Pas un théâtre ouvert à Paris, nous voilà donc avec les filles descendues à Aix, où le pourboire est inclus dans le billet. Et alors, dites, le festival des belles choses, Aix-en-Provence ! Jusque dans le petit personnel, recruté au pedigree sur catalogue, un vrai défilé Dior. Vu ma tronche, pas question de me confier le gratin. Ce qu’elle a changé, la profession, depuis mes débuts sous Jules Ferry[1. Souvenons-nous que l’ouvreuse envoya ses Lettres sur la musique à la revue Art et critique en 1889 et 1890 (c’est-à-dire plutôt sous Pierre Tirard et Charles de Freycinet, ndlr).] ! Me voilà préposée aux plaids derrière l’escalier, poste stratégique dans les festivals en plein air, mais peu gratifiant.
De toute manière, cette année, le poisson est resté au large because les intermittents. Ambiance de requiem à l’heure H. Un type à bandana me tend une feuille rouge Union syndicale Solidaires. « Patrons, actionnaires, banquiers s’enrichissent sur notre dos », c’est marqué. Il paraît que ça vise les patrons, actionnaires et banquiers réunis de l’autre côté de la rue Saporta pile en même temps qu’on ouvre le festival. Rencontres économiques d’Aix-en-Provence ! Économiques, façon de parler, le soir où les précaires de Marseille ont fait annuler l’opéra de Rossini, ils t’ont descendu les petits fours qu’on en voyait ravis de couper à l’opéra.
Je dis précaires de Marseille parce que les intermittents d’Aix, ils avaient voté contre la grève. Trouble in Paradise. Est-ce qu’on allait revivre le cauchemar de 2003 ? Est-ce qu’il faudrait tout annuler, rembourser les spectateurs, payer les artistes et les techniciens, faire un trou dans la caisse si grand que le prochain festival tomberait dedans ? Même Py, le nouveau pape d’Avignon, flairait le massacre. Finalement non. Deux jours de panne et quelques sacrifices humains ont repu le dragon. On a joué à Aix et à Avignon, tant mieux pour nous, pauvres mortelles ![access capability= »lire_inedits »]
Condition cinécanonne : que l’ennemi se cache. D’habitude, le ministère fait son difficile ; pour l’attirer, il faut lui promettre plein de trucs sympas. Là, le bureau était pendu au téléphone pour prier Mademoiselle (Madame ?) Filippetti de rester à Paris. Un cheveu de ministre dans la cour de l’Archevêché et pan, grève générale. Comment ils te l’ont reçue à Avignon, la Filippetti ! Furibarde elle était. « Moi aussi je suis en colère quand vous venez perturber une manifestation à destination des enfants, des jeunes publics, de tous ceux qui se battent pour la culture dans ce pays, c’est ça l’égalité, c’est ça une politique de gauche ! », elle leur a balancé.
L’année dernière, notre Manuel Valls, qui dit toujours merci et que j’aime du fond du cœur, avait prétexté je ne sais quel remugle à Marseille pour venir voir Mozart à Aix. Là, pas de Manuel, snif. Même Monsieur Gattaz, Supermedefman en visite aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, a été reconduit à l’hôtel. Échaudé par son accueil à Brest, il aura préféré le silence à l’harmonie. Pourtant la baston, ça le démange. Ce serait pas plutôt Mozart qui l’assomme ?
Enfin voilà. Je ne vous parle pas de Schubert, de Rossini, de Mozart, de Haendel et de Bach, avec le temps qu’il faisait j’étais trop dans mes plaids. Tout ce que je peux vous dire, c’est que le Stanislas de Barbeyrac, notre petiot d’Aquitaine qui faisait Tamino dans La Flûte enchantée, vous allez l’entendre. Et Dieu, qu’il est joli ! Mais là faut que j’arrête, parce que si j’embraie sur les ténors…[/access]
*Photo : BALTEL/SIPA. 00687501_000001.
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