeur, atteignent des scores jamais vus, jusqu’à 60 % de parts de marché. En même temps que les parts d’audience, la tête de « Cri-cri » se met à gonfler, et l’animateur exige que TF1 lui octroie la case du jeudi soir à la place des séries qui assurent pourtant le succès de la chaîne depuis des années. Badaboum ! Sa nouvelle émission intitulée Tout le toutim est une catastrophe et le public va voir ailleurs s’il y est ; TF1 décide d’arrêter les frais et de revenir à la grille initiale ; Dechavanne poursuit TF1 en justice avant de se rabibocher avec la chaîne qui lui donne une nouvelle chance. Patatras ! Michel Drucker sur France 2 fait de meilleures audiences que Dechavanne. Le Lay est furieux et traite ce dernier « d’accident industriel ». Après plusieurs émissions qui sont autant d’échecs et quelques apparitions sporadiques dans des « soirées spéciales », l’animateur disparaît des radars télévisuels.
Dechavanne demande l’asile sur le service public
En 2019, Dechavanne se lâche dans Le Parisien. TF1, dit-il, l’a placardisé. Pourtant il ne manque pas d’idées. Vingt fois, affirme-t-il, il a proposé à la chaîne une « grande soirée sur l’écologie baptisée “Demain vous appartient” ». Sans succès. Il est obligé de le reconnaître: « Un homme blanc de 61 ans, ce n’est pas ce qu’on recherche à la télé. » Les mois passent mais Dechavanne ne désarme pas. Décidé à faire son come-back, il lance un appel au service public: « Que la direction me fasse passer des castings. Je n’ai aucun problème d’ego. Ou alors, qu’elle lance une étude pour demander aux téléspectateurs si j’ai ma place sur le service public. » La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, a beau avoir déclaré qu’il y avait trop d’hommes blancs de plus de 50 ans à la télévision, Léa Salamé la rebelle passe outre et demande à Christophe Dechavanne de bien vouloir devenir « l’invité permanent » de sa nouvelle émission sur France 2, Quelle époque ! L’animateur accepte et, raisonnable, promet de ne pas faire d’ombre à la journaliste-animatrice : « Léa sera la boss. je ne serai pas loin d’elle, avec mon tempérament et mes engagements », affirme-t-il à Télé-Loisirs. Assagi, le « ch’ti pépère » de 65 ans a de toute manière des engagements écologistes, progressistes et sociétaux qui ne risquent pas de le mettre à mal avec sa nouvelle patronne.
Je n’avais pas encore vu l’émission en question. Il faut dire que le mélange des genres inhérent à ces émissions dites d’infotainment n’a vraiment rien d’attrayant. Ma curiosité a toutefois été aiguisée par l’annonce d’un débat sur l’immigration entre Marlène Schiappa et Marion Maréchal devant avoir lieu dans l’émission du 4 février que j’ai par conséquent regardée. Isabelle Larmat a très justement décrit l’ambiance et le ton de ce « talk-show spectaculaire, drôle et festif » qui permit surtout à un humoriste pas drôle de France Inter (pléonasme) de faire la gueule pendant deux heures en donnant des leçons de morale, à un curé progressiste, écrivain à ses heures, Philippe Besson pour ne pas le nommer, de postillonner des contre-vérités sur l’immigration, à une Secrétaire d’État de dodeliner de la tête en prenant des airs de vierge effarouchée à chaque prise de parole de son adversaire politique. Quant à Christophe Dechavanne, il distilla entre deux somnolences de rares réflexions composées de bribes de phrases tantôt inaudibles, tantôt incompréhensibles.
Génial et torride Christophe Dechavanne
Pourtant, Léa Salamé, après s’être trémoussée sur une musique rythmée et avoir chauffé la salle d’un « Comment il va le public ce soir ? » digne d’un spectacle de sosies de Johnny Hallyday, nous avait promis un « génial et torride Christophe Dechavanne ». Déçus, nous vîmes et entendîmes ce soir-là un animateur un peu fatigué, aussi torride qu’une soirée d’hiver dans le désert de Gobi et aussi génial que Marlène Schiappa avec laquelle il tomba d’accord pour dire que les migrants sont « aussi des êtres humains ». Nous pensâmes même l’avoir complètement perdu lorsqu’il reprocha à Marion Maréchal de « toujours tout ramener à l’immigration », oubliant visiblement, comme le lui fit gentiment remarquer la vice-présidente de Reconquête, que l’unique sujet du débat était à ce moment-là… l’immigration. Après ce coup d’éclat raté, l’invité permanent de Léa Salamé plongera dans une sorte de torpeur dont il ne sortira qu’à la toute fin de l’émission (voir ci-dessous).
Tout ça pour dire que Christophe Dechavanne, s’il est opportuniste, n’est pas un mauvais bougre. Après avoir visionné ses autres interventions dans l’émission susnommée sur France 2, je peux affirmer que l’animateur a parfaitement intégré l’esprit actuel de la télévision publique, idéologiquement de gauche. En face de Jordan Bardella, il s’est comporté comme il fallait, avec la mine défaite et le ton accablé de l’humaniste confronté au Mal. Avec François Ruffin, il l’a joué roucoulade et sérénade. Il y a bien eu un léger accrochage avec Christiane Taubira mais comme (presque) plus personne ne peut piffrer cette insupportable Castafiore de la politique, cela n’a pas porté à conséquence. Par ailleurs, Christophe Dechavanne réalise en ce moment des podcasts pour lesquels il n’a invité ou n’invitera, dit-il, que des gens qu’il aime bien, comme… Marlène Schiappa, et… François Hollande, et aussi… Raphaël Gluksmann. Ce dernier choix ne peut pas nuire à sa nouvelle carrière (!)
Christophe Dechavanne est à l’image de cette émission d’infotainment qui, comme toutes les émissions d’infotainment, ricane sur des sujets sérieux et disserte sur des sujets risibles. Avec l’âge, l’animateur jadis survolté a trouvé une forme de sagesse opportuniste qu’il met à profit pour débiter des truismes dans l’air du temps entre deux bâillements. Mais méfiance, le trublion qui sommeille en lui peut resurgir à tout moment, la preuve : à la fin de l’émission de samedi dernier, Dechavanne s’est soudain réveillé, est monté sur ses ergots fatigués et a lancé un appel solennel aux… pharmaciens. Non, leur a-t-il dit, il n’est pas vrai que les grossistes-répartiteurs manquent de préservatifs. Les pharmaciens doivent donc insister pour se faire livrer les préservatifs qu’ils pourront remettre gratuitement aux « mineurs de 16 à 26 ans » (sic) qui, de leur côté, ne doivent pas craindre de venir réclamer leur dû – « ça évitera beaucoup d’emmerdements, y compris des grossesses chez les mineures ». Cette scène pathétique a été l’apogée de la prestation de Dechavanne qui n’est plus que l’ombre de l’animateur rigolard et déjanté des années 90. Finis les grimaces, les bruits de pet et les mauvais jeux de mots.
Pour continuer de vivoter dans le milieu médiatique, en particulier celui du service public, l’animateur a adopté sans hésiter une nouvelle manière, plus vicelarde, d’abrutir les masses : bienvenue aux prêchi-prêcha gauchisants, aux sermons progressistes et aux débats qui n’en sont pas. Bienvenue dans cette époque – et quelle époque !