L’irrésistible chute de Bo bite-en-l’air 1/2


L’irrésistible chute de Bo bite-en-l’air 1/2

chine juge ti israel

Dans la perspective d’un film franco-sino-israelien , en couleurs et en cinémascope,  sur les récents crimes & procès de Bo XiLai「 薄熙來」 (l’ex-futur n°1 du PCC, désormais en prison), de sa conjointe Gu KaiLai 「谷開來」(condamnée à mort avec deux ans de sursis),  de Wang LiJun 「王立軍」(l’ancien chef de la police de ChongQing, condamné à quinze années de prison), de Zhou YongKang 「周永康」(l’ex-patron de la police et et des tribunaux chinois, qui risque bientôt d’être condamné et exécuté par ses anciens subordonnés), etc.

Portraits historiques du Juge Ti JenChieh 狄仁傑 (Dí RénJié)

J’ai fait un songe, retrouvant le célèbre Juge Ti, la semaine dernière, dans la Chine du Sud-Ouest,  à Chóngqìng「重慶」, avec ses trois épouses.  Sans doute parce que, comme toute lectrice de Robert van Gulik,  je me suis souvent demandé ce qu’elles pouvaient bien fabriquer avec Ti JenChieh 「狄仁傑」(Dí RénJié) après leur dîner, à quatre, une fois terminée leur partie de MahJong 「麻將」(MáJiàng) ; et ce qu’elles font ensemble  à trois pour se consoler de son absence, lorsqu’il part en mission loin de son YáMén 「衙門」 .

Mon rêve m’a affranchie à ce sujet, puisque le juge et ses épouses m’ont cordialement invitée à «prendre ensemble le riz du soir» (comme l’écrit van Gulik) et à «partager le petit-déjeuner» du lendemain matin en famille (comme on dit à Paris quand on drague prestement, avec un gentil sous-entendu, un euphémisme, ou une simple catachrèse).

Robert van Gulik (1910-1967)

Mais je suis tenue à une certaine discrétion : comme on me l’a expliqué en publiant mes premières chroniques, le titre du mensuel papier –  et de sa version électronique – c’est «Causeur». Pas plus, ni plus loin, ni plus osé ! Donc, ce n’est ni «Dragueur», ni «Baiseur». Même si chacun est  — sinon dans un blog, du moins dans ses rêves — libre de ses rimes.

Je serai donc pudique sur ce qui s’est déroulé, dans mon sommeil, avec la famille du Juge Ti. En bonne photographe, je focaliserai cette tribune sur le sujet qui motivait l’escale du Juge à ChongQing et dont nous avons, le magistrat, ses trois épouses et moi-même, longuement parlé le lendemain matin :

          
Le juge Ti et ses trois épouses,  (JingFeng 金鳳, MeiXin 梅馨 et ShiHan 詩涵 ) à ChongQing, non loin du Lucky Hotel où Neil Heywood a été assassiné. À droite, quelques années auparavant avant qu’il ne laisse pousser sa barbe.

Que s’était-il vraiment passé dans l’un des pavillons un peu à l’écart dans le parc du  «Lucky Hotel», le NanShan LiJing DuJia JiuDian 「南山麗景度假酒店」 dans la banlieue de ChongQing 「重慶市」 où fut retrouvé, à la mi-novembre 2011, le cadavre du Britannique Neil Heywood ?    

Neil Heywood (1970 – 14 novembre 2011)

Pour MeiXin 「梅馨」, la plus jeune des trois épouses du juge Ti, Neil Heywood était, probablement un «honorable correspondant» des services secrets de Sa Majesté britannique, peut-être plus. Il était parvenu, depuis une dizaine d’années, très loin dans l’intimité des finances (occultes et hors de Chine) de la famille de Bo XiLai, maire de DaLian puis ministre du Commerce extérieur, gouverneur de ChongQing et presque-prochain n°1 chinois. Mais les relations entre le couple et son homme de confiance étranger s’était gâtées, en même temps que le couple Bo Xilai「薄熙來」 >< Gu KaiLai 「谷開來」se délitait.

