Son nouvel essai[tooltips content= »Ces biens essentiels, Bouquins »]1[/tooltips] sort aujourd’hui
« Lisez ! Retrouvez ainsi ce sens de l’essentiel ! » Le soir du 16 mars 2020, le président Macron s’adressait ainsi aux Français. Une sage recommandation vite refroidie par la fermeture des librairies lors d’un premier confinement, puis d’un second…
Il faudra patienter jusqu’au 28 février 2021, près d’un an plus tard, pour que le livre soit enfin, au même titre que les tournevis ou les smartphones, marqué du fameux sceau de « l’essentiel ».
Un besoin indomptable d’élever la voix…
« Quand l’homme réfléchit à ce qui est essentiel, il opère une distinction entre le besoin et ce qui permet la réalisation de soi, entre ce qui relève de la biologie et ce qui relève de l’esprit » », analyse Céline Pina. Rousseau nous avait déjà prévenus, l’homme est un animal social. L’homme ne peut se contenter de manger des spaghettis – si bien agrémentés soient-ils – tout seul devant Netflix après avoir promené son chien.
Dans La Peste, Albert Camus se demandait déjà comment une épidémie pouvait peu à peu défaire les liens sociaux.
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Dans Ces bien essentiels, Céline Pina se demande comment tisser à nouveau ces liens, en particulier ceux qui devraient unir le peuple à son pouvoir. Belle ambition de la part de celle qui, avant d’être essayiste, fut attachée parlementaire et conseillère régionale (en Île-de-France), rappelons-le. Car encore maintenant, Céline Pina est habitée par la politique. Pas la politique des petits arrangements et des coups dans le dos, pas celle qui fait qu’au premier tour des dernières élections municipales, l’abstention a atteint en France le taux écrasant de 55,4%, mais la politique au sens noble, au sens de l’intérêt pour la chose publique. Et un peu à la façon de « l’homme qui ne sait pas réagir, qui ressent un besoin indomptable d’élever la voix quand il rencontre quelque chose qui lui paraît stupide ou injuste » de Milan Kundera, Céline Pina prend la plume quand quelque chose la contrarie dans l’arène, quand elle voit que quelque chose ne tourne pas rond.
… mais toujours très sérieusement
Autant que cela soit dit : inconditionnels de surenchères, de polémiques chez Pascal Praud ou de pamphlets empreints de lyrisme, fuyez ! Céline Pina ne sort pas sa plume pour créer quelque diatribe émaillée de « y’a qu’à » ou « faut qu’on », elle sait que la situation est trop sérieuse pour se reposer là-dessus. Souvent ferme dans ses raisonnements, lapidaire juste ce qu’il faut, un poil trop concise parfois, Célina Pina tient à être constructive.
Ne riez pas : pas naïve pour un sou, elle n’estime pas pour autant que les jeux sont faits, elle porte la France au fond des tripes et elle veut encore la sauver. Éducation, culture, solidarité, justice sociale, assurance maladie ou mérite républicain sont tristement devenus des mots galvaudés. Alors qu’il s’agit là de biens essentiels qui ont germé avant même la fin de la Seconde guerre mondiale. Ces thèmes ont été ressassés jusqu’à l’obscène par tant de chapelles politicardes en mal d’électeurs que l’on assiste à un divorce sans précédent en France entre le peuple et ses gouvernants. En témoignent les six millions de visionnages de l’apocalyptique documentaire Hold up, que Pina voit comme l’inquiétant symptôme de la situation d’ « un peuple qui se sent trahi et pense qu’on le sacrifie plus qu’on ne le protège », une situation à laquelle « le péché originel du masque » – voilà une formule dont j’envie la paternité – n’est pas étranger.
Le coronavirus occulte les autres grands sujets de société
À consacrer autant de pages à la crise du Covid, Céline Pina aurait-elle été contaminée par l’hyper médiatisation sanitaire ? « Durant les confinements, les attentats ne se sont jamais arrêtés, la loi séparatisme a été très chahutée, l’islamisme continue sa progression en France et dans le monde, tandis que complotistes, extrême droite suprémaciste et extrême gauche racialiste guettent la souffrance sociale pour y faire leur marché de futurs radicalisés », souligne-t-elle.
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L’ouvrage aurait peut-être gagné à analyser aussi la crise de notre démocratie à travers ces thèmes, plus que par le seul prisme du Covid-19. Et en lisant Ces biens essentiels, vous trouverez peut-être qu’à force de vouloir mettre tout le monde d’accord, Céline Pina manque de mordant. Certes, on dit que tout ce qui est excessif est insignifiant, mais ce n’est pas une raison pour ne pas sortir ses griffes, surtout en politique. D’ailleurs, politique rimant avec propositions, je reste sur ma faim et j’aimerais bien avoir les siennes désormais. Céline Pina restera-t-elle la brillante chroniqueuse habituée des radios, des colonnes de Causeur et de Front Populaire ? Redescendra-t-elle bientôt dans l’arène politique ?