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Ce manque que comble Cyril Hanouna

Ses détracteurs voient en lui l'incarnation de la société du défouloir et du populisme


Ce manque que comble Cyril Hanouna
Emmanuel Macron et Cyril Hanouna, 2017. Capture d'écran C8.

L’animateur du talk-show de C8 est vilipendé pour avoir réclamé la privatisation du service public et avoir révélé le salaire de la présidente de Radio France. L’analyse de Philippe Bilger.


Il n’est pas convenu ni convenable. Il est outrancier, parfois vulgaire, démagogue aussi. On peut tout dire de ce bateleur de génie. Le pire, il s’en moque. Le meilleur, il s’en flatte. Mais il n’empêche : on a besoin de lui.

Ces derniers temps il a fait exploser l’audiovisuel public, en particulier Radio France avec un ciblage sur France Inter à laquelle on offre la fabuleuse opportunité de pouvoir vous critiquer avec l’argent qu’on lui donne. Il a eu droit à des réponses qui prétendaient le moquer mais n’ont pas convaincu ceux qui, en désaccord sur sa forme, ne sont pas loin d’approuver son fond. Car je persiste : on a besoin de lui.

Dans un monde où la parole officielle brille par son conformisme ou sa lâcheté, alors que le président de la République ne nous a pas encore expliqué pourquoi il avait changé d’avis, en si peu de temps, sur le report de l’âge légal à la retraite, dans un espace parlementaire à l’égard duquel TPMP représente une violence soft, dans une démocratie qui à la fois tolère des horreurs mais a des pudeurs de chaisière, Cyril Hanouna met heureusement les pieds dans le PAF. Parce que je confirme : on a besoin de lui.

Quand il s’indigne parce qu’il récuse être « une société du défouloir » – et pourtant, à la lettre, ce n’est pas un mince compliment – et qu’il révèle le salaire conséquent de Sibyle Veil (18 500 euros par mois), il joue au trublion tellement libre et atypique que rien ne saurait entraver ses propos, aussi peu corporatistes qu’ils soient. Je ne peux pas m’empêcher de relever qu’il y a un progrès capital depuis la dernière campagne présidentielle : les médias officiels ne bénéficient plus d’une supériorité de principe mais sont eux-mêmes de plus en plus contestés par les citoyens et, ce qui est nouveau, de manière interne, par des esprits, professionnels, essayistes, polémistes, qui n’en peuvent plus d’une partialité favorisée par les subventions.

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Parce que le paradoxe amer est là : les aides, les crédits publics, les budgets en hausse, loin d’engendrer une exemplarité pour le pluralisme, les débats, l’honnêteté, la vérité des faits et la lucidité équilibrée des analyses, suscitent absolument l’inverse. Puisque dans tous les cas on perçoit, pourquoi battre en brèche la mauvaise pente ? Se laisser glisser est sans risque et voluptueux. Alors je maintiens : on a besoin de lui.

Je devine comme des mines méprisantes se dessinent, comme on n’est pas loin de me plaindre pour avoir si mauvais goût, parce qu’il y a des prestations médiatiques qui ne mériteraient que l’opprobre. Pourtant ne pas trouver dans les rages et les colères de Cyril Hanouna, derrière parfois l’extrémisme sans filtre de son verbe, des pépites incandescentes, fulgurantes, bien plus populaires que populistes (pour moi ce ne serait pas un gros mot !), des dénonciations infiniment partagées me semble relever d’une hémiplégie désastreuse. La République, peu à peu, va s’éteindre à cause d’une liberté d’expression qui se verra interdite d’existence pour l’essentiel mais choyée pour le dérisoire. Des ministres peuvent bien le reprendre, le sermonner : peu importe. Parce que c’est une évidence : on a besoin de lui.

Une interrogation. Aurait-il tant d’écoute et d’audience, lui dans lequel on ne voit que l’histrion en feignant de ne pas remarquer l’éveilleur, le révélateur, si les mondes qu’on prétend ériger en modèles contre lui étaient réellement exemplaires ? Il est manifeste que son succès démontre au contraire, auprès d’un public peu accordé avec la politique classique, les débats conventionnels, à quel point il comble un manque, pallie un vide et suscite l’espérance d’autre chose. Car j’approuve : on a besoin de lui.

Il ne faut pas le confondre avec ceux qu’il réunit. Ce qui est supportable, nécessaire avec lui devient intolérable avec les autres qui parasitent ses monologues ou ses délires calculés et nous offrent du Hanouna mais sans Hanouna : c’est insignifiant. C’est sa faiblesse et sa force singulière : au fond, il est tout seul. Mais tant pis : on a besoin de lui. Ce billet sera lu, je l’espère, par quelques-uns qui voudront bien approuver le risque que j’ai pris : dire du bien de Cyril Hanouna sans le porter aux nues. Parce que quelqu’un qui sur le plan médiatique, et contre le ronron de l’audiovisuel public autosatisfait, fait tout péter, ne peut pas être mauvais. Il y a des explosions qui, agitant les bonnes consciences et déréglant les complaisances, sont salubres. La France en a besoin.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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