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Chahinez Daoud brûlée vive: le procès de son bourreau

Le billet de Dominique Labarrière


Chahinez Daoud brûlée vive: le procès de son bourreau
Kamel et Djohar Daoud, les parents de la victime Chahinez, dans la salle d'audience avec la présidente de la Fédération nationale des victimes de féminicides, Sylvaine Grevin, lors du premier jour du procès de Mounir B., accusé du meurtre de son ex-épouse. Au tribunal judiciaire de Bordeaux, le 24 mars 2025 © UGO AMEZ/SIPA

En  2021, Chahinez Daoud, 31 ans, est brûlée vive par son mari, Mounir B., après des années de violences conjugales. Malgré ses plaintes et les condamnations antérieures de son agresseur, la police et la justice n’ont pas empêché ce drame, révélant des défaillances institutionnelles majeures. Mais le procès de Mounir B. interroge aussi l’influence de certaines mentalités culturelles favorisant la possession et le contrôle des femmes, un sujet sensible et toujours éludé par crainte d’accusations de racisme.


Le 4 mai 2021, Chahinez Daoud, jeune femme de 31 ans, mère de trois enfants, meurt brûlée vive sur le trottoir d’une rue de Mérignac (Gironde), assassinée de sang froid par son mari, Mounir B. Celui-ci lui a préalablement tiré une balle dans chaque cuisse.

En fait, ce paroxysme dans l’horreur n’est que l’aboutissement d’un long martyre au quotidien.

Chahinez est originaire de Ain Tala, en Algérie, cité proche d’Alger. À dix-sept ans elle est mariée une première fois. Deux enfants naîtront de cette union. Elle a vingt ans lorsque le divorce est prononcé. Elle est alors employée dans une crèche municipale. En 2015, elle rencontre Mounir B, maçon de son état. Originaire du même endroit, il vit en France depuis 1999. Ils se marient en Algérie quelques mois plus tard, puis viennent s’installer en France, à Mérignac où Chahinez donne le jour à son troisième enfant, un garçon.

C’est alors que commence pour elle le long cauchemar d’un quotidien invivable. Son mariage est une prison. Son mari exerce sur elle un contrôle permanent, l’assignant à résidence en dehors de quelques brèves prestations à la cantine de l’école ou dans les services hospitaliers. Elle gagne alors un maigre argent dont, d’ailleurs, elle ne voit pas la couleur, Mounir s’appropriant ses gains, ainsi que le montant des prestations sociales. Toutefois, un jour, se lâchant, elle s’offre un jean slim. Fureur de Mounir qui l’accuse de « s’habiller comme une pute » et tente de l’étrangler. Elle en sort le larynx écrasé à 75%. Le mari prend – pour ce qui pourrait sembler être tout de même une tentative de meurtre – dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis. Derrière les barreaux, il continue de harceler la malheureuse, au téléphone, d’exercer sur elle un contrôle permanent. Néanmoins, et malgré ces faits, il bénéficie d’une remise en liberté anticipée,   assortie toutefois de la fameuse et si souvent illusoire obligation de soins et d’une interdiction d’entrer en contact avec sa femme, interdiction que, bien entendu, il ne respectera pas.

Le cauchemar reprend donc de plus belle. Séquestration dans une camionnette, tentative de strangulation avec un foulard. Chahinez porte de nouveau plainte. Cruel manque de chance, le policier qui la reçoit a été lui-même condamné pour violences conjugales. On ne peut donc en attendre un zèle particulièrement exemplaire pour traiter ce genre de méfaits. Et bien sûr, le harcèlement continue. Entre autres violences, Mounir aurait menacé la mère de son fils de la « renvoyer au bled dans un cercueil ».

D’après les parents de la jeune femme, la citation à comparaître pour la procédure de divorce qu’il reçoit aurait précipité le passage à l’acte. On connaît la suite, le drame, dans toute son horreur. Chahinez qui meurt brûlée vive sur un trottoir…

Et, depuis ce lundi, voici venu le temps du procès du bourreau. Procès derrière lequel s’en profile un autre dont on peut se demander dans quelle mesure il n’a pas pour utilité, dans une certaine mesure, de faire diversion. Le procès de l’État avec en accusée vedette la police.

Il est indéniable que des manquements, un défaut de réactivité, une absence réelle de prise en considération des alertes répétées sont à porter au passif des structures juridico-policières qui ont eu à connaître du calvaire vécu par la victime. D’ailleurs, devant l’horreur du drame, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, a demandé à ce que des réformes sérieuses, importantes, soient mises en place. Donc, redisons-le, la responsabilité des administrations compétentes n’est pas douteuse.

Cela admis, il restera à se poser la question de savoir si, face à la monstruosité de tout « féminicide », certaines approches culturelles de la femme et de son statut ne favorisent pas plus que d’autres le syndrome de son appropriation par le conjoint, le compagnon, cette perversion mentale qu’on retrouve dans la très grande majorité de ces crimes odieux. Dans son esprit, dans sa mentalité, ce n’est pas une femme que Mounir exécute, envoie au bûcher, c’est sa femme, son bien, sa propriété.

Les experts psychiatres diagnostiquent chez lui « une paranoïa centrée sur ses compagnes ». Dès lors, même questionnement : y a-t-il certaines approches culturelles, certains usages et mœurs qui, plus que d’autres, pourraient favoriser l’émergence d’une telle paranoïa ? L’enfermement du corps de la femme dans une prison de voile afin de la soustraire au regard de l’homme, ce mâle supposé être perpétuellement en rut et prêt à bondir sur toute personne du sexe qui lui laisserait voir cinq centimètres carrés de ce corps, ne recèlerait-il pas en germe ce travers paranoïaque débusqué par les experts ?

Peut-être le procès du bourreau pourrait-il, sans faire en aucune manière l’impasse sur les responsabilités d’État, permettre une réflexion sur ces questions ? Si possible, sans qu’on se mette à hurler au racisme à peine aura-t-on esquissé le sujet…

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Les carnets d’Hitler - L’arnaque négationniste » éditions Scriptus.

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