Sur quoi, ShiHan「詩涵」, la seconde épouse du juge, fit remarquer : Neil Heywood, qui réclamait plus d’argent, avait-il lui-même une maitresse dispendieuse en sus de  LuLu, sa modeste épouse chinoise ?

ShiHan, la deuxième épouse de Juge Ti, se demande pourquoi si Neil Heywood était un agent britannique 

Il était en fait en disgrâce auprès des Bo et avait été supplanté dans ses fonctions de fondé de pouvoirs pour leurs investissements off-shore (y compris une villa assez tape-à-l’oeil à Cannes ! ) par, entre autres, une ancienne maitresse de Bo, la présentatrice de tv Jiang Feng 「姜豐」 (devenue Mrs. Dolby, après son mariage avec un millionnaire britannique).

En tous cas le Registre du commerce français, accessible sur le web,  est clair : les gérants successifs de la villa cannoise furent Neil Heywood, puis l’architecte français Patrick Devillers que le Cambodge remit à la police chinoise, et enfin Mme Dolby. C’est peu discret, puisque n’importe quel internaute chinois peut accéder à cette intimité.

Patrick Devillers, un architecte français, un temps gérant de la SCI propriétaire de la villa cannoise de Gu KaiLai, ici à ses côtés.

Toujours est-il que Neil Heywood réclama, en effet, une soulte, ou un supplément d’honoraires, à Mme Gu, sans doute à propos d’une opération immobilière qui avait mal tourné, et haussa le ton, de manière menaçante, à propos de GuaGua, 「瓜瓜」 «cornichon», son fils , scolarisé à Harrow à partir de l’âge de 12 ans, et désormais inscrit à Harvard.

Bo GuaGua 薄瓜瓜

C’étaient des menaces inconvenantes, certainement maladroites, et passablement dangereuses pour ce benêt britannique. Heywood était peut être un agent secret mais, dans ce cas, pas des plus futés, inconscient à l’évidence qu’il est dangereux en Chine,  plus qu’ailleurs, de «jeter de la merde dans un ventilateur.»

JinFeng「金鳳」, la première épouse du Juge ajouta : personne ne pouvait  ignorer que Heywwod était surveillé par le contre-espionnage chinois, avant même l’arrivée de Bo à ChongQing. Cette relation suspecte, déjà peu tolérable pour le maire de DaLian, le grand port et ville-modèle du Nord-Est chinois, encore moins pour un ministre du Commerce extérieur, était tout à fait incompatible avec les projets de Bo de devenir le n°1 du régime.

Le Juge Ti bavardant avec sa première épouse JinFeng 金鳳

En matière de corruption, les étrangers finissent toujours par exploser en vol : indiscrets, ce ne sont pas des partenaires fiables. Heywood étant sans doute devenu, au fil des ans, un élément de l’entourage de Gu KaiLai, plus que de Bo XiLai qui laissait son épouse longuement éponger sa langueur à l’étranger, à proximité de leur héritier. Selon le site web du «China Times», les fonds  sous la garde de GuaGua hors de Chine dépasseraient les six milliards de dollars.  La famille Bo-Gu n’était peut-être pas la plus riche des familles de dirigeants communistes, mais elle avait de quoi  jouer au poker avec quelques oligarques, et quelques émirs.

Ce qui expliquerait la romance, photographiée par la presse chinoise, que GuaGua a filée dans les sites touristiques du Tibet, escorté par trois jeeps de la police armée, avec la fille d’un des principaux banquiers chinois, petite-fille du patriarche communiste Chen Yun, et habituée des bals pour héritières et princesses de l’hotel Crillon à Paris : Chen XiaoDan「陳曉丹」, une diplômée de Wharton.

