En turc, Charlie, c’est Fazil Say


En apprenant que le Premier ministre turc Davutoglu avait été invité à se joindre au cortège de la République, j’ai eu, je ne vous le cache pas, comme une légère sensation de dégoût.

Cela ne change rien à la nécessité de se rassembler aujourd’hui. Et de manifester sa colère. Serait-ce dans le même cortège que ceux qui ont cru malin d’en exclure un Français sur quatre et d’y accepter la présence des barbus de l’UOIF. Serait-ce dans le même cortège que tous ceux qui ont refusé de se solidariser de Charlie lors de l’affaire des caricatures de 2006. Ce n’est pas leur cortège, c’est celui du peuple de France, debout contre la barbarie.

Mais revenons à la Turquie. Bien sûr, dès que j’ai appris la nouvelle de l’invitation de Davutoglu, j’ai pensé, comme vous, à Kobané. J’ai pensé comme vous aux déclarations incendiaires d’Erdogan en 2006. Mais peut-être n’avez-vous pas, comme moi, instantanément pensé à Fazil Say. Et je ne peux pas vous en vouloir car on parle bien peu, en France, de Fazil Say.

Considéré par les mélomanes comme un des plus grands pianistes vivants, Fazil est athée dans un pays où cette opinion est désormais illégale. Ce pays, c’est la Turquie.

Fazil Say a commis de grands crimes. Il s’est par exemple moqué de l’appel à la prière du muezzin, citant des vers du grand poète persan du XIe siècle, Omar Khayyam. Il a aussi posté plusieurs tweets « offensant le prophète », tel celui-là :  « Je ne sais pas si vous vous en êtes aperçus, mais s’il y a un pou, un médiocre, un gagne-petit, un voleur, un bouffon, c’est toujours un islamiste ».

Le problème, c’est que les poux en question sont au pouvoir là-bas, il a donc été condamné en 2012 à dix mois de prison avec sursis pour « insulte aux valeurs religieuses d’une partie de la population ». À l’annonce du verdict, le vice-Premier ministre turc Bülent Arinç s’était félicité, estimant que « si vous insultez les croyances des autres, cela requiert une sanction pénale ».

Sanction pénale, voire plus si entente, comme l’on montré MM. Kouachi et Coulibaly.



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