Décidément les cathos font recette. Après la Une et l’article de L’Express la semaine dernière, c’est l’Obs qui titre cette semaine sur « le pouvoir des catholiques» Le dossier intérieur de treize pages, titré «la résurrection des catholiques», ce qui n’est pas exactement la même chose, ouvre sur un vitrail où Jeanne d’Arc est figurée sous les traits de… François Fillon ! Le décor est planté d’un salmigondis journalistique où tranche avec bonheur l’interview du sociologue des religions Philippe Portier que d’évidence, les auteurs des différents articles n’ont pas pris le soin de lire.
Le sommet de « l’à-peuprisme » journalistique est atteint par l’article intitulé « Le blues des cathos de gauche ». Au risque de caricaturer un papier lui-même caricatural disons que face aux méchants cathos (expression quasi pléonastique) hostiles au « mariage pour tous », regroupés sous la bannière de François Fillon, les bons cathos de gauche, « progressistement » favorables à ladite loi, se morfondraient de la collusion de l’Episcopat français avec l’aile droitière, intégriste, triomphante et réactionnaire du catholicisme. Au point d’en perdre soudain la voix ! Ce qui justifie cette chute de l’article : « Pour sortir de cette invisibilité, il faudrait bien que les cathos de gauche se mettent à faire ce qui les a toujours rebutés: du bruit ! » On reste atterré !
Disons déjà que si François Fillon « doit en partie son élection aux catholiques de droite », et en partie seulement, pour reprendre l’expression de Jérôme Fourquet de l’Ifop, dans le même numéro de l’Obs, il est loin de les fédérer. Il n’est un secret pour personne que pour une frange de la jeunesse catholique ce n’est pas François Fillon qui a les traits de Jeanne d’Arc mais Marine Le Pen et plus vraisemblablement encore sa jeune nièce Marion Maréchal-Le Pen. Pas un secret non plus que les catholiques de droite qui, lors de la primaire, avaient donné leur préférence à Alain Juppé, sont aujourd’hui d’un enthousiasme inégal à l’idée de soutenir François Fillon et commencent, pour certains, à lorgner du côté d’un certain Emmanuel Macron… De quoi relativiser l’approche un peu simpliste de l’Obs.
Le mépris d’une gauche laïcarde
Mais venons-en aux fameux « cathos de gauche » qui semblent faire désormais l’objet de toutes les curiosités. Rien de mieux, pour les définir et les situer, que cette phrase recueillie par le journaliste : « Ce n’est pas facile de défendre au sein de l’Eglise le mariage et la parentalité homosexuels, mais il faut le faire. » Euréka ! Etre de gauche pour un catho, c’est ça: adhérer sans réserve au « mariage pour tous ». Et par conséquence nourrir son blues du sentiment que l’épiscopat, ouvertement ou par son silence, a pris fait et cause pour les anti-mariage gay. Là encore : bonjour la subtilité !
Certes, nombre de cathos de gauche n’ont pas compris le refus des évêques de prendre en considération le fait que 41% des catholiques se disaient favorables à la loi Taubira. Dans leurs paroisses beaucoup ont vécu cette période au bord de la crise de nerf. Qu’ils aient nourri là et conservé à ce jour une forme de « blues » au regard de l’institution est incontestable. Mais bien plus nombreux sont les cathos, électeurs de gauche, dont le « blues » se nourrit principalement du mépris à leur égard d’une gauche socialiste laïcarde qui ne les a jamais ni acceptés, ni écoutés, ni compris. Et qui paie aujourd’hui dans les urnes le prix de ce dédain.
Combien d’hommes et de femmes qui se sentaient « le cœur à gauche » ont basculé en 2012 vers François Hollande, par refus de Nicolas Sarkozy ? Beaucoup, venus du centre gauche, ont mal vécu le refus de la main tendue à François Bayrou qui s’était pourtant compromis pour cette victoire. Beaucoup n’ont pas compris le passage en force du gouvernement sur une « loi Taubira » qui les heurtait profondément et ne faisait pas réellement consensus dans l’opinion pour ce qui concerne l’ouverture à la filiation. Beaucoup, engagés dans la vie associative auprès des plus pauvres, des exclus, des migrants… ont douloureusement ressenti les frilosités du gouvernement et les crispations du concept de laïcité au détriment des Français musulmans. Là est leur blues autant que dans l’attitude des évêques. Et l’appel à « sortir de leur mutisme » les fait bien rire, venant d’un journal de gauche qui a toujours refusé de les considérer et leur donner voix au chapitre ! Faut-il rappeler ici à nos amis de l’Obs les conditions dans lesquelles ils ont relégué Jean-Claude Guillebaud, chroniqueur attitré du magazine et figure emblématique de ces cathos de gauche, au fin fond de leur supplément télé ?
Les cathos contre la République? Une pure imbécillité!
Les Poissons Roses qui ambitionnaient d’être au PS ce que Sens Commun a réussi à devenir au sein du parti des Républicains, se voient aujourd’hui refuser leur candidat à la primaire de la gauche qui aurait pu faire entendre dans le débat, la voix d’un humanisme chrétien de gauche. Et l’on assiste à ce paradoxe que les mêmes cathos de gauche qui ont participé nombreux à la primaire à droite pour éliminer le « risque » Sarkozy au second tour, s’apprêtent à bouder la primaire socialiste dont ils n’ont que faire. Après tout, sont déjà candidats à la présidentielle, sans passer par cette case départ : Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et Yannick Jadot… Le PS peut bien rajouter le candidat de son choix ! Ce n’est plus leur problème. Ils choisiront ! D’ailleurs Témoignage Chrétien, dont l’un des directeurs n’est autre que l’avocat Jean-Pierre Mignard, ami proche de François Hollande, a déjà fait connaître son choix : il soutiendra Emmanuel Macron. Les cathos quittent le navire, preuve que c’étaient bien des rats !
Bref, chers amis de l’Obs, attendez-vous à savoir que les cathos que vous présentez en un dualisme réducteur Fillon-Candidat socialiste, couvriront sans doute la totalité de l’éventail des candidats à la présidentielle, de Jean-Luc Mélenchon à Marine le Pen. Ni plus ni moins que les Français dans leur ensemble. Alors de grâce, arrêtez les imprécations à la Libé : « Au secours Jésus revient » ! Ayez pour les citoyens que nous sommes un minimum de considération.
Dans son interview qu’il faut lire, Philippe Portier observe un retour culturel au christianisme de la part d’une frange de catholiques non-pratiquants dont il dit : « il y a encore vingt ans, j’aurais dit que ceux-ci allaient bientôt sortir du catholicisme pour rejoindre le pôle non religieux. » Or ce christianisme culturel porte en lui une dimension éminemment politique qui, au lendemain de la présidentielle, cherchera à se situer dans l’inévitable recomposition du paysage français. Le refus actuel des socialistes à considérer pour ce qu’ils sont ces cathos de gauche pourrait bien leur être fatal. Claironner, par médias interposés, que la montée des cathos menacerait aujourd’hui les valeurs de la République est une pure imbécillité. Il en est qui tuent !
Retrouvez René Poujol sur son blog.
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