Chen XiaoDan, 陳曉丹 lors du Bal des débutantes le 25 novembre 2006 à l’hôtel Crillon, place de la Concorde à Paris. Ci-dessous, Chen XiaoDan et Bo GuaGua, au cours de leur voyage en amoureux au Tibet.
Un tel étalage de luxe a quelque peu choqué les épouses du Juge Ti ! Pour ne rien dire des milliards. Malgré les photos de famille, prises pour la galerie,  avec leur fils Bo GuaGua「薄 瓜瓜」, le couple du flamboyant gouverneur de la «ville spéciale» de Chóngqìng (18 M d’habitants, la surface de l’Autriche), avec son épouse avocate, battait de l’aile à cause sans doute des très nombreuses maitresses de Bo, qui délaissait sa régulière. Mais aussi probablement de la dépendance de Gu à toutes sortes d’anxiolytiques, après avoir été victime à DaLian, d’une tentative d’empoisonnement, dont Wang LiJun le chef de la police, avait retrouvé les coupables dans la domesticité des Bo. Il y avait donc des grumeaux dans le potage, explosifs pour qui sauraient les allumer.

Les trois épouses pouffèrent de rire à l’évocation des maitresses de Bo : que n’avait-il trois épouses à son foyer comme les mandarins des siècles passés ! Mais ShiHan (la seconde des trois épouses qui finissait de traduire en chinois Marie-Olympe de Gouges) souligna que cette traditionnelle structure polygamique de la parenté (qui fait retour indéniablement chez les hauts et moyen-hauts fonctionnaires et les commerçants de la République populaire de Chine) limitait la liberté des femmes ; et qu’elle souhaitait que toutes les épouses chinoises puissent à leur tour prendre des amants autant qu’elles le souhaiteraient. Les deux autres épouses du Juge applaudirent.

Ti, libéral et même libertin (je peux en témoigner désormais, ce que Robert van Gulik n’avait jamais expliqué),  opina et conclut cet intermède par son leitmotiv habituel : «Comme bien souvent, vous avez raison, j’aurais du en parler à van Gulik, pour répondre légitimement à vos voeux et améliorer vos personnages et vos existences dans ses livres. Nous y veillerons dans les suivants. Mais revenons au meurtre du roastbeef qui nous amène à ChongQing ! ».

En resservant affectueusement du SuanLaTang 「酸辣湯」, le potage de sanguette de canard au vinaigre et au poivre (plus qu’au piment), à ses épouses, le Juge Ti ajouta avec sa concision non moins habituelle :  «On se souvient que c’est pour le meurtre de ce Britannique que Gu KaiLai, fut condamnée,  le 9 août 2012,  ‘à mort avec deux ans de sursis’.   Mais, en fait, ce n’est sans doute pas elle qui l’a occis !»

Le Juge mesura l’effet de ses paroles au fait que tous les convives, moi comprise, suspendirent leur baguettes et cessèrent de manger pour entendre la suite.

Le juge Ti expliqua que, depuis la mort de Robert van Gulik (1910-1967), ayant plus de temps libre pour la lecture, il s’était plongé dans la «Corrida avec mise à mort des tycoons chinois» 「中國權貴的死亡遊戲」(ZhōngGuó QuánGuì de SǐWáng YóuXì) isbn 9781940007212 「領袖出版社」 de Ho Pin「何頻」 & Huang WenGuang 「黃聞光」, disponible en anglais chez Perseus sous le titre : A Death in the Lucky Hotel : Murder, Money & an Epic Power Struggle in China.

Ho Pin 何頻, éditeur de la newsletter MinJing 明鏡

Huang WenGuang 黃聞光

L’édition américaine du livre dont je recommande la traduction et l’édition en français: aussi aberrant que cela puisse paraître, selon SUDOC, aucune bibliothèque universitaire française, même sinologique, n’a acheté ce livre.

Comme le lecteur l’aura compris, une grande partie de ma science (éclairée par les commentaires du Juge Ti) vient de cet ouvrage en langue chinoise dont je recommande chaudement la version anglaise à tout éditeur parisien intelligent pour une rapide traduction en français.

