Alors qu’on attendait un acte de contrition de la majorité à l’endroit de l’Eglise Catholique, interpellée un peu rudement sur un sujet où on ne saurait lui reprocher son inactivité, le Président du groupe PS à l’Assemblée en a remis une couche, ce mardi matin : « Je pense qu’elle peut faire encore plus », a dit Bruno Le Roux sur RFI.
La sortie du ministre du logement Cécile Duflot demandant à l’archevêché de Paris de mettre à disposition certains de ses bâtiments inoccupés pour les mal logés ou les sans abris, provoque depuis quelques heures de vives réactions. Il est vrai que l’institution n’a pas à rougir de ses nombreuses actions dans ce domaine, mais que fidèle à l’évangile de Saint Matthieu, elle ne fait pas sonner la trompette et ne se donne pas en spectacle pour obtenir la gloire des hommes.
Mais plus intéressant que ces propos vexatoires et réitérés (sed perseverare diabolicum…) auxquels l’Eglise répondra en tendant l’autre joue, c’est le curieux jeu qu’entretient le gouvernement actuel avec les autorités ecclésiastiques. Car il ne fait nul doute que la salve orchestrée depuis le début de la semaine reproche moins à l’Eglise son prétendu manque de solidarité pour les plus démunis que sa farouche opposition de « mariage pour tous » qui agite de plus en plus la société, comme l’a d’ailleurs évoqué Monseigneur Dubost, invité sur RTL lundi matin.
Jeudi dernier, lors de l’audition à l’assemblée nationale des responsables des grandes religions sur la question du mariage homosexuel et de l’adoption, on entendait des militants arguer que les députés n’avaient pas à écouter le cardinal, que ce dernier devait surtout s’occuper de son culte (sic), tandis que dans les sous-sols du palais Bourbon, Monseigneur Vingt-trois se voyait expliquer non seulement ses erreurs d’appréciation mais aussi l’illégitimité qu’il avait à intervenir sur le débat. In fine, les responsables religieux disposeront de quatre minutes chacun pour s’expliquer sur le sujet, une broutille lorsque l’on sait à combien de reprises et lors d’entretiens à rallonges, furent reçues les associations partisanes du « mariage pour tous ».
On n’y comprend plus rien. D’un côté, l’Eglise devrait se taire sur un sujet anthropologique majeur et qui la concerne au même titre que tout un chacun, d’un autre côté, elle est sommée d’agir pour l’Etat –ce qu’elle fait déjà- alors qu’on remet en cause sa légitimité, à intervenir dans un débat épineux qui agite la société civile. « Je ne comprendrais pas que l’Eglise ne partage pas nos objectifs de solidarité. Pour moi, ce n’est pas une simple question légale, c’est un choix de société » assène le ministre du logement. Et pas le mariage pour tous ? « Que ta main gauche ignore ce que fais ta main droite » ce coup-ci ? Cécile Duflot, qui tente de minimiser la polémique, croit tout de même bon d’ajouter que « sur le mariage des prêtres, par exemple: il est légitime que certains souhaitent vivre en couple et avoir des enfants. D’ailleurs, beaucoup l’ont fait, et il y en a probablement un parmi [ses] ancêtres. ». Vous avez bien lu : l’Eglise n’a pas son mot à dire quant aux mutations anthropologiques décisives que le législateur va introduire et encourager en bouleversant le droit du mariage et de la famille, et il revient de surcroît aux représentants de l’Etat de se faire les arbitres des élégances rituelles.
En matière de laïcité, de neutralité, de séparation, de vivrensemble, bref de tout ce que nos représentants nous abreuvent à longueur de déclarations en se faisant les chevaliers du Bien, on a déjà vu mieux. Comme la stigmatisation de la paille oublie la poutre, le discours sur la sécularisation s’avère unilatéral, l’Eglise étant fonctionnaire dès lors que l’Etat en décide, et doit fermer sa gueule ou bien démissionner en cas de débat sociétal qui fâche. Un peu comme un ministre finalement.
*Photo : philipperouget.
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