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C’est difficile d’avoir un rendez-vous en dermatologie!

Le billet santé de l'été, par Flora Fischer


C’est difficile d’avoir un rendez-vous en dermatologie!
Faculté de médecine de Paris V Descartes ©Daniel Thierry / Photononstop

Mon métier est précieux. Je ne collecte pas les perles des huîtres, je ne suis pas chercheuse d’or ni même poseuse de girouettes, je suis dermatologue. Avant quand je le disais j’avais parfois droit à : « Alors, c’est quoi ce bouton sur ma jambe ? » ; désormais c’est plutôt, les yeux brillants : « Ah oui ça existe encore ? Vous prenez des nouveaux patients ? »


Pendant de nombreuses années, les dermatologues en exercice avaient soit un diplôme appelé CES soit le diplôme actuel appelé DES (après avoir réussi le concours de l’internat ou les épreuves nationales classantes puis fait les quatre années de l’internat en dermatologie). Les CES sont en train de prendre petit à petit une retraite bien méritée. Le numerus clausus a été si drastique depuis plus de vingt ans, et pour le passage en deuxième année, et pour l’admission au concours de l’internat en sixième année, que le renouvellement n’est pas suffisant. Trois dermatologues partant à la retraite pour seulement un nouveau diplômé, était l’ordre de grandeur depuis plusieurs années. Depuis environ deux ans, le nombre de postes d’internes en dermatologie a été augmenté. L’équilibre n’est prévu qu’en 2030. La dermatologie n’est certainement pas la seule spécialité souffrant de ce double numerus clausus. Elle est assez emblématique des difficultés de la médecine en France.

Or, et j’en parle avec beaucoup d’affection et de fierté puisque c’est celle que j’ai choisie, cette spécialité est très étendue, elle va de l’infectieux à la cancérologie en passant par la médecine interne, les maladies auto-immunes, elle est indispensable à chacun et difficile à déléguer.

N’écoutez pas les imbéciles qui vous balancent que c’est parce que les dermatologues ne font plus que de l’esthétique et que c’est pour cela qu’ils n’ont pas de rendez-vous de dermatologie médicale. D’abord, il y a énormément de demandes esthétiques des femmes et des hommes de tous les âges. Il y a d’ailleurs beaucoup de médecins généralistes qui pratiquent exclusivement la médecine esthétique. Ensuite, il vaut mieux que cela reste des gestes médicaux, et pas des injections réalisées par des influenceuses faisant leur pub sur internet, travaillant dans leur cave, sans connaissance, sans formation, sans notion anatomique. L’esthétique est une partie intégrante de la dermatologie.

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Les nouveaux diplômés, et en l’espèce surtout les nouvelles diplômées, en dermatologie rechignent à s’installer en ville pour plusieurs raisons. Certains préfèrent l’hôpital où les pathologies sont souvent plus compliquées, les cas plus intéressants. Et aussi parce que les 35 h hebdomadaires sont assurées pour les praticiens hospitaliers (les titulaires). 

En effet, ils sont attachés à des notions que nous, leurs aînés,  n’évoquions pas encore : les conditions de travail, la qualité de vie. Ce n’est pas un problème de vocation car elle ne manque pas aux bacheliers. Ils sont toujours plus nombreux à cocher ce cursus sur Parcours Sup.  

Mais après les 4 ou 5 ans d’internat, forme légale d’esclavagisme hospitalier, celles et ceux qui sont parvenus à ne pas faire de burn out, à ne pas se suicider (1) à être en couple, à être apaisés, aspirent à une vie agréable. Le médecin corvéable et taillable à merci tend à disparaître, et c’est heureux. Parmi les remplaçant(e)s ou les nouveaux installé(e)s personne ne souhaite travailler après 18h ou les samedis alors que les charges liées au fonctionnement d’un cabinet, et à l’Etat, demeurent importantes.

Les lourdeurs administratives sont aussi un point noir de l’installation. Je suis étonnée que l’Etat, pour inciter les jeunes médecins à s’installer, ne participe pas à aider à ces tâches, désert ou pas, puisque tout le pays sera bientôt un désert médical. Car s’il est onéreux de former un médecin, et qu’il n’a pas été décidé d’allouer des sommes supplémentaires pour en former plus, fournir des agents administratifs (comptabilité, secrétariat…) est facilement envisageable.

Dernier élément à soulever : le comportement des patients. Ceux qui réservent un rendez-vous et qui ne viennent pas. Combien de rendez-vous non honorés avons-nous par semaine ? Ceux qui viennent en urgence pour un bobo ?

Comment manager les patients ? Filtrer en faisant une sorte de préconsultation ? Hiérarchiser les motifs ? Les responsabiliser pour qu’ils ne vous plantent pas, empêchant d’autres patients atteints de maladies graves d’être vus à temps ? Les faire régler une consultation non effectuée (2)? 

La médecine en France en termes d’organisation, de gestion, d’image, est à repenser, à refonder entièrement avec les médecins, les patients et tous ces éléments, ceux de 2022. 

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Flora Fischer est Médecin spécialiste en dermatologie et vénéréologie, en cabinet libéral à Paris depuis 10 ans. Elle est également auteure du blog Les billets d'humeur du docteur F ainsi que de l'essai "Confidences d'une dermatologue" à paraître chez Robert Laffont.

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