Amazonie. Les propos de Macron sont peut-être louables, mais ils sont terriblement maladroits. Et si le Président Bolsonaro est excessif, tout le monde n’est pas en désaccord avec lui parmi les 200 millions d’habitants de ce géant sud-américain. Loin s’en faut.
Dire que les relations diplomatiques entre le président français et son homologue brésilien ne sont pas au beau fixe serait un euphémisme. Entre accusation de ne pas respecter les engagements pris, rendez-vous annulé et attaques personnelles, le ton ne cesse de monter entre les deux hommes. Toutefois, désormais les Brésiliens se sentent directement concernés.
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Lundi 22 août, le G7 approchant et l’incendie de la forêt amazonienne faisant rage, Emmanuel Macron qui ne pouvait faire autrement que de commenter la situation s’est fendu d’un message sur Twitter: « Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. C’est une crise internationale. » Des propos louables à première vue, mais pourtant bien maladroits.
Quand « Make our planet great again » rime avec ingérence
Le fait est que considérer l’Amazonie comme un bien collectif ne passe pas aux yeux des Brésiliens qui y voient à la fois une forme de condescendance mais surtout d’ingérence dans un problème considéré par beaucoup d’entre eux comme national et non international, à l’image d’un Jair Bolsonaro ayant déclaré « regretter que le président Macron cherche à instrumentaliser un problème interne au Brésil ».
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Par ailleurs, si le Brésil ne s’est pas montré totalement hostile à recevoir de l’aide de la part de la communauté internationale comme le démontre celle en provenance d’Israël, leur président fait preuve de méfiance quant à celle des pays du G7, se demandant où se situe leur intérêt et surtout quelle sera la contrepartie… Raison pour laquelle il semble favoriser la recherche d’une solution auprès de ses voisins. En effet, le président brésilien s’est rapproché il y a quelques jours de son homologue colombien Ivan Duque, avec pour objectif de trouver une solution à un problème commun sans porter atteinte à la « souveraineté nationale » des deux pays (l’Amazonie recouvre approximativement 40 % du territoire colombien).
Une question de souveraineté avant tout
La guerre médiatique née d’une maladresse de la part d’Emmanuel Macron et d’une certaine bêtise du dirigeant brésilien laisse en tout cas penser que les Brésiliens peuvent être susceptibles. La question de la souveraineté nationale est bien plus profonde qu’on ne l’imagine.
Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. C’est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence. #ActForTheAmazon pic.twitter.com/Og2SHvpR1P
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 22, 2019
Premièrement, à l’image de ses voisins, le Brésil est évidemment passé du statut de colonie à un Etat indépendant il y a moins de deux siècles. Aussi, voir le président d’une nation européenne utiliser un pronom possessif lorsqu’il mentionne une partie du territoire brésilien ravive forcément les sentiments nationalistes. Mais il faut aussi chercher plus loin dans les causes de l’énervement brésilien. Historiquement, l’élite du pays est composée de propriétaires terriens. Cela est toujours assez vrai de nos jours. Par conséquent céder, voire ne serait-ce que déléguer une partie du territoire – qu’elle fasse ou non partie de l’Amazonie – s’apparente à bien des égards à renoncer à une part de sa richesse nationale, mais le problème principal vient du fait que la question de l’internationalisation de l’Amazonie avait déjà été soulevée, à tort ou à raison, à plusieurs reprises par le passé.
Il est notamment possible de citer José Sarney, ancien président brésilien qui durant les années 80 avait mis en garde toute puissance extérieure envisageant l’internationalisation de l’Amazonie mais également établit un programme visant à développer et surtout à protéger la zone amazonienne (Projeto Calha Norte), ou encore, le discours engagé de Cristovam Buarque, ancien ministre de l’éducation qui avait déclaré que si l’Amazonie devait être internationalisée, il devrait en être de même de la totalité des richesses mondiales, qu’elles soient naturelles, financières ou même culturelles… Ces rappels de l’importance de la souveraineté nationale étaient peut-être plus subtils que celui de Bolsonaro. Reste que dans le fond, il reflète l’état d’esprit de bon nombre de Brésiliens.
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