Daté, dans sa version américaine, de janvier 2013 il ne comporte donc pas les plus récents détails sur le sort de Zhou YongKang 「周永康」, le n°3 du régime il y a peu encore et de sa probable condamnation à mort que nombre de Chinois anticipent (et pour beaucoup souhaitent). Mais il sera facile à l’éditeur français de demander une postface aux deux auteurs. A défaut, je demanderais au Juge Ti de rendre ce service à l’édition française.

« Chantant rouge » avant de « broyer noir », les deux complices qui veulent saisir le pouvoir à Pékin.

Comme le juge Ti nous l’a expliqué, pendant mon rêve, la chute de Zhou, le plus puissant des dirigeants chinois, responsable de tous les services de sécurité, de police et de justice, avait été annoncée , tracée par un bras invisible dont on ne voyait que la main et le pinceau, sur un mur de ZhongNanHai 「中南海」 le siège du pouvoir suprême à Pékin, du coté occidental de la «cité interdite pourpre» 「紫禁城」ZiJinCheng :

מנא ,מנא, תקל, ופרסין

Mene, Mene, Teqel, Upharsin

C’est-à-dire, sous la forme citée le plus souvent en français,

Mané : «ton pouvoir est compté !».

Thécel : «tu as été pesé et tu ne faits plus le poids !».

Pharès : «ton empire sera divisé !».

Il faut dire que le prophète Daniel, qui parlait mal chinois, errait dans Pékin ayant perdu son chemin.

Son apparition en «guest-star» dans le film que j’ai en tête permettrait de ressortir le panoramique liminaire de Wo ZheiYi BeiZi 「我這一輩子」(Histoire de ma vie) le beau film réalisé par Shi Hui 「石揮」 d’après le roman de Lao She「老舍」, et de faire croire que le prophète Daniel s’est réincarné dans l’un des personnages du film, un pauvre flic de Pékin qui traverse le siècle, dans la capitale (désormais détruite) qui est l’héroïne véritable du film.

Shi Hui 石揮

Que le lecteur ait, au passage, une pensée pour Lao She, le très sympathique auteur pékinois, assassiné pendant la révo.cul. par des gardes rouges maoistes. On ne peut rien comprendre à la politique chinoise la plus récente si on ne se souvient pas que toutes les «élites» chinoises se partageant le pouvoir actuellement, celles nées dans le années 1950, ont traversé cette guerre civile qui fit 4 millions de morts, et pendant laquelle ceux qui ne périrent pas furent, successivement, des victimes et des bourreaux.

Lao She 老舍

Le juge Ti avait été appelé par le patron de la garde du Comité central, chargée de la sécurité des plus hauts dirigeants, pour élucider cette inscription. Il s’en était bien tiré, comme à son habitude en citant le Livre de Daniel.

Mais Zhou YongKang lui avait fait la gueule, et le chef des gardes du corps avait glissé «quand le message n’est pas bon, il tue le messager». Le Juge haussa les épaules, en répliquant «faut pas qu’il se prenne pour Sophocle, on est encore à Babylone !». Le chef des gares du corps avait souri et discrètement laissé partir le Juge Ti avant que Zhou ne tente de le retenir pour lui faire un mauvais sort.

En me racontant l’épisode, le Juge me passa alors les oreillettes de son MP3 pour que j’écoute « Mané-Thécel-Phares » de Jean-Thierry Boisseau, en me suggérant d’en faire le leitmotiv musical d’un film, joué au ErHu, le violon à deux cordes, avant de repasser à l’orchestration originale avec orgue.

Sa seconde épouse lui poussa son coude dans les cotes en disant «Non ! C’est Ibrahim Maalouf à la trompette que je veux pour la bande-son, avec des quarts de ton judéo-andalou».

Mané, Thécel, Pharès : Le Juge Ti, un érudit incollable, très élégant dans ses vêtements de la dynastie Tang, comparés au linge médiocre des bureaucrates post-maoïstes, me précisa le sens de ces trois mots obscurs en hébreu antique que la veuve de Nabuchodosor et leur fils Balthazar, dernier roi de Babylone, avaient vus apparaitre sur le mur du palais où ils festoyaient dans les vases sacrés du Temple de Salomon pour célébrer l’anniversaire de la chute de Jerusalem.

