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Chargeons les charges!

Il est urgent de laisser respirer les travailleurs, de ne plus voler le produit de leur labeur, de valoriser le travail et de dévaloriser la paresse


Chargeons les charges!
Montreuil, 2012 © DURAND FLORENCE/SIPA

Le matraquage fiscal n’est pas une nouveauté. Ce qui l’est sûrement, c’est la paupérisation de certaines professions que l’on pensait jusqu’ici à l’abri du besoin. Un jeune avocat témoigne.  


Le « citoyen du monde » Arthur Young observait des choses bien curieuses, à l’occasion de ses fameux Voyages en France : çà et là en effet, de vastes étendues de terre, pourtant fertiles, demeuraient en jachères — et ainsi la population crevait de faim aux abords de ses propres champs. À qui la faute ? Au système oppressif d’impôts, de taxes, de charges et de corvées, en partie hérité du système féodal, en partie récupéré par l’État central (lire Un conte de deux villes, de Dickens). Le paysan matraqué de toutes parts se trouvait pareillement miséreux, qu’il exploitât sa terre ou qu’il ne l’exploitât point ; alors, il s’épargnait une peine inutile : il avait faim, mais au moins il était libre. C’était en 1788.

Aberrations françaises

Le témoignage de Young est fort intéressant ; d’ailleurs cet exercice, de visiter un pays étranger et d’en noter sans passion les succès et les défauts, n’a rien perdu de sa valeur : je rêve de lire le récit de voyage d’un globe-trotter d’outre-Manche, un peu niais, doté cependant d’un bon sens de l’observation, qui noterait ingénument les défaillances de notre État quant à la condition du travail. La France, évidemment, a bien changé depuis 1788 : elle s’est tertiarisée. Je gage pourtant que nombre d’aberrations lui sauteraient aux yeux, et notamment, d’une part, la faiblesse de la différence entre le montant des bas salaires et celui des prestations de toutes sortes accordées aux non travailleurs, d’autre part, la paupérisation des professions libérales.

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Un exemple (personnel) : la rétrocession d’honoraires minimale mensuelle accordée aux jeunes avocats, à Tours, est fixée à 2 000 euros brut ; comptez 40% de charges (impôts, CNBF, Ordre, URSSAF…), soit 1 200 euros net. L’INSEE fixe à 1 158 euros par mois le seuil de pauvreté en France : donc, à 42 euros près, le jeune avocat touche le seuil de pauvreté.

L’on me rétorquera que cette rétrocession n’équivaut pas à un travail à plein temps, mais est facturée par le collaborateur : libre à lui de développer sa clientèle personnelle. Mais l’irrespect des conditions du contrat de collaboration (notamment en ce qui concerne le temps libre disponible) est coutumier dans la profession ; puis, le surplus sera dévoré par la multiplication des frais qui s’ajoutent aux charges fixes : la voiture, le logiciel, la formation obligatoire ou le compte professionnel, et je ne parle pas de l’Ordre et des assurances, qui réclament chaque année la modique somme de 1 200 euros (!). À la fin, il ne reste rien : rien pour réunir du capital, obtenir un prêt, et même constituer un apport : les héritiers prendront l’argent de famille et les autres, contre mauvaise fortune bon cœur, feront tourner la machine à consommation.

De l’égalité républicaine à l’égalitarisme socialiste

Loin de moi l’idée de vouloir ici prôner une idéologie ultra-libérale : je comprends l’intérêt de cotiser pour la retraite, les accidents de la vie, et même les compatriotes en difficulté. Seulement, chacun devrait pouvoir mettre de côté à proportion de sa situation particulière ; puis j’ai constaté, comme beaucoup, les défaillances du système — les retraites, par quel scandale ? finissent constamment hors de proportion avec les cotisations, que ce soit dans un sens très favorable pour les statuts privilégiés, ou scandaleux pour les populations ouvrières.

L’économie française devient communiste. D’ailleurs, la Sécurité sociale, comme la CAF, excroissances de l’État social obèse — de Providence devenu Papa (remarque à étendre hors du champ de l’économie…) — sont nées des ordonnances du PCF ; certes, on n’a pas encore osé instaurer les kolkhozes, il n’empêche : presque la moitié des revenus du travail passe dans les caisses de l’État, avant d’être redistribuée : ce n’est plus l’égalité républicaine, c’est l’égalitarisme socialiste. Pour mémoire, l’argent est une propriété privée : si le Conseil Constitutionnel était plus sagement présidé, il rappellerait la législation française à l’ordre, sur le fondement de l’article 17 de notre grande Déclaration.

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Si encore nos charges rendaient notre nation riche ; mais les économies socialistes, trop administratives, trop centralisées, à la fois trop oppressives et trop dépensières, s’avèrent rarement efficaces. L’État est le plus mauvais des gestionnaires : donnez-lui votre argent, il le fait disparaître ; confiez-lui une entreprise, il la ruine : tout ce qui passe entre ses mains s’évapore, la gabegie est énorme ! Et de fait, que paient nos charges ? — les services publics défaillants, les aides, les prestations sociales (j’ai voulu les lister mais j’ai renoncé, il y en a trop !) et le remboursement de la dette…

Il est urgent de laisser respirer les travailleurs ; de ne plus leur voler le produit du labeur ; de valoriser le travail et de dévaloriser la paresse ; de ne remettre à l’État que le régalien, ainsi que les secteurs strictement stratégiques ; de mener une politique protectionniste, de modérer les dépenses publiques, de baisser les impôts et les taxes, de réduire les charges afin de permettre plus largement à chacun de se constituer sa propre rente : en deux mots, de nous laisser libres et responsables.

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Ancien étudiant au lycée Henri-IV de Paris, avocat puis professeur de lettres, Paul Rafin a créé le blog Les Grands Articles, consacré à la littérature française et étrangère. www.lesgrandsarticles.fr

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