C’est en apprenant que nous devions commémorer aujourd’hui la journée mondiale de la gentillesse et en me souvenant qu’il y a quelques semaines il s’agissait de la journée mondiale de ménopause, que j’ai pris la décision d’entamer des recherches sur toutes les journées mondiales, internationales, nationales ou d’autres ampleurs afin, peut-être, d’en faire profiter mes lecteurs. Mes recherches ont très vite abouti. Un site recense en effet deux-cent-trente deux évènements de ce genre. Il n’est pas inintéressant d’en faire une sélection tout à fait partiale et de les agrémenter de quelques commentaires et conseils.
13 novembre : Journée mondiale de la gentillesse mais aussi – on en a très peu parlé – journée mondiale de l’utilisabilité – ça ne s’invente pas. Ce dernier concept, pour les ignares, se définit par la norme ISO 9241 comme « le degré selon lequel un produit peut être utilisé, par des utilisateurs identifiés, pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d’utilisation spécifié ».
Montrez-vous efficaces et tentez de faire d’une pierre deux coups. Achetez l’objet le plus utilisable possible et tentez de l’utilisez devant vos proches. Evitez les meubles à monter soi-même ou les maquettes si vous avez -comme votre serviteur- deux mains gauche. Cela vous évitera un fiasco : énervé par le côté totalement inutilisable de l’objet, vous finiriez par donner une torgnole au gosse puis par insulter votre femme, réduisant à néant votre engagement à être gentil toute cette journée.
14 novembre : Journée mondiale du diabète. Par solidarité, mangez 25 tablettes de chocolat. Sauf si vous être diabétique, évidemment.
15 novembre : Journée mondiale des écrivains en prison. Examinez le cahier du jour d’un de vos enfants, le plus malingre et chétif, de préférence. A la moindre faute de grammaire ou de syntaxe, enfermez le trois bonnes heures dans la cave pour le faire réfléchir sur la chance qu’il a de vivre sous nos latitudes. Ou obligez-le à lire du Marc Lévy, du Guillaume Musso ou, pis, du Christine Angot, enfin de lui faire saisir toute la joie que peuvent apporter des écrivains en liberté.
16 novembre : Journée Internationale de la tolérance. Vous souvenant de Paul Claudel (La tolérance ? Il y a des maisons pour ça) et constatant avec regrets l’œuvre de Marthe Richard, faites un aller-retour dans un Eros-Center outre-Rhin ou une discothèque coquine des environs de Barcelone. Si votre épouse vous le reproche, vous pourrez lui faire remarquer qu’elle n’est guère tolérante en cette journée.
17 novembre : Encore une journée chargée. On fête à la fois la Journée internationale de la prématurité et la journée nationale de l’épilepsie. Convaincus par Frédéric Martel qu’il faut être mainstream et que la journée nationale doit s’effacer devant l’internationale, tentez de convaincre votre charmante épouse, enceinte de six mois, tout l’intérêt d’avoir un enfant prématuré au regard de la législation fiscale.
18 novembre : Deux événements encore ! La Journée de la philosophie à l’UNESCO et la Journée mondiale contre les Broncho-Pneumopathies Chroniques Obstructives. Lisez du BHL, ça vous fera tousser.
19 novembre : Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants. Coupez la télé.
20 novembre : Journée internationale des droits de l’enfant, Journée mondiale pour l’industrialisation de l’Afrique (sans enfants dans les usines, supposé-je), Journée nationale contre l’herpès et Journée internationale du souvenir trans. Cette dernière, qui est commémorée depuis 1998, en souvenir de l’assassinat de Rita Hester à Boston, invite à se souvenir des victimes de la transphobie. Comme un malheur ne vient jamais seul, c’est mon anniversaire. Toute coïncidence ne serait que fortuite. Merci.
21 novembre : Journée mondiale des pêcheurs artisans et des travailleurs de la mer, Journée nationale de la trisomie 21 et Journée mondiale de la télévision. Le théorème de Martel s’applique encore, malheureusement pour les trisomiques. Si le 21 tombe un vendredi, regarder Thalassa en famille permet de combiner agréablement les deux événements de portée mondiale.
25 novembre : Vous n’avez rien célébré depuis quatre jours. Vous êtes donc remonté comme un coucou pour commémorer la Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes qui tombe fortuitement (?) la jour de la Sainte-Catherine. Organisez donc une manifestation contre ces cérémonies d’un autre âge qui consistent à fêter les catherinettes, stigmatisant au moyen d’un chapeau ridicule les célibataires de sexe féminin. Vous aurez ainsi fait reculer davantage le patriarcat tout-puissant.
26 novembre : C’est la Journée des enfants de rue. Par pitié, même si vous votez Sarkozy, ne dénoncez aucun gosse rom souhaitant nettoyer votre pare-brise. Hortefeux, exceptionnellement, fermera les yeux.
28 novembre : C’est la Journée mondiale sans achats. Réunissez toute votre famille, surtout votre femme et vos filles. Passez-leur le dernier discours de François Fillon sur la faillite des finances de notre nation et tentez un parallèle avec celles de la famille. Si cela ne suffit pas, confisquez toutes les cartes bancaires. Maudissez aussi l’imbécile qui a autorisé que les magasins ouvrent davantage le dimanche puisque, sans cela, vous auriez pu au moins éviter cette corvée cette année.
