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« Celtique? » Retour sur une exposition controversée

Veut-on brider l'identité bretonne en critiquant le récit particulier qui s'est construit autour de cette région?


« Celtique? » Retour sur une exposition controversée
Musée de Bretagne de Rennes.

Alors qu’elle s’est achevée le 4 décembre, l’exposition «Celtique ?», au musée de Rennes, a déchainé les passions sur la péninsule bretonne… Où vont se nicher les susceptibilités identitaires ?


Le point d’interrogation fâche : l’exposition est coupable de présenter l’identité celte de la Bretagne non comme une « réalité » mais comme un « mythe identitaire ». Sur le site internet du Musée, on peut lire notamment : « la confrontation des connaissances archéologiques, historiques ou linguistiques des périodes anciennes (de l’âge du Fer au Moyen-Âge) à la longue élaboration d’un récit régional permet de déconstruire les clichés ».

« Cliché » donc… se pourrait-il que la Bretagne celtique ne soit qu’un folklore, une image d’Épinal ou un territoire imitant sa propre carte postale ? 2000 ans après le peuplement du territoire par les Celtes, 1500 ans après la fondation du Duché de Bretagne, l’identité bretonne se veut un « revival » : soit une redécouverte d’un trésor linguistique et culturel remontant aux origines de la Gaule. Sa recherche a passionné les romantiques au XIXe comme les nouveaux mouvements sociaux des années 1960. Deux millénaires ou un millénaire et demi, c’est long. Entre-temps l’ensemble du territoire français a connu plusieurs invasions, politiques d’assimilation culturelles… Et depuis, les Bretons se sentent-ils tous celtes ? Et si ce revival identitaire n’était finalement qu’un vival que des esprits taquins diraient un tantinet artificiel ?

Alan Stivell retire son parrainage

Le musicien Alain Stivell – star de la musique celtique – a en tout cas retiré son parrainage et s’en explique dans Ouest-France le 17 octobre: « Les échanges et croisements incessants depuis plus de 6 000 ans entre Bretagne, Galles, Irlande, Ecosse, démontré par l’ADN, on s’en tape ! Les multiples preuves dans les pratiques religieuses, le légendaire, la poésie, l’habitat: du vent ! Circulez ! » Dans une tribune, publiée le 25 octobre dans les colonnes du même journal, au titre évocateur, « le musée de Bretagne ou le jacobinisme jusqu’au bout », le magistrat et écrivain régionaliste Yvon Ollivier en remet une couche et inscrit la polémique dans la continuité de vieux drames nationaux : « L’affaire de l’exposition ratée du musée de Bretagne « Celtique ? » m’amène à réfléchir au jacobinisme en tant qu’idéologie visant à l’homogénéisation totale de la société au mépris de l’altérité pour mieux concentrer le pouvoir. Nous avons tous en mémoire les tragédies générées par la grande Révolution. » Le verbe est haut.

On sait que la Troisième République et ses hussards noirs furent particulièrement offensifs dans leur politique d’assimilation des régions périphériques.

Le caractère arbitraire du sentiment d’appartenance

Avec son point d’interrogation, le comité scientifique de l’exposition ne pensait sans doute pas réveiller de telles passions historiques. Pour ramener de l’ordre dans les esprits, certains en appellent à l’autorité intellectuelle des clercs. « Le catalogue de l’exposition Celtique ? permettra-t-il de retrouver la raison et la sérénité dans une polémique trop souvent polluée par les passions identitaires ? », s’interrogent une trentaine de spécialistes de l’université Rennes 2 comme nous l’apprend Ouest-France dans un article du 16 octobre dernier. Obsédée d’objectivité – et parfois de destruction – l’Université plaide depuis plusieurs décennies pour une histoire scientifique cherchant à rabattre certaines passions identitaires issues des différents romans nationaux et régionaux.

En histoire, de nombreux travaux partent du postulat que toute identité est engendrée par un récit fondateur lui-même commandé par une volonté politique, parfois au service d’obscures volontés de domination. Cette méthode et son caractère systématique – si elles permettent de nuancer certains déterminismes – exagèrent parfois le caractère arbitraire des sentiments d’appartenance.  Quoique d’appellation « scientifique », elle a aussi ses propres dogmes : à savoir que la France n’est qu’un roman, que la Bretagne n’est qu’une légende, que tout particularisme est un folklore, que toute identité est une construction et que tout chose n’est finalement qu’un mot.

Réalité ou mythe, identité ou folklore, mot ou chose, dans le cœur breton, ce récit a en tout cas encore la cote: on voit des drapeaux régionaux à toutes occasions,  le festival de musique celtique attire chaque année des dizaines de milliers de visiteurs – lesquels sont aussi orientés Rennes ou Nantes par des panneaux bilingues en français et en breton alors que personne n’a jamais parlé un mot du dialecte dans ces deux métropoles… A l’est de Bretagne, le parler y était le gallo – une langue romane. Le Breton ne concernait que la pointe occidentale de la péninsule. L’archipel français de Jérôme Fourquet s’intéressait à des passions identitaires devenues obsédantes – montrant une France divisée – non par la mer comme l’Indonésie – mais par la recherche tous azimuts d’origines, de racines, d’identités et de légendes.

On découvre désormais ces passions archipélagiques peuvent aussi être péninsulaires.

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