«L’opération militaire spéciale» de la Russie en Ukraine a suscité une grande controverse en Chine, ses partisans et ses opposants étant divisés en deux camps implacablement opposés. Cet article entend ne représenter aucune des deux parties, mais mener une analyse objective sur les conséquences possibles ainsi que les options chinoises.
Que va faire Xi ? A ce stade de la guerre en Ukraine, c’est la grande question. Si la Chine joue le rôle que lui a écrit la Russie, au-delà d’un soutien moral, Xi Jinping devrait permettre à Poutine de contourner les sanctions occidentales et fournir à l’armée russe des équipements dont elle a besoin (camions, pièces de rechanges diverses, certains types de munitions). Il est difficile de croire que la Russie puisse tenir longtemps sans l’aide active de Pékin. Selon William Burns, le chef de la CIA, Xi Jinping aurait été « déstabilisé » par les difficultés rencontrées par la campagne militaire russe en Ukraine. Le leader chinois n’apprécie pas tellement que l’initiative guerrière de Poutine rapproche les États-Unis et les pays européens. La CIA croit également que les Chinois n’ont pas anticipé les difficultés importantes que les Russes allaient rencontrer, et leurs dirigeants s’inquiètent qu’une association étroite avec le président Poutine ne porte atteinte à la réputation de la Chine. Sans parler des inquiétudes suscitées par les conséquences économiques mondiales de la crise. Cette question est tellement importante qu’elle mérite qu’on y consacre du temps. C’est pour cette raison que nous mettons en avant l’article de Hu Wei, vice-président du Centre de recherche sur les politiques publiques du Bureau du conseiller du Conseil d’État, président de l’Association de recherche sur les politiques publiques de Shanghai et du Comité académique de l’Institut Chahar. Il n’est pas un porte-parole du gouvernement chinois, mais il est peu probable que son analyse aille à l’encontre de la position de celui-ci. Le texte a été publié par le U.S.-China Perception Monitor, une publication en ligne soutenue par une association à but non lucratif gérée par le China Focus de la Fondation Centre Carter, une ONG américaine • Gil Mihaely |
La guerre russo-ukrainienne est le conflit géopolitique le plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale et entraînera des conséquences mondiales bien plus importantes que les attentats du 11 septembre. À ce moment critique, la Chine doit analyser et évaluer avec précision l’orientation de la guerre et son impact potentiel sur le paysage international. Dans le même temps, afin de s’efforcer de créer un environnement extérieur relativement favorable, la Chine doit réagir avec souplesse et faire des choix stratégiques conformes à ses intérêts à long terme.
« L’opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine a suscité une grande controverse en Chine, ses partisans et ses opposants étant divisés en deux camps implacablement opposés. Cet article ne représente aucune partie et, pour le jugement et la référence du plus haut niveau de décision en Chine, cet article mène une analyse objective sur les conséquences possibles de la guerre ainsi que les options de contre-mesures correspondantes.
I/ Prédire l’avenir de la guerre russo-ukrainienne
1/ Vladimir Poutine pourrait ne pas être en mesure d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés, ce qui met la Russie dans une situation délicate. L’objectif de l’attaque de Poutine était de résoudre complètement le problème ukrainien et de détourner l’attention de la crise intérieure de la Russie en vainquant l’Ukraine par une guerre éclair, en remplaçant ses dirigeants et en soutenant un gouvernement pro-russe.
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Cependant, la guerre éclair a échoué et la Russie n’est pas en mesure de soutenir une guerre prolongée et les coûts élevés qui y sont associés. Le déclenchement d’une guerre nucléaire mettrait la Russie à l’opposé du monde entier et est donc impossible à gagner. La situation à l’intérieur et à l’extérieur du pays est également de plus en plus défavorable. Même si l’armée russe parvenait à occuper Kiev et à mettre en place un gouvernement fantoche au prix fort, cela ne signifierait pas la victoire finale. À ce stade, la meilleure option pour Poutine est de mettre fin décemment à la guerre par le biais de pourparlers de paix, ce qui exige que l’Ukraine fasse des concessions substantielles. Cependant, ce qui n’est pas réalisable sur le champ de bataille est également difficile à obtenir à la table des négociations. En tout état de cause, cette action militaire constitue une erreur irréversible.