29 novembre : Journée nationale de solidarité avec le Peuple palestinien. Je passe. Pas envie de finir comme Nicolas Bedos.
Le mois de novembre se termine. Epuisé, vous décidez, en commun accord avec votre famille, de ne célébrer qu’une journée par mois, ce qui a l’immense avantage de raccourcir mon papier.
Décembre : Sortez des sentiers battus. Ne célébrez ni le climat, ni l’abolition de l’esclavage, ni les migrants ni les droits de l’homme et privilégiez la Journée internationale de la montagne (le 11). Si vous vous sentez trop peu entraîné pour tenter l’ascension du Mont-Blanc, distribuez les paroles de la chanson de Ferrat à vos enfants. Cela les changera de Bénabar et de Cali.
Janvier : Aux lépreux et à la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité, préférez la Journée mondiale de la Corse (le 9). Et si vous profitiez de cet évènement pour offrir une cagoule à tous vos enfants ? Après tout, il est fort probable que leur prix soit rapidement amorti en cette saison.
Février : Pas question de céder à la pression du camarade Leroy en participant à la journée mondiale sans facebook. Les maladies rares, le cancer, et le scoutisme ne vous passionnent guère. Choisissez donc la Journée mondiale des zones humides (le 2). Afin de la célébrer, faites-vous violence ! Privilégiez, pour une fois, les préliminaires.
Mars : La lutte contre l’exploitation sexuelle, la semaine nationale contre le cancer et même le fromage -ce qui me coûte en tant que franc-comtois- ne pèsent rien par rapport à la désormais célèbre et incontournable Journée nationale pour la courtoisie au volant (le 25). Ce jour là, ne traitez aucune conductrice de pouffiasse ni de conducteur d’espèce de trou du cul. Le vocabulaire de vos enfants, assis sur la banquette arrière, ne s’en portera pas plus mal.
Avril : Plutôt que l’hémophilie, le paludisme, les secrétaires et la propriété intellectuelle, choisissons la Journée mondiale des luttes paysannes (le 17). Affranchissons-nous de toute référence marxiste et méditons le sage conseil de notre géniteur : « David, si tu dois te bagarrer avec quelqu’un, évite de préférence les paysans ».
Mai : Foin du dépistage du cancer de la peau, de l’hypertension, de l’homophobie et de l’infirmière. Au mois de mai, il y a la Journée du pied (le 12). C’est important le pied. Si vous arrivez à en mettre un devant l’autre et si vous le prenez de temps à autre, ma foi, c’est que vous n’êtes pas en si mauvaise santé.
Juin : Vous auriez pu choisir la Journée internationale de la lenteur, ou encore les victimes de la torture, les réfugiés ou la drépanocytose. Mais nous vous conseillons plutôt la journée mondiale du tricot (le 12). Et de méditer sur cette citation du Général : « Une femme ministre ! Et pourquoi pas un ministère du tricot ? ».
Juillet : Pas grand-chose à célébrer. Sauf le bandeau blanc contre la pauvreté, la population ou les coopératives. Mais la Journée de la destruction des armes légères (le 9) peut s’avérer intéressante. Décider, par exemple, de détruire la tapette à mouche et laisser tranquille ces pauvres insectes jusqu’à la fin de la saison estivale ne manquerait assurément pas de panache. Surtout si vous habitez la campagne.
Août : Evitez la traite négrière, les gauchers, la jeunesse et l’aide humanitaire. Attendez le 31 afin de célébrer la Journée mondiale du blog. Et lisez le mien, de préférence.
Septembre : Il y a les sourds, le refus de l’échec scolaire, ou la paix. Mais il est de notre devoir, dans la mesure de nos modestes moyens, de sortir de l’anonymat médiatique la Journée internationale du Parler Pirate. Tortionnaires que nous sommes, nous obligeons nos enfants à apprendre l’anglais, l’espagnol voire l’allemand, alors qu’il serait si original de leur faire donner des cours de langage pirate, ce qui aurait l’avantage de leur offrir quelques débouchés au pôle emploi de Mogadiscio.
Octobre : Quel choix difficile en ce mois d’octobre ! L’allaitement maternel, la vue, le psoriasis, la canne blanche, le bégaiement, les Nations-Unies… Que de causes à célébrer ! Mais tout de même, la Journée mondiale de la ménopause a eu le mérite d’attirer -avec la gentillesse – notre attention sur ce phénomène contemporain des journées mondiales, internationales ou nationales dédiées. Alors, ne boudons pas notre plaisir. Deux cas sont à étudier. Petit a : votre légitime n’a pas encore atteint la ménopause. Il faudra alors la convaincre qu’il est de son devoir qu’elle se sacrifie le temps d’une journée où vous hanterez les thés dansant de la région et jouerez au taxi-boy. Petit b : votre légitime a déjà atteint ce stade de la vie féminine. Dans ce cas, il ne serait pas incongru que vous profitiez de cette journée pour l’honorer. Comme ce serait la première fois de l’année, il ne serait pas étonnant qu’elle y consente.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !