Christian Authier fait le bilan d’un demi-siècle passé dans les rédactions parisiennes
Hier encore, nous étions jeunes, la plume nerveuse mais ferme, le désir jamais éteint de noircir la page blanche. Chaque jour, nous attaquions un papier, une chronique, un reportage, une critique avec ce mélange d’excitation et d’appréhension qui me rappelle mon premier slow dans un appartement surchauffé d’une sous-préfecture endormie. Arriverions-nous encore à trouver les bons mots, à saisir l’air du temps et donner à nos lecteurs, nos seuls juges de paix, cet article bien balancé ? Cet équilibre précaire entre informer et divertir intelligemment, entre provoquer l’attention et façonner à l’ancienne ces milliers de signes, leur faire expulser un jus nouveau. Nous avions choisi la presse écrite comme on s’engage dans la Légion étrangère ou dans les Compagnons du Devoir. D’autres plus ambitieux et moins portés sur les chimères ont préféré les bourses asiatiques et les assurances. Aujourd’hui, ils sont rentiers à cinquante ans et nous trimons sur nos claviers.