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Cérémonie d’ouverture à Paris: la grandeur malgré tout

Scènes polémiques avec Marie-Antoinette ou avec des drag-queens, playbacks, prix fou pour des places permettant de ne voir que des bateaux sous la pluie, drapeau hissé à l’envers: il y a aussi eu de sacrés couacs!


Cérémonie d’ouverture à Paris: la grandeur malgré tout
L'équipe artistique de la cérémonie d'ouverture des JO avec Tony Estanguet, 19 juillet 2024 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Depuis 48 heures, conservateurs et progressistes s’opposent sur une seule question: la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques était-elle réussie ? Et vous, chers lecteurs de Causeur, qu’en avez-vous vraiment pensé ?


Il a fallu attendre un siècle avant que les Jeux Olympiques d’été ne daignent revenir dans le pays qui les a vus naître dans leur version moderne. Une longue patience qui s’est trouvée récompensée après plusieurs tentatives infructueuses. Pierre de Coubertin peut désormais se réjouir, la plus grande compétition sportive mondiale est enfin de retour dans la plus belle ville du monde. La cérémonie d’ouverture pensée par Thomas Jolly était donc particulièrement attendue. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’aura pas laissé indifférent…

Just do it

« Merci à Thomas Jolly et son génie créatif pour cette cérémonie grandiose. Merci aux artistes pour ce moment unique et magique », a écrit Emmanuel Macron sur son compte X, remerciant également les « forces de l’ordre et de secours », « agents et bénévoles ». « On en reparlera dans 100 ans ! ON L’A FAIT ! », a-t-il poursuivi. « Un immense bravo à Thomas Jolly et à tous les artistes et techniciens pour leur savoir-faire et leur talent extraordinaires. […] Quelle fierté quand la France parle au monde », a dit Manuel Bompard (LFI). Une réaction contrastant avec celle de… Jean-Luc Mélenchon, lequel a dénoncé la parodie de la Cène qu’il a jugée offensante pour les chrétiens, de même que le passage où Marie-Antoinette apparaissait la tête coupée. Il aurait préféré Louis XVI à la place. Julien Aubert (ancien député Les Républicains) a dénoncé de son côté « un défilé olympique ayanakamuresque, wokiste, où le sport a été invisibilisé par des messages politiques et sociétaux qui n’y avaient pas sa place ». De la même manière que Julien Odoul (RN), choqué par la présence d’Aya Nakamura avec la Garde républicaine, ou encore Marion Maréchal (ex-Reconquête) qui a fustigé « les Marie-Antoinette décapitées, le trouple qui s’embrasse, des drag-queens, l’humiliation de la Garde républicaine obligée de danser sur du Aya Nakamura, la laideur générale des costumes et des chorégraphies ».

Ob-Seine, du gênant au géant

La presse internationale a oscillé entre enthousiasme et dégoût, et aussi en fonction de la couleur politique des titres des journaux. Le meilleur résumé de la cérémonie est peut-être celui du Corriere della Sera de Milan : « Plus Édith Piaf que Napoléon. Plus Vénus que Mars. Des chansons d’amour, des films qui finissent bien. Couleur dominante, le rose. La sororité s’ajoute à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. On ne voit pas la statue de Jeanne d’Arc, mais plutôt celle de Louise Michel, héroïne de la Commune, avec une Marianne noire chantant la Marseillaise […] Paris a présenté au monde une version adoucie, irénique et idéalisée de son histoire. Une performance d’art contemporain : tantôt on semblait être à la Biennale, tantôt lors d’une gay pride, tantôt encore à un défilé de mode. »

Un succès opérationnel : médaille d’or pour les forces de sécurité

Le premier succès de cette cérémonie d’ouverture est celui des forces de sécurité. Alors que de nombreux observateurs s’indignaient, jugeant irresponsable d’organiser un tel évènement en ville, a fortiori sur la Seine, à l’image d’Alain Bauer qui tout juste deux ans en arrière estimait la chose « impossible » et trop risquée, tout s’est parfaitement déroulé sans un seul incident à déplorer. Un exploit. Nos policiers, gendarmes, militaires, pompiers, bénévoles, organisateurs et travailleurs de l’ombre méritent une médaille du plus beau métal. Ils ont sauvé un pays et une ville attaqués de toutes parts par des forces malignes qui espéraient un fiasco.

D’ailleurs, la journée avait très mal commencé avec de multiples sabotages qui ont gravement entravé la circulation des trains à grande vitesse et décalé les voyages de 800 000 passagers de la SNCF. Pis encore, le climat s’en est mêlé. Toutatis a fait tomber le ciel sur la tête des Gaulois réfractaires pour « gâcher » la fête en mondovision. Las, si la pluie a sûrement eu une incidence sur le rythme de la cérémonie et gâté quelques tableaux, elle n’a au fond que peu perturbé le spectacle sur le plan technique.

La laideur et la grandeur peuvent-elles longtemps cohabiter ?

Que retenir donc de cette cérémonie ? Les Français font toujours ressortir le pire et le meilleur… et ils sont les meilleurs dans les deux exercices. Cette longue cérémonie aura donc offert deux visages bien distincts. Le premier prenait les traits de la grandeur classique, montrant au monde les trésors d’inventivité et de génie dont les Français peuvent, quand ils sont inspirés, se montrer capables. Innovante et ambitieuse, convoquant l’artisanat du luxe avec Notre Dame et LVMH ou les Gobelins avec les Minions, la cérémonie d’ouverture a voulu brasser de multiples influences servies par d’immenses vedettes françaises et internationales. Citons notamment Lady Gaga ou Gojira, groupe français de heavy métal particulièrement remarqué qui a offert un concert perché sur les fenêtres de la Conciergerie en forme d’hommage aux victimes du Bataclan.

