Vainqueur du procès en islamophobie que lui intentaient des associations musulmanes en 2007, Charlie Hebdo a payé le prix du sang pour avoir publié des caricatures de Mahomet. Si l’avocat du journal satirique Richard Malka n’a plus le cœur à rire, il poursuit sans relâche son combat contre l’obscurantisme.
Le 22 mars 2007, le tribunal correctionnel de Paris, relaxait Charlie Hebdo dans le procès pour provocation à la haine raciale, que lui avaient intenté l’UOIF, la Ligue islamique mondiale et la mosquée de Paris. Le crime du journal alors dirigé par Philippe Val était d’avoir, un an plus tôt, publié des caricatures de Mahomet en solidarité avec les dessinateurs danois du Jyllands-Posten, alors que, dans tout le monde musulman, des fanatiques appelaient au meurtre. Pour Richard Malka, qui défendait l’hebdomadaire aux côtés de son mentor Georges Kiejman, la plaidoirie qu’il a prononcée le 8 février 2007, devant une salle d’audience bourrée à craquer et chauffée à blanc, est l’un des souvenirs les plus intenses, mais aussi les plus joyeux de sa vie d’avocat. On pouvait encore plaisanter avec les sujets qui fâchent. Et Malka ne s’en est pas privé, comme le montre le texte reproduit, avec celui de Kiejman, dans Éloge de l’irrévérence, un petit livre qui retrace toute l’affaire des caricatures. Brandissant les couvertures de Charlie campant le Christ ou le pape dans des positions que la morale réprouve, Malka rugissait, à l’adresse de ses adversaires : « Vous voulez vraiment l’égalité de traitement ? Faites attention, nous allons vous l’accorder ! » Quelques semaines plus tard, Charb, Cabu, Val et les autres fêtaient la décision du tribunal. On croyait que la liberté avait gagné.
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Douze ans seulement ont passé, mais nous avons changé de monde. Le droit n’arrête pas les balles. Le 7 janvier 2015, les dessinateurs de Charlie ont payé de leur sang la victoire de 2007. Quand il défend des intellectuels accusés d’islamophobie, Richard Malka n’a plus vraiment le cœur à faire des blagues. L’avocat ne pardonne pas à tous ceux qui, après 2007, et plus encore après l’incendie de 2011, ont laissé tomber Charlie Hebdo. Aujourd’hui, la tyrannie des identités et des communautés bat son plein, ses amis sont morts, mais leur combat contre l’obscurantisme semble aujourd’hui largement perdu. « Non seulement plus personne ne publierait ces caricatures, mais plus personne ne les dessinerait. Aucun artiste, aucun metteur en scène, aucun écrivain n’ose blasphémer contre l’islam. » Et pourtant, Richard Malka sait qu’il n’a pas le droit de laisser tomber.