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Champigny: ni pardon, ni oubli


Champigny: ni pardon, ni oubli
Emeutes anti-flics de soutien à Théo, Bobigny, février 2017. SIPA. 00793010_000032

Violente, ultraviolente la banlieue de 2018. Qui se rend dans les cités dortoirs qu’on peut trouver à Champigny-sur-Marne, Grigny ou Pantin pour faire du tourisme ? On ne vit plus dans ces endroits que contraint, jamais par plaisir. Qu’on les appelle « territoires perdus de la République », « zones de non droit » ou « quartiers sensibles », les cités sont des zones périphériques où l’Etat n’est plus en capacité de garantir l’ordre public.

Champigny atomique

La nature y a donc repris ses droits. Aux civilités qui font les civilisations se substituent les cris, les insultes et les coups. Les relations hommes femmes, elles, sont réduites au minimum: silence vaut consentement. Évidemment, tous les habitants de ces cités ne se comportent pas de la sorte. Mais ce sont ceux qui sont le plus visible, et qui influencent parfois les autres par un effet de groupe. C’est aussi par leur faute, qu’un temps l’Etat a délégué le maintien de l’ordre aux imams, seules autorités respectées.

Si le trait est volontairement forcé, sinon exagéré, il correspond malheureusement à une réalité crûment mise en lumière par la diffusion d’une vidéo montrant une femme policière rouée de coups à terre par une bande, non de « jeunes », comme certains les désignent pudiquement, mais bien de « sauvageons », ainsi que Jean-Pierre Chevènement se plaisait à les nommer. Sauvageons, soit des enfants capables de la plus cruelle et de la plus lâche des violences, toujours exprimée collectivement, en forme d’exutoire à une débilité crasse, à peine compensée par une avidité maligne qui les pousse à voler, à racketter, à braquer et à lyncher dès que l’occasion se présente. Jamais d’excuses. Jamais de repenti sincère. On demande le respect, on en donne le minimum du minimum.

« On peut se demander si l’exécutif ne sur-réagit pas » (Jérémy Trottin, journaliste à BFM TV)

Oh, pour cette fois, ça peut encore aller. A en croire le journaliste Jérémy Trottin de BFM TV : « C’est assez courant que des policiers soient blessés lors d’opérations comme celle-là. Il faut dire qu’il n’y a pas eu, comme je le disais tout à l’heure, de mort dans cette nuit du 31. Il n’y a pas eu de voitures brûlées de façon excessive comme on l’a vu lors des dernières années. Donc, on peut se demander si l’exécutif ne sur-réagit pas ».[tooltips content= »Ndlr: 1 031 véhicules ont été brûlés cette année contre 935 l’an passé »]1[/tooltips]

Après tout, des policiers sont lynchés tous les jours, des jeunes se filment en train de copuler avec le petit personnel des lycées, le rappeur Sofiane a bloqué une bretelle du périphérique pour tourner un clip, les cités marseillaises affichent les tarifs pour se procurer des drogues sur des panneaux 4 par 4, etc. Pourquoi donc s’émouvoir d’un banal tabassage de fliquette par une bande de voyous ? Ils ont essayé de lui arracher son arme de service ? La belle affaire, ils n’y sont pas parvenus ! Ouf, plus de peur que de mal.

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Traditionnellement, ces affaires font parler quelques jours, mobilisant les chaînes de télévision et les journaux qui multiplient les analyses, les éditoriaux et les citations de responsables politiques indignés. Au mieux, elles s’intègrent à la base de données des éditorialistes et des politiques, devenant des marronniers de la presse de droite. En l’espèce, le cas Champigny aurait eu droit à deux lignes dans Le Parisien si la vidéo n’avait pas fuité. Vingt ans que ça dure, sans que rien ne bouge. Le constat est cruel : la politique de la ville est un tonneau des Danaïdes, l’Education nationale n’éduque ni n’instruit quasiment plus personne, à Champigny-sur-Marne comme ailleurs, l’islamisme progresse au même rythme que le gangstérisme, et la culture se réduit à une infraculture spécifique reposant sur les superstitions, la paranoïa, la télé réalité et le rap. Pendant ce temps, le Français moyen se délecte à la lecture des faits divers, s’indigne de chaque événement, jouissant secrètement que les irrécupérables lui donnent raison et le confortent dans ses jugements.

Ils veulent « allumer le feu »

Le problème des banlieues n’a jamais été traité sérieusement, ni même convenablement étudié. Les seuls ouvrages critiques disponibles sur la question sont des anthologies des meilleures manchettes de journaux, gratifiant les lecteurs des sempiternelles histoires de tournantes, de rixes entre bandes les plus mémorables, ou revenant, pour les auteurs les plus originaux, sur les légendes urbaines de combats clandestins opposant des singes magots importés du Maroc à des pit-bulls. Le reste est constitué de traités de sociologie, le plus souvent larmoyants et compassionnels, transformant le lumpenprolétariat délinquant en victime d’un système injuste. Qu’on le veuille ou non, une partie importante de la jeunesse vivant en France souhaite « allumer le feu » dans un pays qu’elle vomit, comme le dit un jeune dans la vidéo. Champigny-sur-Marne, banlieue rouge de Marchais, banlieue stalinienne bâtie à la force des bras des travailleurs portugais arrivés en masse dans les années 1950, 1960 et 1970. Et aujourd’hui, Champigny-sur-Marne la banlieue de la chasse aux représentants de la France.

Le 1er janvier, il suffisait de taper « keuf » sur le moteur de recherche de Twitter pour s’en convaincre. Voici, le message le plus mesuré que j’ai trouvé, signé Salim : « La keuf on sait mm pas cmt elle est moi je dit rien mm si je justifie pas la violence sur elle non plus, surtout que souvent les meufs keufs c des grosses pires elles en font des tonnes, pas très malin si elle a voulu faire le héros face à une bande de jeunes excité ». Fermez le ban.

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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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