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Val-de-Marne: des petits caïds qui n’impressionnent personne?

Le camp de la fermeté déplore que les policiers ne ripostent pas


Val-de-Marne: des petits caïds qui n’impressionnent personne?
Après l'attaque dont ont été victimes leurs collègues dans la nuit du 10 au 11 octobre, des policiers manifestent devant le commissariat de Champigny sur Marne le 12 octobre. © MARTIN BUREAU / AFP.

À Champigny-sur-Marne, le commissariat a été attaqué par une quarantaine d’individus le week-end dernier. Les policiers n’ont pas riposté. Cet épisode démontre que l’État se refuse à faire respecter son autorité.


Si on en croit le ministre de l’Intérieur, « les petits caïds n’impressionnent personne ». Gérald Darmanin se trompe. Après l’attaque du commissariat de Champigny à coups de projectiles joliment appelés « feux d’artifice de mortiers », c’est-à-dire de feux d’artifice customisés en bombes incendiaires, toute la France est saisie d’effroi – et avec elle, une bonne partie des policiers, ce qui est encore plus inquiétant.

Certes, les agressions ou traquenards de policiers par des jeunes des cités sont monnaie si courante que la plupart du temps, on n’en parle même pas. Sauf que maintenant, c’est avec intention sinon de tuer, au moins de blesser et de terroriser. On se rappelle les policiers brûlés vifs dans leur voiture à Viry-Châtillon ; la semaine dernière, deux autres étaient « massacrés » à Herblay ; et on apprend dans Le Figaro que l’attaque de Champigny est au moins la neuvième contre un commissariat depuis le début de l’année. Alors oui, on a quelques raisons d’être impressionné.

Même la gauche est gênée

On est surtout lassé d’entendre et de prononcer les mêmes mots.
Bien sûr, on a droit aux  habituelles variations excusistes sur le thème « tout ça c’est parce que la République n’a pas tenu ses promesses ». On nous expliquera encore qu’il faut repeindre les cages d’escalier, financer des associations et instaurer des quotas. On a repeint des milliers de cages d’escalier – sans doute pour le bien-être des dealers. On a financé des milliers d’associations – pour la grande joie des islamistes. Quant aux quotas, ils arrivent plus ou moins masqués, de France télévisions à l’ENA. Tout cela ne semble pas calmer ces pauvres victimes de la France raciste et coloniale.

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Il est vrai que ce discours, qui n’a qu’un rapport lointain avec la réalité, est de plus en plus minoritaire – même à gauche, il commence à gêner.

Comme d’habitude, le camp de la fermeté, y compris votre servante, déplore donc en chœur la crise de l’autorité et la faiblesse de la réponse pénale qui nourrit le sentiment d’impunité. Gérald Darmanin veut interdire par une loi la vente au public des mortiers d’artifice. J’ai d’abord cru à une blague, tant cette mesure semble dérisoire alors que des kalachs circulent. Cependant les policiers semblent assez preneurs de cette prohibition. Espérons simplement que l’État a d’autres tours dans son sac.

L’État a cédé le monopole de la violence aux voyous

Bien entendu, le ministre a également promis que les coupables seraient châtiés. Encore faut-il qu’on les attrape, et si on les attrape, qu’on les condamne. Dans notre État de droit, on ne condamne pas sans preuve. Tant mieux. Mais il n’est pas simple de prouver l’implication directe d’éventuels suspects.

Derrière cette demande unanime de fermeté, le bossuetisme bat son plein (pour ceux qui séchaient le français, on déplore les effets dont on chérit les causes). Les mêmes hurlent si on note trop sévèrement leur enfant et se lamentent sur la crise d’autorité. Les partisans de l’accueil inconditionnel des migrants pleurnichent parce que le nombre de familles monoparentales ou totalement destructurées explose. Ceux qui manifestent tous les quatre matins contre les violences policières s’émeuvent aujourd’hui du sort des policiers attaqués. Bref, si nous commençons à entrevoir ce que nous voyons, il n’est pas certain que nous soyons prêts à nous attaquer aux racines du mal français.

En attendant, le sentiment qui domine chez les Français, c’est l’incompréhension. On nous répète que ce sont des minorités qui prennent des quartiers en otage. Comment expliquer l’impuissance de l’État face à cette violence ?

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Le problème ne tient pas à nos lois ni même à nos juges mais au rapport de forces.

Il y a déjà une dissymétrie structurelle entre l’État et les voyous : l’État est contraint par ses lois. C’est notre grandeur.

Mais à celle-ci, s’en ajoute une autre, fort problématique. On dirait que le monopole de la violence n’appartient plus aux représentants de l’État mais à ceux qui transgressent les lois, pourrissent la vie des pauvres et cassent du flic. Une situation résumée par la situation de policiers terrés dans leur commissariat derrière des portes blindées. Que se serait-il passé si les assaillants avaient réussi à pénétrer dans le bâtiment ? La hiérarchie leur aurait-elle ordonné de sortir les mains en l’air en agitant un drapeau blanc ?

Osons l’autorité

La vérité, c’est que l’usage de la force ne semble plus être une option. Et la France est sans doute la seule démocratie où il en va ainsi. Même quand ils sont agressés, les policiers ne se servent presque jamais de leur arme. La consigne est « pas d’effusion de sang », quoi qu’il en coûte. On sait donc par avance que les policiers ne se serviront pas de leurs armes. Ce qui revient à céder à un chantage qui n’est pas toujours implicite : si un jeune est blessé dans des affrontements avec la police ou se tue en moto en essayant de lui échapper, vous aurez des émeutes. Or, depuis 2005, l’émeute est le cauchemar de nos gouvernants. Même la Justice subit cette intimidation : dans l’affaire Traoré, tout le monde redoute les conséquences d’un éventuel non-lieu, qui serait assez logique dès lors que les gendarmes n’ont même pas été inculpés (ce qui prouve que les juges n’ont vraiment rien trouvé à leur reprocher).

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Personne ne souhaite avoir une police d’excités défouraillant à tout-va. Mais entre des cow-boys tirant sur des voleurs de pomme désarmés et des policiers terrorisés à l’idée de se servir de leur arme, il y a la légitime défense et l’ordre public. Resteraient-ils l’arme au pied si des émeutiers attaquaient l’Assemblée nationale ?

Le souci de la vie humaine est très respectable. Mais proclamer urbi et orbi qu’on ne prendra jamais le risque de faire couler le sang face à des gens qui eux, n’hésitent pas à le faire couler, c’est un désarmement unilatéral – en clair, une reddition. Ces voyous n’ont pas peur de la prison, où ils ont peu de risques d’aller. Mais ils ont peur de mourir. Exploiter cette peur n’est en rien condamnable, c’est la définition même de la dissuasion. Si vous savez que je me défends quand on m’attaque, vous prenez un risque en le faisant. Donc il y a moins de chances pour que vous le fassiez. CQFD. On ne peut pas se lamenter sur la faiblesse de l’État et refuser qu’il puisse se servir de la force. Comme il en a le droit.

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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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