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La vie à la campagne

Joseph de Pesquidoux et les coutumes rurales gasconnes


La vie à la campagne
Paysage du Gers © FRILET/SIPA Numéro de reportage: 00327712_000022.

Joseph de Pesquidoux (1869-1946) raconte les coutumes rurales gasconnes de 1914 à 1922


Aujourd’hui, la ruralité s’étudie dans des colloques à défaut de se vivre, les pieds dans la terre. Un peu honteux d’avoir délaissé pendant des décennies ce sujet en or, fatigués aussi par la sociologie des cités et l’amertume du périurbain, les penseurs ont découvert ce nouvel eldorado. On s’y rend en TER ou en Intercités quand ces trains ont décidé de bien fonctionner.

Le rural meurt en silence

Un champ d’enquêtes et de situations aussi dramatiques que le quotidien déprimant des tours bétonnées est là, juste à côté, parfois à cent cinquante kilomètres de Paris. Carnets à la main, ils interrogent, ils sondent, ils ratissent le Morvan, le Nivernais ou le Bourbonnais à la recherche de ce rural, étrange citoyen qui meurt dans le silence et dont l’image s’effacera bientôt des livres d’Histoire. Ils sont même surpris de son existence, on le croyait parti à la ville depuis longtemps, jadis son exode avait fait l’objet de nombreux ouvrages, il subsiste néanmoins dans le dénuement des services publics.

chez-nous-en-gascogneIl est folklorique par bien des aspects, d’abord il se déplace uniquement en voiture, fait ses courses dans des supermarchés, n’a pas de librairie dans un rayon de cinquante kilomètres, n’est pas forcément un paysan, ses enfants sont souvent pensionnaires au lycée le plus proche et il évite de tomber malade, cela l’obligerait à changer carrément de département, voire de région. Sa qualité de vie est toute relative.

L’appel du jardin

On fantasme sur le bon air qu’il respire, les étendues qu’il dispose et sa tranquillité d’esprit par rapport aux citadins entassés, mal-logés et abandonnés des pouvoirs successifs. Ce virus nous aura appris que le mal-être français se moque des limites entre la ville et la campagne. Il essaime généreusement sur l’ensemble du territoire. Partout, les coutures cèdent, la sécurité fait défaut et les vieux chaînons d’entraide ne résistent pas à la férocité de la mondialisation. Au printemps dernier pourtant, les agences immobilières de province avaient été assaillies de demandes, l’appel du jardin avait sonné. Combien de ces visites aux beaux jours, l’odeur du gazon coupé dans les narines se sont concrétisées par des achats fermes à l’automne, sous une pluie peu amène ? Si vivre à la campagne est un rêve pour beaucoup d’entre nous, le réaliser s’avère aussi difficile que d’obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue dans le Berry en moins de dix-huit mois ! Et même si le prix de l’habitat peut sembler « bas » pour un habitant des métropoles, il est parfois trompeur, il recèle mille déconvenues.

Le Virgile Gascon

C’est pourquoi, même avec la généralisation du télétravail, un retour massif de la population dans les profondeurs de notre pays n’est pas d’actualité. Et puis, cette campagne vénérée a beaucoup changé en cinquante ans. J’entends encore à la veillée, les histoires de ma grand-mère, narrant les comices agricoles d’antan, les fanfares locales, les concours de musique et le bal des conscrits. Vient de paraître aux éditions Le Festin, dans leur collection « Les Merveilles », un texte oublié d’un auteur tout aussi oublié : Chez nous en Gascogne de Joseph de Pesquidoux, « chroniques sur les travaux, les coutumes et les jeux en Gascogne » comme le rappelle Serge Airoldi dans une très belle préface. Ce châtelain-académicien a fini sa vie au Houga dans le Gers, il est l’auteur notamment de La Glèbe, Le Livre de raison ou La Harde, il fut surnommé par l’Express, « le Virgile gascon » et son talent de conteur fut salué, en son temps, par Gide.

Ce recueil de textes écrits entre 1914 et 1922 a le charme d’un tracteur vert SFV (Société Française de Vierzon) dodelinant sur un chemin vicinal. Le seigneur de Pesquidoux, avec une langue charnue et le ton juste du bon pédagogue, c’est-à-dire qui a plaisir à instruire sans ennuyer, à décrire précisément les gestes sans noyer dans les détails, nous fait découvrir la course landaise, la chasse aux palombes, la fête du cochon, la culture du maïs ou le fonctionnement d’un alambic défendant fièrement l’eau-de-vie.

Nous irons tous en Gascogne

Ce qui lui vaudrait aujourd’hui une haine sanitaire tenace. « Car la vraie, la pure eau-de-vie n’est pas un poison, mais un stimulant et un cordial. Un quasi-centenaire de mon pays, qui savoure chaque jour son petit verre d’Armagnac, a coutume de dire : c’est le lait des vieillards » écrit-il, avec jubilation. Et quand Pesquidoux parle des sabots d’aulne, d’ormeau, de noyer ou de hêtre, c’est toute une France qui apparaît sous nos yeux : « J’ai porté des sabots à l’âge où nous avons tous les pieds véloces d’Atalante ou d’Achille. J’avais vingt ans et je servais, de rouge et bleu vêtu, de l’azur sur du sang, au 9e Chasseurs à cheval ».

Quand l’autorisation de se déplacer sera royalement accordée aux Français, nous irons tous en Gascogne !

Chez nous en Gascogne de Joseph de Pesquidoux – Le Festin



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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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