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Changer l’État de droit pour protéger les Français…


Changer l’État de droit pour protéger les Français…
Gérald Darmanin à Paris, 5 février 2022 © Lewis Joly/AP/SIPA

On nous a changé Gérald Darmanin, ou on l’a en partie retrouvé !


Non pas que la révérence du ministre de l’Intérieur à l’égard du président se soit atténuée – les ambitieux n’en sont jamais économes – mais ses constats, sa brutalité même dans l’acceptation d’une déplorable réalité, me rappellent le Darmanin d’avant, celui qui n’était pas seulement soucieux de circonvenir LR mais s’y trouvait parfaitement à l’aise !

En effet, qu’on veuille bien, depuis le cumul du fiasco du stade de France et de la survenue de la majorité relative pour le camp du président à l’Assemblée nationale, retenir les propos du ministre de l’Intérieur. On ne pourra pas au moins nier l’existence d’une mue.

On apprend ce qu’on savait déjà mais qu’on occultait : la délinquance est commise par un étranger sur deux à Paris comme à Marseille, sans compter la malfaisance des Français « de papier ».

On relève que cette évidence sur l’immigration irrégulière est enfin formulée : autant il faut lutter sans faiblesse contre elle, autant il convient de favoriser l’insertion des étrangers dont la présence ne dégrade pas mais honore notre pays.

La toute dernière poussée de rigueur : il propose pour les mineurs délinquants « l’ouverture de lieux de rééducation et de redressement avec encadrement militaire ». On ne l’arrête plus ! Pourtant, malgré le retour de cette prise de conscience à la fois sincère et tactique de Gérald Darmanin, 7 Français sur 10 demeurent mécontents du bilan du gouvernement en matière de sécurité. On ne peut que valider cette contestation majoritaire.

En effet, il ne suffit pas de cette grossièreté et en même temps de cette euphémisation pour convaincre un peuple qui doute et a de plus en plus peur : « Nous devons être fermes avec la minorité d’emmerdeurs » (JDD). Pour que le pouvoir persuade de l’efficacité de ses actions, il ne suffit pas non plus d’énoncer un bilan dont on se flatte sur l’expulsion des étrangers radicaux et les interventions multiples, les interpellations et les saisies d’engins de rodéos urbains par exemple… Il est encore insuffisant de laisser croire à une immense énergie positive, par une multitude de propositions, par exemple la création de 3 000 gendarmes verts contre les pyromanes, quand au contraire cette surabondance pour l’instant virtuelle fait craindre qu’aucun des objectifs ne soit atteint, faute de hiérarchisation et de sélection pour une politique de l’efficace et du possible.

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Sur l’immigration et la sécurité, il faudrait « changer la loi pour protéger les Français » selon le ministre.

Est-il permis aux citoyens de s’émouvoir, voire de s’indigner de ces avancées volontaristes si tardives quand le ministre, lucide après coup, souligne que « les extrêmes montent quand les républicains refusent de regarder le réel en face » ? Alors que les extrêmes sont montés au plus haut et que la cécité a été d’abord celle du pouvoir, ministres régaliens en priorité.

À mon sens – je mesure comme il est délicat d’aborder ce point – ce n’est pas la loi qu’il convient de changer en matière pénale mais plus globalement le dispositif révéré, intouchable et trop souvent impuissant, d’un État de droit qui n’a plus le moindre impact sur le combat contre la délinquance et la criminalité d’aujourd’hui. Elles augmentent non pas à cause des lois censées les réprimer mais en raison d’un État de droit qui continue d’imposer ses lourdeurs et son byzantinisme aux forces de l’ordre et à la Justice. Tellement formaliste qu’il enserre les unes et l’autre dans un étau les détournant de leur mission principale : appréhender, instruire et juger.

Que seulement la loi change et, outre le fait qu’elle devra être appliquée dans toute sa rigueur, ce qui est rien moins que certain, elle sera obligatoirement insérée, parce que le contexte juridique et judiciaire n’aura pas été bouleversé, dans un réseau de bureaucratie procédurale défiant le bon sens, de recours, de délais, de contestations, plus destinés à empêcher la manifestation de la vérité qu’à faciliter son émergence le plus vite possible.

J’entends bien qu’on n’osera jamais dépasser le réformisme classique et à la longue répétitif des modifications législatives pour s’orienter vers une réforme structurelle qui mettrait à bas un certain nombre de vaches sacrées sur le plan pénal. Par exemple, s’il est inconcevable de multiplier les affaires jugées en premier et en dernier ressort, l’appel devant demeurer une faculté mais sans doute soumise à des conditions plus strictes de même que le pourvoi en cassation devra être encore plus limité, il me semble en revanche qu’il conviendrait de réfléchir pour la justice au quotidien à un partage qui n’aurait rien de scandaleux entre des affaires récentes ou anciennes où la culpabilité est incontestable, éclatante – les crimes étant compris – et d’autres où il y a doute, ambiguïté, pluralité d’auteurs, vérifications à opérer.

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Cet arbitrage aurait le mérite de diminuer considérablement la charge quantitative et qualitative de la Justice. Les dossiers simples seraient jugés dans des délais très rapides avec, lors de l’audience, la prise en compte de tout ce que la défense apportera au débat sur la personnalité et le passé judiciaire du prévenu ou de l’accusé.

La « Loi sécurité et liberté » du garde des Sceaux, Alain Peyrefitte, avait instauré une procédure de saisine directe qui permettait de juger des faits même anciens mais sans mystère sur leur auteur. Reconsidérer tout notre paysage pénal en ôtant la masse inutile des entraves procédurales – entre le réel délictuel ou criminel et la manifestation de la vérité -, en ne conservant que le socle précieux et nécessaire à une démocratie certes attachée aux droits des transgresseurs mais aussi à ceux de la société, serait fondamental. Notamment l’appel, la prescription, la règle « non bis in idem », l’irresponsabilité pénale.

L’État de droit ne serait plus un mantra univoque ressassé à l’envi mais un outil adapté aux inventions de la malfaisance d’aujourd’hui, il aurait pour ambition essentielle de favoriser la mise en œuvre d’enquêtes rapides et d’une phase judiciaire s’appuyant sur elles au lieu de trop souvent les contredire par sadisme anti-policier…

Changer une loi après l’autre sera un coup d’épée dans l’eau de la sécurité. Mais consentir structurellement à révolutionner notre État de droit sera décisif. Certes nous n’aurons plus le confort irresponsable de nous dire, face aux scandales, aux retards et à l’irritation des justiciables : ce n’est pas notre faute puisque nous respectons l’État de droit ! Ce dernier ne sera plus une excuse mais une aide.

Je ne me fais aucune illusion mais le grand bonheur de ma position est la liberté qu’elle me laisse sur tous les plans et l’inventivité qu’elle m’octroie sans que j’aie à justifier mes utopies. Mais je les crois, si on voulait bien les prendre au sérieux, capables d’assurer une meilleure protection des Français.

Ce serait assurément sortir du catéchisme !

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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