Christian Jambet a vécu plusieurs vies. Cofondateur de la gauche prolétarienne en 1968, il devient ensuite une figure majeure de l’islamologie française et l’un des plus fins connaisseurs de l’Iran. Il publie chez Gallimard une somme qui récapitule ses explorations théologiques et intellectuelles.
Le chiisme a ses imams cachés. La France a ses maîtres occultés. La faute à nos cécités qui sont chroniques. Elles nous masquent que l’axe du monde bascula non pas en 1989 mais, dix ans plus tôt, en 1979. Que le brasier politico-religieux qui déflagra alors à Téhéran couvait depuis les Lumières. Que l’incendie planétaire qui ravage désormais l’Europe ne consiste pas en un retour moyenâgeux de la colère divine, mais dans la poursuite de la divinisation moderne du pouvoir.
Cette même année 1979, Christian Jambet entame sa traversée au long cours de l’éclipse historique qui perdure depuis. C’est en précurseur qu’il ne va plus cesser d’en retirer des lueurs éclairant ce nouveau conflit mondial. En retard d’une guerre, l’Université et l’Académie finiront par consacrer en lui l’éminent islamologue et iranologue qu’il est devenu par ascèse savante. Bien, mais tardif et insuffisant. Si la Bible prévient que nul n’est prophète en son pays, elle limite les traversées du désert à quarante ans. Nous y sommes. Alors qu’il publie une somme récapitulant ses explorations derrière la ligne de front, l’heure est plus que venue de reconnaître en Christian Jambet un guide pour notre temps.
