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«C’est pas moi qui m’en occupe!»

Le billet de Sophie de Menthon


«C’est pas moi qui m’en occupe!»
DR.

Ce n’est pas la grande démission mais… C’est le summum de la non-implication – la phrase qui semble exempter de tout effort celui auquel vous vous adressiez, en tant que malheureux client… N’importe quoi peut vous arriver: votre interlocuteur n’est pas concerné !


Dans les pays anglo-saxons, au lieu de cela, on vous demande « Can I help you ? » (en quoi puis-je vous aider) et on cherche comment. Le « c’est pas moi qui m’en occupe » est une rengaine qui fait que vous n’avez aucune chance que l’on vous réponde ou que l’on vous dépanne, que le responsable soit en pause-déjeuner, en congé de quelque chose, en télétravail, en tache familiale ou qu’il ait autre chose à faire ! En d’autres termes, « c’est pas mon problème ».

Et la conscience professionnelle alors ?

Un mouvement d’indifférence qui gagne du terrain. Dans le monde de l’entreprise, on se plaint à juste titre de l’absentéisme, des revendications des salariés pour travailler chez eux confortablement, pour obtenir plus de télétravail, des « pauses respiration » etc.  On ne parle pas encore vraiment assez de la vague de conséquences de ce détachement généralisé qui peu à peu nous pollue la vie.

Le détachement géographique, le recentrage sur soi et sa vie personnelle, le refus des responsabilités même anodines qui ne sont pas clairement contractuelles font que ce que l’on appelait « la conscience professionnelle », fierté des salariés de jadis, se retrouve diluée et classée au rang des valeurs périmées. Alors, on tente de la remplacer par des séances de coaching, de motivation, de méditation… Le principal, surtout, c’est « le bien-être en entreprise », c’est-à-dire tout ce qui fait le no-stress du salarié, lequel doit à tout prix échapper au burn-out. Le client, lui, peut stresser !

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Le salarié est peu à peu déconnecté avec bonne conscience de « l’intérêt général » de son entreprise. À chacun son boulot dans un égocentrisme croissant. Avez-vous remarqué que plus on parlait d’intérêt général – politiques compris – moins on se sentait concernés ? Parallèlement, l’État nounou contribue bien sûr à ce laxisme national revendiqué, en s’immisçant financièrement dans le confort des foyers au mépris de la dette. On raccommode vos vêtements, vos ressemelages. On rembourse vos aides à domicile. On s’assure que votre temps de travail est équitablement réparti. On gère votre implication familiale, pour que le salarié homme puisse avoir lui aussi le « droit » de s’absenter pour donner le bain de bébé. On attribue des vacances en « bons cadeaux », pour inciter à faire plus d’enfants. Et j’en passe… L’État veille sur votre vie privée : payez vos impôts, braves gens, on s’occupe de tout le reste. Y compris de la campagne de pub avec un dévendeur sur l’achat déconseillé pour mieux dé-consommer. Non mais on rêve !!

Le ministre à la Planète estime qu’il faut produire moins pour la sauver, le lendemain le président de la République nous explique qu’il faut produire plus… Allez comprendre.

30% des salariés tiennent les boîtes pendant que les autres regardent les trains passer

Comment ensuite développer un esprit de responsabilité au travail, au pays des RTT et des records absolus en « congés maladie » ? Récemment, les patrons l’ont échappé belle : les malheureux qui étaient malades ont brutalement eu le droit de bénéficier des congés payés liés à ces absences pour maladie… et le comble, c’est que l’on a failli rendre ce bénéfice rétroactif sur 14 ans ! Finalement on ne pourra remonter « que » sur trois ans. C’est tout comme si le gouvernement ne savait plus quoi inventer pour soustraire les salariés à leur entreprise. Avec l’intention sans doute de donner le « bon exemple » au privé, les parents divorcés dans la fonction publique pourront-ils dorénavant avoir une semaine par mois « en temps adapté » ?

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Il est évalué que dans une entreprise, 30% des salariés « tirent la boite » alors que les 70% restants suivent le mouvement, plus ou moins concernés. C’est ainsi que l’on constate que certains sont épuisés par l’énergie décuplée qu’ils doivent mettre pour compenser le minimal syndical de leurs collègues tire-au-flanc… Cette avalanche de bienveillances coûteuses, de coolitude organisée, de droits à tout et d’obligations à presque rien, nous entraine vers un dysfonctionnement généralisé dans tous les secteurs : manque de personnel, indifférence sur les engagements pris, retards dans tous les projets. La France fonctionne mal.

« Travailler plus » fait ricaner, on tend vers le travailler moins pour gagner moins, mais avec la compensation d’aides publiques. Alors qu’on devrait plutôt s’adapter à l’intelligence artificielle qui remplacera rapidement bien des emplois. Dernière nouvelle : on vient d’apprendre qu’il faut utiliser beaucoup moins son portable : 3 gigas par semaine max, préconise Najat Vallaud-Belkacem ! Cela donnera à certains une nouvelle excuse : « je ne peux pas vous aider, désolé j’ai atteint mes 3 gigas… »

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Chef d'entreprise, présidente du mouvement ETHIC.

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