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Chili: Boric contre Héliogabale

Et chez nous, alors ?


Chili: Boric contre Héliogabale
Le nouveau président chilien Gabriel Boric, Santiago, 20 décembre 2021 © Elvis Gonzalez/EFE/SIPA Numéro de reportage : 01053451_000003

Au Chili, le candidat ultraconservateur Antonio Kast a été sévèrement battu par le candidat très à gauche Gabriel Boric (55.8% au second tour). Raquel Garrido et Jérôme Leroy sont ravis.


La chose est suffisamment rare pour être signalée. Un candidat de gauche, Gabriel Boric, à la tête d’une coalition avec de vrais morceaux de communisme dedans (salut à toi Camilla Vallejo!), a emporté l’élection présidentielle au Chili et a donné la punition (plus de dix points d’écart) au candidat local de l’extrême-droite José Antonio Kast. Ce dernier reprenait sans complexe à son compte le célèbre cocktail Pinochet (1973-1990) servi à Santiago du Chili après un autre 11 septembre où Allende, régulièrement élu, avait été renversé dans son palais de la Moneda par un putsch qui fit des milliers de morts. 

Forte participation

La recette venait du barman Milton Freidman et de son gang de serveurs, les Chicago Boys: un quart d’ordre moral impitoyable, un quart de liberté d’expression très sévèrement (euphémisme) encadrée et une grosse moitié de laisser faire économique total et de libéralisme sauvage, le tout relevé par un filet de torture institutionnalisée.  

Est-ce l’exemple du voisin Bolsonaro et du désastre sanitaire, écologique et démocratique dont il est responsable qui a poussé le Chili a ce changement radical et avec une ampleur que ne soupçonnaient pas les sondages, le tout légitimé par une participation indiscutable au point que Kast, reconnaissons-lui cela, a renoncé à toute contestation ? Sans doute et c’est une bonne nouvelle pour ce pays. 

Le Chili, c’est loin

Pour nous aussi. La droite dure, voire la droite, en France, notamment avec la candidature Zemmour, aurait tendance à prendre ce visage-là. Pudeur de gazelle sur la saignée  sociale mais retour aux « valeurs » identitaires ou nationales avec une histoire réécrite pour les besoins de la cause.

On pense, en voyant ce refus chilien d’un bolsonaro-trumpisme à ce petit livre d’Antonin Artaud, Héliogabale ou l’anarchiste couronné. Artaud y décrit, à travers la folie d’un éphémère empereur romain, le pouvoir absolu, le pouvoir irrationnel qui jouit de son absence de limite: « L’absolu n’a besoin de rien. Ni de dieu, ni d’ange, ni d’homme, ni d’esprit, ni de principe, ni de matière, ni de continuité. » C’est ce que Pasolini, lui, appellera « l’anarchisme du pouvoir » à propos de Salo ou les 120 journées. Cette nouvelle extrême-droite, sans plus aucun surmoi, s’est ainsi récemment caractérisée par ses discours délirants sur la situation sanitaire, confondant dans un parfait cynisme ou une parfaite bêtise, un problème de santé publique avec un problème de libertés individuelles.

Si 2022 pouvait être l’année d’autres Gabriel Boric, ce serait bien. Pas chez nous, évidemment, où on a des problèmes bien plus urgents que de reconstruire l’État providence. Il est vrai qu’entre la lutte contre le Grand Remplacement à droite et la déconstruction des stéréotypes à gauche, le creusement délirant des inégalités sociales ou la tiers-mondisation du système de santé sont bien peu de choses.

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