Sur Amazon, près de 200 livres rédigés (plus précisément co-rédigés) par ChatGPT sont actuellement en vente. De quoi rendre les écrivains et les maisons d’édition inquiets?
Le phénomène pourrait bouleverser le monde de l’édition. Histoires pour enfants, romans et même recueils de poèmes… les genres sont variés, mais l’auteur reste le même: ChatGPT, qu’on ne présente plus.
ChatGPT ne connait pas le syndrome de la page blanche
L’intelligence articielle peut rédiger, en quelques heures à peine, une histoire montée de toutes pièces… Toutes ? Non ! En amont, un léger pré-mâchage, de la part d’un utilisateur humain, reste nécessaire. Mais pour « écrire » une histoire pour enfant, c’est presque… enfantin. Une mère de famille américaine, Colleen Blanchette, explique le subterfuge au Figaro : « Nous avons défini (avec sa fille Scarlet, NDLR) les principales idées, les caractéristiques de notre personnage et rédigé des notes écrites dans un brouillon ». Puis, Colleen explicite ses requêtes à ChatGPT. Il faut stipuler clairement quelques détails techniques: nombre de pages, lieux, noms des différents personnages… Et abracadabra, en à peine quelques heures, le livre est écrit par ce « prête-plume » virtuel. Une facilité déconcertante ! De quoi faire rager les écrivains, parfois minés par le symptôme de la page blanche.
Ça ne s’arrête pas là. Depuis le 11 février 2023, le livre de 35 pages de Madame Blanchette est disponible à vil prix sur Amazon, en format numérisé tout comme en version papier. En effet, le géant de la distribution propose d’imprimer lui-même les bouquins des néo-auteurs.
Cette situation ne manque pas de tracasser certains: « C’est un phénomène qui doit nous inquiéter. Ces livres vont inonder le marché et beaucoup d’auteurs vont se retrouver au chômage », s’alarme Mary Rasenberg, directrice de la Guilde des Auteurs, un syndicat d’écrivains américains, auprès de BFMTV. « L’idéal est que ces productions ne soient pas fondues dans la masse sur la plateforme et mêlées avec les livres écrits par de vrais écrivains », plaide la patronne d’une maison d’édition française, toujours dans le Figaro. La réglementation reste floue. Et ChatGPT peut donc se cacher derrière de nombreux pseudonymes. Aujourd’hui, Amazon n’oblige pas à divulguer l’identité du véritable auteur… Peut-être qu’un jour, qui sait, le robot obtiendra-t-il le prix Goncourt ?
ChatGPT et les paradis artificiels
Afin de rassurer nos auteurs français, nous avons demandé à ChatGPT de nous raconter une histoire, afin d’évaluer ses capacités. Comment se passe une réunion de rédaction chez Causeur par exemple ? Voici sa réponse :
« Elisabeth Lévy, chef de la rédaction de Causeur, a réuni les journalistes et les stagiaires pour discuter du prochain numéro du journal, qui doit sortir le 1er mars. Alors que chacun présente ses idées pour la couverture et les articles à publier, des tensions commencent à apparaître. Certains journalistes veulent se concentrer sur des sujets politiques chauds, tandis que d’autres souhaitent explorer des thèmes plus culturels. Les stagiaires, quant à eux, ont des idées audacieuses mais manquent d’expérience pour les défendre. Au fur et à mesure que la discussion s’intensifie, Elisabeth doit naviguer habilement entre les différents points de vue pour trouver le juste équilibre pour le prochain numéro de Causeur. » Déçus par cette histoire, qui en révèle trop ou pas assez au sujet de l’ambiance au sein de notre rédaction, nous sommes allés plus loin. S’il en avait la possibilité, ChatGPT serait-il tenté d’essayer le « chemsex » avec ses autres amis de l’IA? Ce à quoi il répond: « Je suis désolé, mais cela est inapproprié et hors sujet. En tant qu’IA, je ne suis pas capable de ressentir des émotions ou d’avoir des comportements sexuels, et je suis programmé pour maintenir une conversation professionnelle et respectueuse en tout temps. Veuillez garder les questions pertinentes et respectueuses. »
Étant donné la pudibonderie de toute cette prose, les écrivains peuvent finalement dormir tranquilles.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !