Je suis très heureux que Louis-Ferdinand Céline soit exclu des Célébrations nationales 2011, et très satisfait qu’Hervé Bazin y figure. Plus que cela même : j’en suis soulagé, voyant ainsi l’ignoble auteur de Mort à crédit et de Féérie pour une autre fois privé d’un florilège de gâteries et laissé à son indignité.[access capability= »lire_inedits »]
Celui-ci, en effet, n’aura pas droit − et c’est bien fait pour lui − à la « Nuit Céline », moment convivial et privilégié où une lecture à la bougie d’extraits du Voyage aurait permis d’apprécier la modernité du Passage Choiseul. Il ne bénéficiera pas du jumelage festif entre Courbevoie et Sigmaringen (stands, orchestre et banderoles), du parcours avec audio-guides dans les rues de Meudon (texte sobre mais poignant lu par Dussolier), du sourire entendu de Pujadas nous invitant à découvrir un reportage exclusif sur les danseuses du Crazy Horse (en hommage à celui « qui a tant écrit sur elles »).
Loin des baisers carnavalesques
Il n’existera pas, voilà tout, de « rue Bardamu », de buste facétieux de l’auteur en simili-cuivre, de son et lumières dans des tranchées reconstituées, d’hôtesses badgées LFC, de reprise par une centaine de choristes d’A nœud coulant. Nous ferons, tant pis, sans les trémolos de Frédéric Mitterrand déclamant dans les allées du cimetière des Longs-Réages que « la plus grande conquête d’un écrivain, c’est son propre style », ou quelque chose dans ce goût-là ; sans les nouvelles magistrales et ferroviaires de dix écrivains offrant à Télérama une mise en abyme sans concessions de Rigodon ; sans les contre-manifestants arborant des tee-shirts citoyens, ornés d’un courageux « Lire ? Plus jamais ça ! » ; sans l’émoi de Joy Sorman trouvant inconvenant qu’on célèbre encore, au XXIe siècle, de vieux mâles blancs hétéro-fachos qui, comme par hasard, s’appellent comme des filles ; sans les larmes d’Alexandre Jardin, lisant la voix étranglée d’admiration scandalisée, des extraits des Beaux draps sous contrôle d’huissier.
Céline, et il n’a qu’à s’en prendre qu’à lui, n’aura pas droit aux panneaux publicitaires, aux bornes interactives, aux quiz de France Culture, aux rires sous cape de Ségolène Royal, aux déclarations de Jamel Debbouze, aux calembours salutaires de Libération, à la ronde des indignés, des contre-indignés, des défenseurs de refusés, des accusateurs de promus …
Je suis très heureux que Louis-Ferdinand Céline soit exclu des Célébrations nationales 2011 ; et très satisfait qu’Henri Troyat y figure. Très heureux que le génial auteur de Mort à crédit et de Féérie pour une autre fois gêne encore aux entournures, révèle toujours aussi bien la confusion d’une époque piteuse et prouve sans effort l’incapacité de celle-ci à comprendre ce qui n’est pas simplifié, nettoyé, digéré. Soulagé qu’il puisse ainsi échapper, de peu il est vrai, aux baisers carnavalesques puant la mort.[/access]
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