Laissons tomber nos jugements sur la personne de Christophe Barbier[1. Voir son édito dans L’Express « Les juifs ont-ils raison d’avoir peur? »], et intéressons-nous aux points qu’il soulève.
1er point
« La peur est mauvaise conseillère ». En réalité, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Il faut avoir un sacré humour involontaire pour conseiller à des Juifs qui n’ont pas oublié l’histoire des Juifs d’Europe de ne pas écouter leur peur.
Les Juifs qui sont partis de Pologne ou d’Allemagne par peur et à temps ont eu raison. Les autres sont morts. Si, en vertu d’une probabilité non nulle, un enfant juif était assassiné par le prochain Mohamed Merah, que dirait Christophe Barbier au père juif qui aurait écouté son conseil? Il est indécent et imprudent de conseiller l‘héroïsme aux autres.
2ème point
Les Juifs de France respectueux de la République ont-ils le droit de se comporter en un groupe ayant des intérêts particuliers à faire entendre et à défendre ?
Le droit de s’organiser, de se faire entendre et de se défendre le cas échéant, qui vaut pour toutes les composantes de la société française, – qu’il s’agisse des ouvriers, des homosexuels, des femmes, ou d’autres- ce droit s’applique pleinement aux Juifs. L’appartenance organisée à une communauté cesse d’être compatible avec la République quand, et seulement quand cette communauté s’oppose aux valeurs, aux principes et aux intérêts de la République. En dehors de quoi, cette appartenance correspond aux principes d’une démocratie pluraliste. C’est le cas du CRIF, qui ne parle qu’au nom des institutions qui en font partie, qui n’enferme personne d’office dans cette communauté instituée, et qui ne se place d’aucune façon hors de l’appartenance la France et à la République.
3ème point
Le rapport passionnel de très nombreux Juifs de France à l’existence et à la sécurité de l’État d’Israël n’est-il pas incompatible avec l’appartenance pleine et entière à la France ?
La réponse est non. Non seulement les Juifs de la diaspora ont plus peur pour les Juifs d’Israël que les Non-juifs, mais ils ont une dette énorme envers les Juifs d’Israël, qui ont créé un État dont l’armée ne tiendra plus l’anéantissement des Juifs pour une question secondaire ou pour une non question. Les Kurdes d’Irak, que Saddam Hussein a exterminés par centaines de milliers, ont intérêt à avoir un État et une armée qui les défende. Les Juifs ne veulent plus être dans la situation qui leur a coûté cher, celle des Chrétiens d’Irak qui dépendent de la force militaire et de la bonne volonté des autres. Oui, l’attachement de nombreux Juifs de France à l’existence et à la sécurité d’Israël est comme leur peur, elle est viscérale.
La peur que tout Juif un tant soit peu visible doit ressentir varie selon les contextes et les moments : elle est à conserver comme un réflexe acquis à un prix énorme.
*Sipa: LICHTFELD EREZ/SIPA.00688965_000015
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