Je l’avoue, j’ai tout de suite pensé que l’angélisme et le déni avaient pris un sale coup, et avec la réconfortante foule du 11 janvier, c’étaient bien les deux seules choses qui me consolaient. Le discours du Premier ministre m’a fait du bien aussi, et la belle Marseillaise des députés debout. J’ai voulu y croire… J’y ai cru.
Puis il a bien fallu retourner à nos vies « normales », et reprendre le chemin de la salle des profs, où se pressent, comme chacun sait, de beaux esprits « à qui on ne la fait pas ». Et là, quelle claque !
Comment lire, sous la plume de Le Clézio, dans un article affiché en salle des profs, que ces meurtriers « ont été mis en échec (sic) à l’école », sans ressentir l’insulte faite à tous les professeurs qui, en dépit de conditions si difficiles, s’obstinent à essayer de créer chez ces enfants le goût de l’effort, de la découverte, du savoir, de la tolérance ? Dont le discours est si souvent immédiatement invalidé, à la maison, par les prêches fondamentalistes sur satellite ou les sites web délirants, quand ce n’est pas les grands frères, voire les parents ? Qui sont si rarement soutenus par leur hiérarchie, dont la devise est trop souvent de ne « surtout pas faire de vagues » ? Qui essuient quotidiennement les insultes, les incivilités, la violence de certains élèves, et qui en sortent parfois brisés, désespérés ?
Comment accepter d’entendre, de la bouche d’enseignants censés transmettre et s’efforcer d’incarner les valeurs de la République, que « Charlie est islamophobe », qu’il faut « libérer des espaces de parole » pour les pauvres petits qui refusent la minute de silence, qui se sentent « contraints », que « quand on voit comment les israéliens traitent les palestiniens… »
Que cachent vraiment ces points de suspension ? Les victimes de l’Hypercasher, eux aussi, « l’ont bien cherché « ? Fallait pas être juif ? Allez, dites-le clairement, ça fera du bien. Il y a les bonnes victimes …et les moins bonnes. Rappelez-vous Merah, autre exclu, issu de cités presque aussi dures que Gaza….Une petite larme pour lui ? Je vous en prie, mais vous me permettrez de ne pas me joindre à vous.
Comment accepter enfin d’entendre constamment que « les premières victimes de tout cela, finalement, ce sont les musulmans de France » ? lls sont des victimes collatérales si l’on veut, et l’on se doit de les défendre, mais non, en France, en tant que musulmans, ils ne sont pas les premières victimes. Allez, un petit effort, rappelez-vous qui étaient ces morts, je parle des sanglants, des définitifs, des pas métaphoriques du tout. Vous leur devez au moins ça, vous ne croyez pas ? Ceux qui ont été tués l’ont été parce qu’athées et blasphémateurs, policiers, ou juifs.
Belles âmes si soucieuses de « prendre de la hauteur », de ne pas réagir « à chaud »… vous êtes montées trop loin, et dispensez vos perles de sagesse depuis des hauteurs où même la morale la plus élémentaire n’a plus d’oxygène. Même si cela risque de bousculer vos certitudes, forcez-vous un peu et regardez ces morts, les larmes de leurs familles chrétiennes, athées, juives ou musulmanes, les blessures des victimes de l’intolérance religieuse, la douleur des juifs qui ont désormais peur de vivre en France.
Et quand vous aurez fini de répandre votre compassion sur les meurtriers… s’il en reste un peu, pensez aux victimes ! Certes, c’est d’un commun… mais cela vous rendra un peu d’humanité.
*Photo : Pixabay.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !