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C’était l’Académie des César


C’était l’Académie des César
Adèle Haenel, le 28 février 2020 © Christophe Ena/AP/SIPA

Face au baroud d’honneur des César, la vraie victoire de l’idéologie d’Adèle Haenel… et de Netflix


La cérémonie des César 2020, ce qui l’entourait, ce qui l’avait précédée, constituaient-ils un tournant ou une continuité ? En apparence, et c’est le discours des néo-féministes depuis la nuit dernière, il s’agit bien d’une continuité. Polanski – “Violanski”, comme elles le surnomment – a obtenu le César, le pire à leurs yeux – celui du meilleur réalisateur. C’est lui qui a été récompensé davantage que le film. On ne compte plus celles – ou ceux, parfois – qui confient sur les réseaux sociaux leur envie de vomir. « Vous voyez bien que le Patriarcat se porte bien », déclarent-elles à l’envi. Ce faisant, elles oublient que toute l’équipe de J’accuse avait décidé de ne pas se rendre à la salle Pleyel, lassée de passer pour la complice d’un violeur en série. Ce faisant, elles oublient que la direction des César a démissionné en bloc il y a quelques jours. Ce faisant, elles oublient que Florence Foresti avait décidé de profiter de sa désignation comme maîtresse de cérémonie pour multiplier les allusions à Roman Polanski avec une finesse que n’aurait pas reniée Jean-Marie Bigard. Foresti devrait se méfier. Qui sait si, dans quelques années, quelques associations néo-féministes pointilleuses, forcément pointilleuses, ne viendront-pas scruter tous ses sketches et spectacles depuis qu’elle a débuté sa carrière et n’y trouveront pas des monuments de valorisation de stéréotypes genrés ? Qui sait si ces juges autrement plus sévères que l’académie des César, ne l’accuseront pas alors d’avoir ainsi perpétué honteusement la culture du viol ? On ne se méfie jamais assez… 

Décevant Jean-Pierre Darroussin

Jean-Pierre Darroussin l’a bien compris, lui. Alors qu’en 2013, dans un petit hebdomadaire provençal, il nous disait son admiration pour Roman Polanski, « qui compte parmi la dizaine de réalisateurs les plus importants qui ait jamais existé », le voilà qui s’amuse à ne pas pouvoir prononcer le patronyme du cinéaste franco-polonais. Mais comment lui en vouloir, après tout ? Il a bien reconnu ceux qui tenaient désormais le manche.

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Car il s’agit bien d’un tournant. La récompense de Polanski comme meilleur réalisateur constituait un baroud d’honneur, voire un doigt d’honneur. Celui qu’on fait en partant, en laissant la place. Ceux qui se sont permis ce geste pensaient que leur mission n’était pas de distribuer les récompenses en fonction de la bonté d’âme des récipiendaires, mais de la qualité de leurs films, de leur réalisation, de leur jeu d’acteur. Ils ont compris que c’était désormais terminé. 

L’indigénisme et Netflix éclipsent l’Académie

L’actrice Aïssa Maïga a peut-être gêné avec son discours qui sentait bon l’indigénisme, mais elle incarne désormais l’avenir des Césars. Et le départ d’Adèle Haenel au moment de l’annonce du César du meilleur réalisateur ne constitue qu’un paradoxe. Elle avait déjà gagné avant la cérémonie. Le baroud d’honneur de l’académie vient juste gâcher sa victoire en la rendant trop tonitruante, pas assez lisse. Adèle Haenel, c’est dorénavant la patronne. Son « c’est une honte » constitue son premier geste d’autorité. En sa nouvelle qualité, il faudra tout de même l’interroger sur Ladj Ly et son passé troublant. Que pense-t-elle de la liberté amoureuse des femmes en Seine-Saint-Denis ? Que pense-t-elle de leur liberté à disposer de leur corps ? Pense-t-elle qu’il est de bon ton d’aller punir ceux qui participent avec ces femmes – dans le consentement le plus irréprochable – à cette même liberté amoureuse et sexuelle ? Adèle Haenel n’est pas sortie de la salle Pleyel, quand Les Misérables ont été récompensés. Un oubli, ou une inattention, sans doute. À moins que ce ne soit la crainte d’avoir des problèmes avec Aïssa Maïga. Enfin, il faudra bien l’interroger, Adèle Haenel, sur les manifestantes d’Osez le féminisme. Il faudra bien lui demander, à la nouvelle patronne du cinéma français, ce qu’elle pense de cette association si motivée à manifester son dégoût de Polanski, mais qui se trouve incapable, par la voix de sa porte-parole Alyssa Ahrabare, à caractériser ce qui arrivait à Mila. « Sale gouine », « sale Française », disaient ceux qui allaient ensuite menacer de mort la jeune lycéenne lesbienne et instagrammeuse. Y aura-t-il un seul journaliste pour poser toutes ces questions à Adèle Haenel ? Répondrait-elle qu’il est une honte que ceux qui ont menacé Mila de mort n’aient toujours pas été retrouvés et appréhendés ? 

Elle n’en aura sans doute pas l’occasion. Mais qu’importe, après tout. Cette cérémonie a sonné aussi la fin d’une certaine idée du cinéma français. La victoire d’Adèle Haenel est aussi et surtout celle des futures parts de marché de Netflix.

Quand Aïssa Maïga compte les Noirs dans la salle Pleyel…

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