Seuls la presse people et Valeurs actuelles s’inquiètent des menaces reçues par la journaliste de CNews.
Il est de bon ton de citer, avec un air profond, en soirée ou sur des plateaux de télévision une phrase faussement attribuée à Voltaire, « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » De mort, il est question, du moins de menace d’assassiner médiatiquement la journaliste Christine Kelly. Or, les confrères ne se pressent pas franchement au portail pour lui apporter leur soutien face à un message jouant lourdement sur les mots et dont l’auteur n’ignore certainement pas que leur destinataire vit sous protection policière, car menacée de mort depuis deux ans. Un message qui fait penser non seulement au sort de Samuel Paty, mais également à celui du journaliste américain Daniel Pearl décapité en 2002. Mais ce dont les grands médias ne parlent pas n’existe pas.
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Qui veut ressortir la « guillotine médiatique » ?
Le 18 novembre, la journaliste et animatrice de CNews a révélé sur Twitter qu’elle avait été menacée par courriel d’être assassinée, engagement auquel elle a répondu : « La volonté de me voir décapitée, la détermination de me l’envoyer par mail ne changera rien aux idées des uns et des autres. Chacun reste libre. Avec ou sans moi. » Donnait-elle un indice sur l’origine de la menace en écrivant six heures auparavant « Les journalistes menacés par la gauche sont-ils entendus? » en réponse à un article de Libération intitulé « Stop aux menaces de l’extrême droite visant les journalistes » ? Valeurs Actuelles révèle la violence du message incriminé qui promet à Christine Kelly que « le couperet tombera immanquablement sur [sa] tête bien faite. » L’auteur des menaces, qui se veut distingué et ignore que la tête bien faite est une qualité importante selon Montaigne, poursuit en assurant que la « guillotine médiatique est en marche », sous laquelle sa « tête tombera comme une ardoise un soir d’orage ». Promesse lui est faite qu’elle sera « conduite manu militari à l’échafaud médiatique ».
L’auteur du courriel ignorerait-t-il que la locution manu militari ne peut convenir qu’à l’usage de la force physique, ou joue-t-il sur les mots en comptant que l’ambiguïté lui profite en cas de procès s’il est démasqué ? La journaliste envisage de porter plainte.
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Certains journalistes sont moins égaux que d’autres
Si les cochons étaient des animaux plus égaux que d’autres dans La Ferme des animaux, il est des journalistes moins égaux que d’autres. Alors éditorialiste de l’émission Face à l’info animée par Christine Kelly, Éric Zemmour avait été suivi et menacé dans la rue sans que la profession ne s’en émeuve en mai de l’an dernier, hormis quelques journalistes. Guadeloupéenne, Christine Kelly aurait pu bénéficier de la sympathie du milieu si prompt à prouver qu’il n’est pas raciste en dénonçant le racisme partout où il convient de feindre le trouver, mais voilà, elle a le tort d’avoir une vraie déontologie professionnelle : en bonne chrétienne, mais surtout ici en honnête journaliste, elle ne considère pas qu’il est de son devoir d’agresser sur le plateau un collègue plus à droite qu’elle. Pire ! L’amitié entre Kelly et Zemmour est réelle, malgré leurs divergences… Un crime de lèse-correction ! Le confrère Daniel Schneidermann l’a même ambigument qualifiée de « servante» de Zemmour… De tels propos, à droite, auraient soulevé une bronca.
Fallait-il s’attendre à une autre position, de solidarité de principe au minimum, de la part de la profession ? Non seulement il n’y a pas de mot de solidarité, mais très peu de médias en ont parlé ; c’est surtout la presse people qui l’a fait. On n’oubliera pas que le syndicat national des journalistes–CGT avait obtenu une mise à pied de Clément Weill-Raynal après qu’il eut révélé l’affaire du mur des cons tenu par le Syndicat de la magistrature insultant des parents de victimes et des personnalités de droite. Finalement, se battre pour que l’autre puisse s’exprimer ? Oui, mais à condition qu’il pense comme soi !