Causeur relayait le 14 décembre un communiqué de Radio Notre-Dame concernant une récente émission de Philippe Delaroche. Le journaliste avait décidé de faire ce qu’aucun de ses collègues n’avait osé : lire la fameuse liste des prisonniers politiques cubains dont Ségolène Royal avait nié l’existence.
Partons donc de l’épisode qui a clos la séquence obsèques de Fidel Castro, c’est-à-dire le scandale provoqué par les propos de Ségolène Royal :
Il y a toujours du positif et du négatif dans les histoires, mais certains ne vont pas se rhabiller à bon compte au nom des droits de l’homme alors qu’on sait qu’ici, quand on demande des listes de prisonniers politiques, on n’en a pas. Eh bien fournissez-moi des listes de prisonniers politiques. A ce moment-là, on pourra faire quelque chose.
Les infatigables amateurs de fact-checking que sont nos journalistes auraient pu s’empresser de nous renseigner sur la validité des assertions de Mme Royal. Ils se contentèrent, dans leur majorité, d’observer les réactions des uns et des autres :
(exemple dans 20 Minutes)
(sur FranceInfo)
(dans l’Express)
… allant jusqu’à demander à leurs lecteurs ce qu’ils pensaient, pour leur part, des propos de Ségolène Royal :
Journaliste : Royal fait l’éloge de Castro, niant l’incarcération des opposants politiques par le régime cubain.
Nous : Eh bien, qu’en est-il ? C’est vrai, ça ?
Journaliste : Qu’en pensez-vous ?
Le penseur américain Noam Chomsky a dénoncé, non sans raison, une différence de traitement médiatique entre les régimes saoudien et castriste :
Aux États-Unis, l’ambiance générale a été résumée par le premier titre du « New York Times », lequel indiquait en substance : « Le dictateur cubain est mort ». Par curiosité, j’ai jeté un œil aux archives de ce journal pour voir combien de fois ils avaient qualifié le roi d’Arabie saoudite de « dictateur ». Sans surprise, il n’y avait aucune occurrence…
Il faut reconnaître que, s’il a fallu attendre l’émission de Philippe Delaroche sur RND pour connaître les noms des prisonniers politiques, certains articles ont tout de même opposé des faits et/ou des chiffres à la déclaration dithyrambique de Ségolène Royal :
(sur le Huffington Post)
Néanmoins, si l’on veut parler de traitement différencié, j’en vois un autre, qui renverse un peu la perspective.
Pauvre Poutine, qui ne sera jamais un « leader intransigeant »
Lors des obsèques de Fidel Castro, les Cubains admirant le défunt chef d’État étaient bien plus nombreux au micro des journalistes que ses détracteurs. Répondant à une critique en ce sens, la journaliste Gaëlle Joly explique que cette disproportion rend compte d’une réalité, d’une vraie ferveur. Mais ce souci de donner à voir une adhésion populaire à la personne de Castro ne prévaut bizarrement jamais quand il est question de Vladimir Poutine, par exemple.
Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux.
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