En Iran, le Français Benjamin Brière, accusé d’espionnage, vient d’entamer une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention. Combien d’autres Français sont incarcérés à l’étranger, où et pour quels motifs ?
Au 15 juin 2021, le Quai d’Orsay estimait à 1650 le nombre de Français détenus à l’étranger. De source officielle, 24 % sont détenus pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, 6 % pour les infractions à caractère sexuel et 42 % pour d’autres infractions de droit commun. Et les autres ? Il semble bien que l’on ne sache même pas pourquoi : « Pour 27 % d’entre eux, les motifs d’incarcération ne sont pas communiqués par les autorités des pays où ils sont détenus ; ceux-ci n’en ont pour la plupart, pas l’obligation », a précisé le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères dans une réponse adressée au député Pierre-Alain Raphan, le 3 août 2021, qui, le 15 juin précédent, avait posé la question de la situation des Français détenus à l’étranger. La malchance ne guette pas que ceux qui s’aventurent en Iran ou en Turquie : selon le Quai d’Orsay, « près des deux tiers [des Français détenus à l’étranger] sont détenus dans des pays de l’Union Européenne ». Oui, de l’Union Européenne.
Environ 455 de nos compatriotes seraient donc détenus à l’étranger sans que l’on sache pourquoi. Pierre-Alain Raphan, qui est le député LREM de la 10ème circonscription de l’Essonne, a réussi, le 18 novembre 2021, à faire adopter par l’Assemblée Nationale, puis par le Sénat, la « loi Atangana », permettant d’accompagner nos compatriotes détenus arbitrairement à l’étranger. Le nom de cette loi rappelle l’histoire cruelle de Michel Atangana, un Français incarcéré au Cameroun sans justification valable et qui a été libéré en 2014 après 17 ans de détention arbitraire.
Le 19 décembre dernier, des élus représentant les Français à l’étranger ont fait paraître une tribune dans le JDD. Ils y appellent à réélire Emmanuel Macron. « Comme il l’a fait en France avec le « quoi qu’il en coûte », l’État a agi fortement, rapidement et efficacement pour soutenir les Français de l’étranger « où que vous soyez » dans le contexte sans précédent de la pandémie de COVID-19. Une aide bien plus massive que celles des autres pays pour leurs ressortissants leur a ainsi été apportée. L’État a été au rendez-vous, et il n’a laissé aucun Français de l’étranger au bord de la route ». Que diraient ceux qui croupissent dans des geôles loin de leurs proches ? Cosignée par une brochette de députés marcheurs et une ribambelle de conseillers, cette tribune est un éloge de la politique du président Macron en la matière, « une vision ambitieuse pour les Français de l’Étranger et le rayonnement de la France de demain ». Les vertus de la politique macroniste pour les Français de l’étranger y sont longuement développées, nous n’en débattrons pas ici. En revanche, cette tribune n’a pas un seul mot pour les Français détenus à l’étranger. Et dans ce texte qui comporte plus d’une centaine de signataires, Pierre-Alain Raphan n’apparaît pas. Comme il nous l’a confirmé, il n’a même pas été sollicité.
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Il y a deux ans, Donald Trump s’est vanté d’avoir fait libérer beaucoup d’Américains détenus à l’étranger. Qu’il ait gonflé ses succès en la matière ou non nous importe peu. Son attitude révèle qu’outre-Atlantique, ce sujet était un thème majeur pour asseoir sa popularité. Et ne parlons même pas d’Israël, qui réagit vigoureusement dès qu’on touche à un cheveu de ses concitoyens. À l’approche de nos Présidentielles, qu’en est-il du sujet des détenus Français à l’étranger ? Il est inexistant. Macron, Pécresse, Zemmour, Mélenchon et les autres restent aux abonnés absents. Si la France ne sait pas montrer les crocs pour protéger ses citoyens hors de France, les formules telles que « le rayonnement de la France de demain », « Je me battrai pour la force de l’Europe comme pour la force de la France » (Valérie Pécresse dans Le Monde) ou encore « Oui, la France est de retour, car le peuple français s’est levé ! » (Eric Zemmour à Villepinte) sont vouées à sonner creux.
La France peut-elle sérieusement prétendre rester une grande nation sans en faire plus pour ses Français détenus à l’étranger ? Non. Nicolas Sarkozy l’avait bien compris en son temps. « Quand un Français est en prison à l’étranger, il faut se porter à son côté », avait-il dit lors de l’affaire Florence Cassez lors d’un entretien pour L’Express en 2020. C’était quand même autre chose. Ceux qui aspirent à la plus haute fonction de l’État seraient bien inspirés de faire de ce sujet une priorité.