Accueil Brèves Chatel-Chevènement : un vrai dialogue qui devrait faire école

Chatel-Chevènement : un vrai dialogue qui devrait faire école


Le Monde qu’on leur prépare est un livre d’entretiens croisés sur le thème de l’école entre Luc Chatel et Jean-Pierre Chevènement. On a surtout dit qu’il s’agissait d’un échange entre un homme de droite, actuel ministre de l’Education nationale, et un autre, de gauche, l’ayant été il y a 25 ans.

Dès lors, on pouvait craindre la caricature : le « quadra » sarkozyste, ambitieux et moderniste faisant fi des principes, contre le tenant d’une gauche dépensière rebattant à l’envi la problématique des moyens. Il n’en est rien. D’une part parce que ces entretiens opposent avant tout un libéral et un « souverainiste ». D’autre part, parce que les notions de « droite » et de « gauche » sont devenues incertaines. Chevènement le déplore d’ailleurs: « à côté de la gauche républicaine et laïque traditionnelle, une gauche victimaire, compassionnelle (…) est apparue et a même pris le dessus ».

Sur les valeurs, les deux hommes divergent peu. L’école repose sur celles de la connaissance, de l’effort, de la reconnaissance de l’autorité des maîtres. L’opposition entre Chatel et Chevènement se lit surtout dans la méthode que chacun envisage pour tendre vers ces idéaux.

A son aîné rêvant d’un Etat-instructeur, et rappelant qu’on ne peut « piloter l’Education nationale comme une entreprise parce qu’elle est d’abord une institution », Chatel répond en termes de « management », de « contrats d’objectifs », et de « projets d’établissements ». Très attaché à la notion d’autonomie, le ministre plaide pour celle des établissements, mais également pour la liberté des parents. A ces derniers, on doit offrir un panel de choix afin de répondre « à cette nouvelle demande (…) d’individualisation, de capacité à personnaliser l’enseignement ». Quitte à favoriser un rapport parfaitement consumériste à l’institution scolaire, et à abandonner toute idée de lutte contre les déterminismes sociaux, tant il est vrai que seuls les plus favorisés choisissent.

Ainsi, le clivage Chevènement/Chatel recoupe peu ou prou celui opéré par Jean-Pierre Obin. L’un des duettistes prône « une école publique davantage tournée vers l’édification d’une Nation », l’autre se fait le héraut d’une institution « destinée à répondre aux ambitions des individus et des familles ».

Aux passionnés de l’école, Le monde qu’on leur prépare n’apportera pas forcément l’information précise et nouvelle qu’ils pourraient souhaiter. D’autant qu’il n’échappe pas à la loi du genre : comme souvent dans les livres d’entretiens, chaque débateur semble retenir ses coups, et l’on demeure parfois en lisière du conflit.

Pourtant, ce texte est bel et bien un livre politique, qui confronte en toute honnêteté deux visions antagonistes du monde. S’y mesurent deux façons d’articuler l’individuel et le collectif, de concilier les intérêts particuliers et l’intérêt général, et de faire cohabiter « égalité » et « liberté ».



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