Balthazar, ou est-ce Zhou YongKang ? , a du mal à lire l’hébreu

Le lecteur aura compris que je cherche activement, et même avec une certaine emphase, un producteur pour un film sur ce riche sujet plein de meurtres, de lucre, de stupre, et de violence, mais aussi de très intéressants flash-backs historiques avec des séquences de news réels en N&B. Ce pourrait être le synopsis d’une co-production franco-chinoise-israélienne.

Pourquoi israélienne ? Parce que le juge Ti m’a révélé que la plupart des systèmes d’écoute que les dirigeants chinois installent les uns chez les autres pour s’espionner – mutuellement et réciproquement – ont été achetés en Israel (pour plus de 300 M US$, selon Ho Pin & Huang WenGuang, dans la seule municipalité de ChongQing) .

Si les vendeurs ne sont pas trop niais, ils auront vérolé ce qu’ils ont vendu et auront pu récupérer – à distance (précisément sous le nom de code Mane Thecel Pharès – qui ferait un très bon titre de film ) une partie des enregistrements. Il y a sans doute à Tel Aviv, dans les placards du Mossad, de cocasses fichiers numériques sur l’intime de la politique chinoise, les murmures et chuchotements de la nomenklatura, et les râles de leurs maitresses, sans oublier le cliquetis des lingots d’or qu’on range, et le frou-frou des billets de banque qu’un bon logiciel doit permettre de distinguer du frou-frou des dentelles.

De toute façon, il me faudrait dans le film une belle israélienne yéménite comme feu Ofra Haza pour chanter Hatikvah au Juge (c’est son phantasme, car Ti JenChieh est pro-israélien et il m’a expliqué qu’il méprise Stéphane Hessel. Il a beaucoup insisté pour que je m’en souvienne, alors que je n’ai rien lu de Stéphane Hessel. Tous mes amis parisiens m’ont confirmé que Hessel était une glaire et que je gagnerais une caisse d’un excellent Cahors si je l’imprimais dans Causeur), tout en expliquant aux spectateurs que l’hymne national israélien Espérance est – au départ – un chant moldave Carul cu boi («J’ai deux grands boeufs à ma cariole») qui a été fredonné dans les congrès des travailleurs socialistes yiddish avant de devenir l’hymne sioniste. Je viens d’apprendre tout cela, et je suis pas peu fière de ressortir ce très récent savoir !

C’est en effet ce que m’a raconté, pour me draguer, un charmant jeune Moldave vendant des sandwichs dans le train Toulouse – Paris : il m’expliqua qu’il rêvait de séduire en Israël une jeune et belle Falasha en lui racontant cette histoire. C’était son phantasme à lui.

Comme je ne parle pas hébreu, et ne suis pas Falasha, et pas même noire, j’ai craint de le décevoir. C’est alors que, dans les secousses du train qui freinait en gare de Souillac, le beau Moldave (en m’offrant un jambon-comté-beurre-cornichons) me répondit, comme dans Certains l’aiment chaud, que «personne n’est parfait» et qu’on pouvait donc quand même se revoir. Mais c’est une autre histoire.

Il est temps d’introduire une respiration dans mon récitatif : je recherche une belle Falasha pour surprendre d’abord les producteurs au détour de mon story-board, ensuite les spectateurs, dans le film sur la chute de Bo Xilai et Zhou YongKang.

Il y a une composante orientale exotique certaine pour les Français dans ces crimes et ces histoires de pouvoir, de lucre et de stupre, dans la bureaucratie chinoise que les Français croient tellement faramineuse, mais en fait simplement enfarinée et raffarinée.

