Ça, c’est palace!


Ça, c’est palace!
Le Ritz en 2012, lors de sa fermeture pour travaux (Photo : SIPA.00641590_000004)
Le Ritz en 2012, lors de sa fermeture pour travaux (Photo : SIPA.00641590_000004)

Le luxe est la dernière grande utopie. Quand tout se désagrège, qu’aux actualités, chaque soir, nous comptons nos morts, chacun aspire à quelques heures de répit, de féérie aussi. L’évasion, si elle n’est pas fiscale, n’est tout de même pas un crime dans ce pays. Loin de toute cette mélasse, loin de cette réalité qui nous désespère, on cherche un refuge hors du temps, hors de l’Histoire en marche. Est-ce si indigne de vouloir s’extraire, un instant, de ce marasme, d’oublier les appartements conspirationnistes, les traques dans la ville, la peur au ventre lorsqu’on prend le métro ou l’avion ? Car oui, la vie à Paris ou à Bruxelles ne se résume pas aux cris des sirènes et aux ballets des blouses blanches. Ce rêve forcément inaccessible se trouve au 15, place Vendôme, à deux pas de l’Olympia, entre les Tuileries et l’Opéra.

La colonne, haute de 43,50 mètres en son centre, fait office de vigie dans le quartier. Tout autour, les joaillers, les banquiers et les juges observent le Ritz dans l’espoir de gâter les femmes, de signer des contrats ou de mettre en garde à vue de futurs clients. Le théâtre de boulevard n’est jamais loin de cette forteresse. Une drôle de comédie humaine s’y joue même à tous les étages. Quand je traverse cette place dallée, je pense à Henri Salvador et ses Cadillac, aux chemises de Charvet qui habillent les nouveaux philosophes et, plus loin, à la rue Daunou où officiait l’acteur Michel Roux, célèbre pour ses doublages de Tony Curtis, Peter Sellers ou encore Jack Lemmon.

Le Ritz, c’est un peu la série TV Amicalement vôtre : une Aston Martin garée en amazone sur le trottoir, une cover-girl échappée d’un roman de Félicien Marceau qui entre tête-haute dans le hall et une armée de petites mains qui se plient à tous vos désirs. Dans la collection « La Petite vermillon » aux éditions de La Table ronde, reparaît Tout sur le Ritz ! de Claude Roulet qui a travaillé pendant un quart de siècle dans cette auguste maison. Un livre très bien documenté qui retrace les grandes heures de l’établissement : sa genèse, ses bruits de couloirs et son aura à travers le monde. Les riches hommes d’affaires, les princesses et les stars doivent se le procurer d’urgence, histoire de patienter quelques mois. Parce que le Ritz a fermé ses portes en 2012 pour d’importants travaux de rénovation, de remise aux normes de sécurité et d’accessibilité. Sa réouverture est prévue pour le mois de juin 2016, elle a été repoussée suite à un incendie en janvier dernier.

Chers amis nantis, avant de retrouver votre pré-carré favori, plongez-vous (rassurez-vous, nous ne vous demanderons pas de faire la vaisselle) dans cette légende urbaine. Claude Roulet consacre une large partie de son ouvrage à César Ritz, le fondateur du mythe. Comment ce Suisse, treizième enfant d’une portée de montagnards, va devenir le pape des chambres et des fourneaux ? De la fin du XIXème siècle jusqu’à nos jours, l’auteur s’intéresse aux transformations radicales de l’hôtellerie de très haut standing : la décoration, le service, l’hygiène, la présentation des mets, l’éclairage, etc. César Ritz a façonné un art de vivre international qui séduira les grands de ce monde. De Sarah Bernhardt à Marcel Proust, personne ne résiste à ce maître d’hôtel tourbillonnant, à la fois homme de communication ayant compris tous les avantages de la publicité naissante et redoutable entrepreneur. Avant de débarquer dans le 1er arrondissement, il avait déjà appliqué ses méthodes au Savoy à Londres en compagnie d’Auguste Escoffier, le nouveau ticket gagnant de la Belle Epoque. Il sut même tordre les lois sociales afin que ses restaurants ouvrent le dimanche ou qu’il puisse fabriquer sur place sa propre viennoiserie.

Le 1er juin 1898, il réussit enfin à ouvrir son palace parisien grâce au coup de pouce financier du patron des liqueurs Grand Marnier. Et, conformément à la maxime du Prince de Galles, « Où Ritz va, j’irai ! », tous les beautiful people accourent ! Gabrielle Chanel pose ses valises au 3ème étage dans une suite dès les années 20, elle y mourra en 1971. Sacha Guitry tourne son film Quadrille dans les murs de l’hôtel. Durant l’Occupation, le IIIe Reich héberge « ses hautes personnalités » avant qu’Hemingway libère le bar en 1944. Les happy few défilent : Marlène Dietrich, Ingrid Bergman, Eva Perón, l’empereur Bao Dai et même Nixon qui accorde une interview dans le salon Psyché, ça ne s’invente pas. En 1979, Mohamed Al-Fayed rachète le tout pour 100 millions de francs et, dix ans plus tard, on creuse une piscine. A défaut de pouvoir aligner des longueurs en plein hiver ou de se payer une nuit, ce livre vous permettra de faire de beaux rêves…

Tout sur le Ritz !

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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