Le poème du dimanche
Au dix-neuvième siècle, Boris Vian existait déjà et il s’appelait Charles Cros. Charles Cros (1842-1888) est mort relativement jeune et savait tout faire. Comme Vian, c’était un authentique scientifique qui a œuvré dans les télécommunications, au point d’imaginer un télégraphe pour communiquer avec les extra-terrestres. On lui doit aussi l’invention du phonographe même si, avec ce masochisme bien français, on feint de croire que c’est Edison le premier sur le coup. Assez logiquement, Cros est aussi un pionnier en littérature de science-fiction, une science-fiction qui a su développer ses propres thématiques jusqu’à Barjavel, indépendamment des maitres anglo-saxons.
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Tout aussi logiquement, comme les vrais scientifiques, Cros était poète. Il arrive que son nom apparaisse encore dans les récitations à l’école primaire avec son célèbre « Hareng saur », petite merveille de virtuosité. Le poème que nous vous proposons reflète la même aisance rieuse et sensuelle.
Sonnet
Beau corps, mais mauvais caractère.
Elle ne veut jamais se taire,
Disant, d’ailleurs d’un ton charmant,
Des choses absurdes vraiment.
N’ayant presque rien de la terre,
Douce au tact comme une panthère.
Il est dur d’être son amant ;
Mais, qui ne s’en dit pas fou, ment.
Pour dire tout ce qu’on en pense
De bien et de mal, la science
Essaie et n’a pas réussi.
Et pourquoi faire ? Elle se moque
De ce qu’on dit. Drôle d’époque
Où les anges sont faits ainsi.
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