Même avec l’aide du Juge Ti, compter et recompter les cadavres, puis mesurer des longueurs de fils de fer barbelés maoïste et post-maoïste, capitaliste mais anti-libéral, etc. cela peut à la longue lasser. Il faut donc penser également aux spectateurs chinois : une Israélienne éthiopienne et une autre yéménite, cela ferait une superbe affiche, surtout si elles chantent, en bikini, pour stimuler -sans entraves – vers la liberté et le plaisir – celles qui se baignent encore en survêtement ou en tchador, en Iran (pour la concupiscence des mollahs), à Gaza (pour celle des militants du Parti de gauche et des policiers du Hamas), et ailleurs.

Il faut aussi, avec ce projet de film, ramener en Chine de bons trompettistes antillais et un peu d’humour juif. Toutes ces présentatrices de tv de Pékin et de province qui se tapent des policiers glauques (et des cadres du PCC peu ragoûtants) pour – au final avec leurs gains et leurs primes – acheter des sacs Vuitton, ce n’est pas vraiment exaltant.

La Chine mérite mieux comme consolations après tant d’années de maoïsme. Bo XiLai ne serait peut-être pas en prison aujourd‘hui s’il était allé au Festival de Marciac pour accompagner Wang Fei (qui adora ses quelques jours de vacances dans le Gers), s’il y avait été séduit par une festivalière antillaise chanteuse de jazz, qui lui aurait appris qu’il y a dans la vie des objectifs plus drôles que d’ambitionner de succéder à Hu JinTao et de planquer off-shore de l’argent mal acquis. C’est pour cela que, sur le conseil du Juge Ti, je reviendrai un peu plus loin sur l’enfance de Bo pour tenter d’expliquer ses aberrations et son plantage après un ascension assez fulgurante.

Si Xi JinPing a un peu d’humour, il me donnera un passe pour interviewer Bo en prison sur ses choix existentiels : «Auriez-vous préféré aller avec Wang Fei au Festival de Marciac et y draguer une jeune musicienne antillaise ? Ou bien accumuler dans des paradis fiscaux de quoi acheter des dizaines de milliers de sacs Louis-Vuitton pour vos 800 maitresses ? Croyez-vous que Arman aurait pu faire une sculpture place TianAnmen avec des milliers de sacs LV, comme il fait avec des valises, et des horloges, devant la gare saint-Lazare ? Est-il raisonnable de ramener – comme vous avez notablement contribué à le faire – l’histoire chinoise moderne à un immense terril de sacs Vuitton».

Wang Fei 王菲, à peu près à l’époque où elle avait assisté au Festival de Marciac et dans le film Chungking Express 重慶森林 de Wong KarWai 王家衛.

Il est fou de penser que LV a fait un tel chiffre avec ses baise-en-villes qui, en Chine, ne servent qu’à afficher que l’on fornique avec des corrompus ou des corrupteurs. «Et quand on pense que Gorbatchev a fini en faisant de la pub pour les sacs Vuitton ! » ajouta MeiXin, la première épouse du Juge Ti…

ShiHan, la deuxième épouse du Juge, m’incita à recadrer mes statistiques : 800 présentatrices de tv cela peut sembler beaucoup. Mais sur dix ans cela ne fait plus que 80 par an, 7 par mois, de plus mutualisées avec Zhou YongKang et quelques autres gradés de la police.

Comme le rappellent Ho et Huang, Bo XiLai「薄熙來」était connu par tous en Chine sous le sobriquet «Bo QiLai»「薄起來」, c’est à dire «Bo-bite-en-l’air», un jeu de mot coquin sur les premières paroles de l’hymne national «Dressez-vous ! ».「起來 !」(QiLai !)

Tian Han 田漢 et sa statue à ShangHai au fond de l’ex-concession française à côté du DongHu Hotel

Nota bene : Tian Han 「田漢」, l’auteur de cet hymne national «La marche des volontaires» 義勇軍進行曲, a été torturé à mort par les gardes rouges pendant la révo.cul. Sa statue, discrète et oubliée, est au centre d’un petit rond-point en face de l’ancien hôtel particulier de Du YueSheng 「杜月笙」(le gangster partenaire des fonctionnaires français), au fond de l’ancienne concession française de Shanghai.

