La question a été posée à Lee Kuan Yew, le fondateur du Singapour moderne et l’inspirateur des réformes de Deng Xiaoping, par des chercheurs américains : la Chine supplantera-t-elle un jour les États-Unis ? Et, si oui, quelles en seront les conséquences ? La réponse figure dans un livre : Lee Kuan Yew : The Grand Master’s Insights on China, The United States, and the World ( MIT Press ).
Ce que dit le vieux sage de Singapour mérite réflexion : le principal handicap de la Chine, ce ne sont pas les Chinois…..mais le chinois. » Ils ont, argumente-t-il, quatre mille ans de caractères chinois dans la tête « . Or, la langue chinoise est bien trop compliquée pour jouer le rôle international de l’anglais. Du coup, la Chine ne sera jamais un aimant à talents comme le sont les États-Unis. Même avec une population quatre fois plus grande que celle des États-Unis – donc quatre fois plus de talents – ils sont incapables de percées technologiques majeures. En outre, leur culture ne leur permet pas des échanges libres et encore moins le débat d’idées. Lee Kuan Yew attribue la réussite de Singapour à l’instauration de l’anglais comme langue de travail. La langue est, selon lui, plus importante que la démocratie. De toute manière, les leaders communistes ne l’expérimenteront jamais, car s’ils le faisaient, le régime s’effondrerait aussitôt.
J’avoue n’avoir aucune idée sur la question, mais si le vieux sage de Singapour a raison, une émission de télévision comme The Voice, qui a autant de succès en Chine qu’en France, pourrait bien être l’aimant qui conduira chaque Chinois à fredonner en anglais les tubes internationaux et, finalement, à leur indiquer une Voie qui ne sera ni celle de Lao Tseu ou de Confucius, ni celle de Mao, mais qui pourrait les conduire différemment à surmonter leur principal handicap. Est-ce vraiment souhaitable ? Les Chinois seront-ils plus aimables et plus inventifs pour autant ? C’est ce que semble croire le vénérable Lee Kuan Yew que Barack Obama loue pour sa clairvoyance. Il est vrai que les oracles du Vieux Sage sont de nature à rassurer les États-Unis et, pour les plus paresseux d’entre nous, une excuse à notre ignorance du chinois.
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