Centrafrique : la guerre continue


Centrafrique : la guerre continue

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Les conflits se succèdent et partant s’oublient bien vite. L’Ukraine ayant chassé les petits soucis africains, c’est tout juste si nous nous rappelons que l’armée française travaille encore à rétablir l’ordre en Centrafrique. Certainement, il n’y a aucun risque qu’une guerre mondiale ou nucléaire naisse là-bas. Pourtant, l’opération Sangaris a constitué un réussi pour l’armée française et demeure indispensable pour briser le cercle vicieux des massacres populaires.

Mais les périls demeurent. Ainsi, en réponse aux atrocités commises par la Séléka, la force venue du nord pour détrôner François Bozizé et mettre au pouvoir Michel Djotodia, s’est organisée depuis quelques mois une nouvelle guérilla, dites des anti-balakas. Ses membres se rôdent encore autour de Bangui, ou même dans certains quartiers de la capitale, notamment près de l’aéroport. Ce sont aujourd’hui les premiers adversaires du pouvoir légitime de Catherine Samba-Panza, président intérimaire, et de l’armée française.

Au sujet de cette guérilla, il faut dissiper quelques erreurs : il apparaît avec de plus en plus de netteté que la qualification de « milices chrétiennes » est parfaitement erronée. Outre le fait que la plupart des Centrafricains sont demeurés dans leur fond des fétichistes et des animistes, il est impossible de trouver ni prêtre ni pasteur ni a fortiori évêque national qui ait encouragé ses fidèles à prendre les armes et à se venger. Les qualificatifs que s’attribuent leurs chefs témoignent de leur barbarie martiale : l’un se fait appeler « Douze puissance », ce qui signifie qu’il est fort comme douze hommes, presque une équipe de rugby à lui tout seul, et son adjoint, pour respecter la hiérarchie, seulement « Huit puissance »…

Ces miliciens sont, selon nos informations, payés par François Bozizé, qui aurait au cours de son mandat empoché un butin de 150 millions d’euros. Sachant qu’une kalach se négocie entre 70 et 100 euros dans la région, on imagine combien d’armes de poing il peut fournir à ses troupes. Récemment, un site internet local diffusait une conversation en sango, la langue usuelle du pays, entre Bozizé et l’un de ses féaux, son ancien chauffeur qu’il a fait commandant selon la longue tradition des Généraux Tapioca et Alcazar, où le satrape exilé encourageait les troupes des anti-balakas au massacre.

Il faut noter aussi le rôle ambigu de l’Ouganda dans toute cette affaire. L’allié local des Etats-Unis se comporte comme un prédateur. Outre le fait que selon des sources sûres François Bozizé serait réfugié à Kampala, la capitale ougandaise, les troupes du puissant voisin prétextent de la traque de l’Armée de résistance du Seigneur du soudard Joseph Kony pour piller impunément l’est de la Centrafrique, faisant main basse sur des diamants ou de l’ivoire. Ce Joseph Kony est une sorte de monstre comme cette partie de l’Afrique, depuis qu’elle est livrée à l’anarchie, a su en produire quelques uns : on lui prête, à lui et son armée, pas moins de 100 000 victimes, dans toute la région. Fin mars, l’armée américaine avait déployé des hélicoptères et des forces spéciales pour tenter enfin de l’appréhender. Mais, rusé comme le renard, il échappe depuis des années à toutes les tentatives de l’abattre, naviguant habilement à travers les frontières poreuses des deux Congos, du Soudan, de l’Ouganda et de la Centrafrique.

Joseph Kony ou non, du Rwanda à la Centrafrique en passant par le Congo-Kinshasa, toute la région semble être devenue un gigantesque terrain de jeu pour puissances occidentales, Etats-Unis en tête, il s’agit d’assurer, plus que la sécurité des habitants, le contrôle de pays riches en diamants, en or et en uranium.

*Photo : Laurence Geai/SIPA. 00679096_000026.



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est journaliste et essayiste.

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