A eu lieu en fin de semaine dernière (8 et 9 juin), au château de Tocqueville, un grand colloque international sur « la démocratie en Occident au XXIème siècle » — ce qu’Alexandre Devecchio, qui en rend excellemment compte dans le Figaro du 8 juin, appelle « la grande fracture démocratique ».
Une appréhension hâtive d’un tel sujet amènerait peut-être le lecteur à penser qu’en ces temps de Front national, de Ligue du Nord, d’UKIP (Angleterre), AfD (Allemagne), ÖVP (Autriche) et autres Fidesz – Magyar Polgári Szövetség (Hongrie) ou Prawo i Sprawiedliwość (Pologne), la menace est déjà installée à l’extrême droite. Un historien demi-habile ferait peut-être un parallèle avec l’ascension d’Hitler sous le régime de Weimar, histoire (si je puis dire) de nous faire peur…
Bête comme un peuple qui vote mal
Enter David Adler, political researcher, comme dit le New York Times. Dans un article fascinant, paru le 31 mai dernier, il fait état de sa recherche sur le rapport à la notion de démocratie – et à sa pratique – dans les pays occidentaux, tous supposés démocrates. De sa recherche et de sa stupéfaction : dans tous les pays « démocratiques », les centristes, globalement au pouvoir, sont majoritairement hostiles à la démocratie.
Certes, les partis d’extrême droite aiment les hommes forts. Mais les centristes les talonnent : ils ont horreur de ces circonstances molles qu’on appelle vox populi. Voyez plutôt :
Horreur surtout de ce qui peut résulter d’un vote démocratique. Rappelez-vous la façon dont les démocrates centristes de chez nous, ceux qui sont aux manettes à Bruxelles, ont contourné le vote sur Maastricht. Souvenez-vous des cris d’orfraie des démocrates anglais de la City à la suite du Brexit, suggérant que Londres (ah, une mégapole mondialisée, quel pied…) fasse sécession. Et remarquez depuis quelques jours les hurlements de nos démocrates à nous, face à l’issue des dernières élections italiennes : le président Sergio Mattarella cherchant à confisquer l’élection, qui lui semblait peu compatible avec les sempiternels critères européens, et les journalistes de chez nous appelant quasiment le châtiment divin sur la tête des inconscients qui ont voté là-bas pour la Ligue du Nord ou pour Cinque Stelle. Etienne Gernelle, dans Le Point, a trouvé de jolies invectives contre ces « histrions » qui ont « stupidement tonné » mais qui ont mangé le pain blanc de leur bêtise. Et Matteo Salvini, le patron de la Ligue, doit désormais se faire à l’idée que c’en est fini de « la période bénie où il pouvait dire ce qu’il souhaitait sans que cela porte à conséquence ». On n’est pas plus aimable avec des gens qui ont quand même ramassé une large majorité des voix. Ces Italiens sont sans doute moins intelligents qu’un éditorialiste français.
La démocratie, c’est comme la confiture…
L’inversion des codes ne date pas d’hier. « L’ignorance, c’est la force », disaient jadis en chœur George Orwell et Philippe Meirieu — avec des intentions différentes, sarcasme là, programme ici. Mais cela fait une grosse dizaine d’années que…
>>> Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<
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