2/ Le conflit peut s’intensifier davantage, et l’implication éventuelle de l’Occident dans la guerre ne peut être exclue. L’escalade de la guerre serait certes coûteuse, mais il est fort probable que Poutine n’abandonne pas facilement compte tenu de son caractère et de sa puissance. La guerre russo-ukrainienne pourrait s’intensifier au-delà de l’étendue et de la région de l’Ukraine, et pourrait même inclure la possibilité d’une frappe nucléaire. Une fois que cela se produit, les États-Unis et l’Europe ne peuvent rester à l’écart du conflit, ce qui déclencherait une guerre mondiale, voire une guerre nucléaire. Le résultat serait une catastrophe pour l’humanité et une épreuve de force entre les États-Unis et la Russie. Cette confrontation finale, étant donné que la puissance militaire de la Russie ne fait pas le poids face à celle de l’OTAN, serait encore pire pour Poutine.
3/ Même si la Russie parvient à s’emparer de l’Ukraine dans un pari désespéré, il s’agit toujours d’une patate chaude politique. La Russie porterait alors un lourd fardeau et serait dépassée. Dans ces circonstances, peu importe que Volodymyr Zelensky soit vivant ou non, l’Ukraine mettra très probablement en place un gouvernement en exil pour affronter la Russie à long terme. La Russie sera soumise à la fois aux sanctions occidentales et à une rébellion sur le territoire ukrainien. Les lignes de bataille seront tracées très longtemps. L’économie nationale ne sera pas viable et finira par être entraînée vers le bas. Cette période ne dépassera pas quelques années.
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4/ La situation politique en Russie peut changer rapidement. Après l’échec de la guerre éclair de Poutine, l’espoir d’une victoire de la Russie est mince et les sanctions occidentales ont atteint un degré sans précédent. Alors que les moyens de subsistance de la population sont gravement touchés et que les forces anti-guerre et anti-Poutine se rassemblent, la possibilité d’une mutinerie politique en Russie ne peut être exclue. L’économie russe étant au bord de l’effondrement, il serait difficile pour Poutine de soutenir la situation périlleuse, même sans la perte de la guerre russo-ukrainienne. Si Poutine devait être évincé du pouvoir en raison de troubles civils, d’un coup d’État ou d’une autre raison, la Russie serait encore moins susceptible d’affronter l’Occident. Elle succomberait sûrement à l’Occident, voire serait davantage démembrée, et le statut de grande puissance de la Russie prendrait fin.
II/ Analyse de l’impact de la guerre russo-ukrainienne sur le paysage international
1/ Les États-Unis reprendraient le leadership dans le monde occidental, et l’Occident deviendrait plus uni. À l’heure actuelle, l’opinion publique pense que la guerre ukrainienne signifie l’effondrement complet de l’hégémonie américaine, mais la guerre ramènerait en fait la France et l’Allemagne, qui voulaient toutes deux se détacher des États-Unis, dans le cadre de la défense de l’OTAN, détruisant le rêve de l’Europe de parvenir à une diplomatie indépendante et à l’autodéfense.
L’Allemagne augmenterait considérablement son budget militaire ; la Suisse, la Suède et d’autres pays abandonneraient leur neutralité. Avec Nord Stream 2 mis en attente indéfiniment, la dépendance de l’Europe au gaz naturel américain augmentera inévitablement. Les États-Unis et l’Europe formeraient une communauté plus étroite d’avenir partagé, et le leadership américain dans le monde occidental rebondirait.
2/ Le « rideau de fer » tombera à nouveau…
>> Lire la fin de l’article sur le site de la Revue Conflits <<
Un article de Hu Wei pour le US-China Perception Monitor, publication du Carter Center. Traduction de Conflits. Article original publié le 5 mars et mis à jour le 13 mars. Hu Wei est vice-président du Centre de recherche sur les politiques publiques du Bureau du conseiller du Conseil d’État, président de l’Association de recherche sur les politiques publiques de Shanghai, président du Comité académique de l’Institut Chahar, professeur et directeur de thèse. L’article a été soumis par l’auteur à l’édition en langue chinoise du US-China Perception Monitor. L’article n’a pas été commandé par le US-China Perception Monitor, et l’auteur n’est pas affilié au Centre Carter ou au US-China Perception Monitor.
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