Du YueSheng 杜月笙 (1888-1951), le véritable patron de la concession française, ancient tireur de jonques sur le Grand canal, patron du Gang vert, partenaire de Chiang KaiShek dans l’élimination des communistes en 1927. Son hôtel particulier est devenu le DongHu Hotel, et c’est là que le Juge Ti loge quand il passe à ShangHai.

Le lecteur de Causeur m’autorisera cette autre digression : la Chine est sans doute le seul pays au monde où tous les citoyens qui se lèvent pour écouter leur hymne national entendent, derrière les flonflons, les cris de douleur et de désespoir de l’auteur des paroles, torturé à mort. En l’occurrence, il le fut sur ordre du grand-timonier et de son épouse, Madame Mao. Cette schizophrénie nationale explique, mais n’excuse pas, la violence et le cynisme de dirigeants corrompus, qui dégoulinent en cascade à tous les étages de la société.

Et puis, il nous faut penser aux heures de solitude désormais de Bo (condamné à perpète en septembre 2013) et de Zhou (attendant peut-être la piqûre qui doit l’euthanasier) dans leur prison dorée, à repasser sans fin des dvd maoistes et post-maoistes. Un peu de délire hollywoodien en contrepoint d’une très précise relation de leur ascension puis de leur chute, cela serait assez distancié, brechtien, et pourtant plus drôle que «La bonne âme de Se-Tchouan» («Der gute Mensch von Sezuan»).

À ChongQing, nous sommes au SiChuan, là où Brecht situe sa fameuse pièce. Le juge Ti m’a demandé si, avec les tribulations criminelles de Zhou YongKang et de Bo XiLai, nous n’aurions pas aussi la matière d’une autre pièce brechtienne pour théâtres subventionnés français et comités d’entreprises, à la manière de La Résistible ascension d’Arturo Ui.

J’en conviens, mais quel dramaturge pourrait prendre le relais de Brecht ?

«L’Irrésistible chute de Bo Bite-en-l’air» est un bon titre, tant pour les centres dramatiques de province français que pour les théâtres chinois, et peut-être même Hollywood. Je pense même que le ministère de la Vérité chinois pourrait être co-producteur, ou pour le moins aider au tournage. Avec «One, two, three» on a déjà une bonne amorce : le film de Billy Wilder se trouve en Chine dans tous les marchés de nuits, piraté, pour la plus grande joie des cinéphiles. Et il faut absolument ressortir la séquence parodique des opéras de Mme Mao, «Carmeng», géniale, comme le reste du film de Jean Yanne, «Les Chinois à Paris», le best-seller des vendeurs de DVDs piratés dans tous les marchés de nuit chinois.

Voilà un sujet à suggérer à Yan LianKe 「閻連科」 dont je recommande aux lecteurs de «Causeur» l’extraordinaire «Servir le peuple»「為人民服務」, le plus beau roman sorti de Chine récemment, et fort bien traduit en français en 2006 par Claude Payen. Un autre grand sujet pour un beau film, sur lequel je reviendrai dans mon blog.

Yan LianKe 閻連科 l’un des auteurs chinois contemporains les plus intéressants

Si, comme il faut l’espérer, le livre de Ho Pin et Huang WenGuang, trouve rapidement un éditeur en France, il sera facile, je le répète, de demander aux auteurs de mettre à jour, avec les plus récents détails, cet extraordinaire roman policier, mettant aux prises des truands aux crimes innombrables, qui se sont fabuleusement enrichis (avec toutes leurs familles et tous leurs alliés, et aussi leurs maitresses) sur le dos de la Chine et des Chinois.

Le juge Ti m’expliqua que l’enquête était déjà presque complètement achevée dans le livre de Ho et Huang, bien que quelques confirmations ne soient pas encore sorties de Chine. Elle lui parait très bien conduite et il recommande l’ouvrage pour sa description passionnante des rouages du pouvoir. A l’évidence, Bo XiLai et Zhou YongKang, pourtant pas nés de la dernière pluie, sont tombés dans les filets de plus malins qu’eux.

La suite demain.



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est une photographe taïwanaise installée en France.

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