La cérémonie d’ouverture s’est en réalité déclinée en trois parties. Une première correcte convoquant les clichés du Paris chic et kitsch, décrivant un pays flirtant avec le libertinage, où le french cancan et le glamour servent d’horizons aux grandes dames de ce monde. C’est un peu réducteur, mais ce Paris plaît à l’étranger. Du reste, ces jeux sont d’abord et avant tout parisiens. Malgré quelques défauts de rythme, l’ensemble n’était pas outrageant ni particulièrement innovant. Il s’est néanmoins conclu par une première petite polémique avec la mise en scène d’une Marie-Antoinette tenant dans ses mains sa tête décapitée et chantant « Ah, ça ira ! ».

Quoique bien réalisé, ce tableau a pu heurter certaines consciences. Plus « adolescente » que véritablement animée de l’intention de nuire, l’idée du gore était sûrement inadaptée à un spectacle grand public en mondovision. Surtout qu’elle ne fut pas compensée par une note déplorant ce qui fut un crime politique dont les motifs étaient misogynes et xénophobes, mais aussi basés sur des « mensonges », soit ces fausses informations et préjugés que dénoncent pourtant à cor et à cri les progressistes contemporains. La chose eut pu être parfaite avec un peu plus de discernement.

La deuxième partie bascula non pas dans le gore mais dans la laideur la plus grotesque par moments. Sorte de bacchanale dionysiaque à une époque qui aurait besoin d’ordre apollinien, ce segment a fait la part belle aux diversités dites « LGBT », offrant notamment plus d’une vingtaine de minutes de drag-queens, de femmes à barbe et de transformistes, lors d’un défilé assez malsain qui était non seulement trop long, mais aussi inutile et mal réalisé. Le tout donnait parfois des airs de fins de mariage, avec ses musiques discos passéistes et ses invités ivres d’eux-mêmes et de vin. Ce moment particulièrement pathétique aura servi aux ennemis de l’Occident les éléments de propagande qu’ils demandaient.

Des télévisions étrangères ont même dû couper ces passages. Ce nombrilisme hexagonal, ou plutôt parisianiste, est préjudiciable. La France n’est pas seule au monde. Cette prétendue « inclusivité » exclut en réalité bien des gens et bien des nations. Elle n’inclut que des minorités « visibles » complaisamment et caricaturalement mises en scène de manière monstrueuse au sens étymologique du terme. L’idée générale était de faire l’inverse d’une cérémonie nostalgique et passéiste. Soit, c’est louable. Mais l’excès inverse a souvent été atteint. À la ringardise des uns s’est opposé l’opiniâtreté « provoc » et passée de mode des autres, comme si les Jeux Olympiques étaient le champ d’expression d’une bataille idéologique… On me répondra Marivaux, tradition du Guignol ou Molière. Je rétorquerai que bien que j’apprécie les Contes de Canterbury de Pasolini et le Caligula de Tinto Brass, il ne me viendrait jamais à l’idée que ces films puissent être destinés à un public allant de 7 à 77 ans et convoquent l’intégralité des cultures de ce monde devant son écran. 

Un manque de discernement mais des coups d’éclat

Quel dommage ! Il était pourtant possible d’amener de la légèreté sans sombrer dans ce déballage de vulgarité provocatrice uniquement destiné à « choquer le bourgeois ». Un entresoi « wokiste » qui était exclusif d’une communauté arrogante et déconnectée. Le tout s’est conclu par un Philippe Katerine déguisé en Silène, moment lunaire mais amusant qui aurait pu être acceptable avec un peu de discernement et de goût. Mettre à l’honneur la mode et l’excès du cabaret n’était pas interdit, encore fallait-il le faire élégamment. Le dire semble pourtant un crime de lèse-olympisme. Est-il encore interdit de penser qu’une gay pride n’a pas sa place pour célébrer le sport ? Qu’il faut inviter aussi des enfants et des gens de peu ?

Heureusement, le troisième tiers aura montré une France assez sublime. Certes, cette cérémonie bling bling était parfois semblable à une succession de vignettes publicitaires piochant chez Jean-Paul Goude et Pierre et Gilles, omettant tout un pan de l’identité française, martiale et enracinée, mais elle avait aussi sa part de beauté qui a pu pousser au milieu de la boue mondialisée. L’idée de la déesse Sequana sur la Seine, du piano enflammé, les illuminations de la Tour Eiffel et bien sûr la Montgolfière resteront gravées longtemps dans les mémoires. Le grand final de Céline Dion était de même particulièrement émouvant et bien mis en scène. Par certains aspects, cette cérémonie surpassa toutes celles qui l’ont précédée : elle marquera son temps et a eu des moments de génie. Elle était vive, originale et orgiaque. Mais ses immenses qualités n’effaceront pas la gêne provoquée par ses défauts. Restent une belle organisation et des équipements fabuleux qui peuvent rendre très fiers les Français. Car, la beauté de la gloire historique de la France est visible partout dans des Jeux qui, en dehors de quelques épouvantables couacs, sont magnifiques, dévoilant un Paris sublimé porté par l’enthousiasme d’un peuple qui se réjouit enfin un peu après des mois de morosité.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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