Le débat sur le sort à réserver aux criminels sexuels, et plus particulièrement aux récidivistes de la chose, est récurrent dans notre société, et ressurgit à chaque fois qu’un fait divers particulièrement horrible met le public en émoi.
L’affrontement des « laxistes » et des « répressifs » constitue le rituel agonistique d’une querelle où l’on fait assaut de mauvaise foi et d’arguments péremptoires sur le mode yaka et faucon.
Dans une société régie par le principe de précaution et l’impératif du risque zéro, il est impossible aux gouvernants de tenir un discours qui prendrait acte de l’impossibilité de prévenir totalement ce genre de drame. C’est pourtant le seul qui tiendrait compte de tout l’acquis scientifique rassemblé à ce jour sur la dangerosité potentielle des criminels sexuels répertoriés.
Du côté des « laxistes », ceux qui s’opposent au durcissement continu des peines infligées aux pédophiles, violeurs et incestueux, on tire argument que le taux de récidive des criminels sexuels relâchés après avoir purgé leur peine n’est que « de 1 à 2% ». En conséquence, il serait inhumain de faire payer à l’écrasante majorité des non-récidivistes les crimes de quelques individus dangereux et pervers. Comme on peut faire dire aux chiffres n’importe quoi, on va pêcher dans un amas de statistiques ceux qui conviennent le mieux à votre démonstration, en laissant soigneusement de côté d’autres plus dérangeants pour la thèse que l’on défend.
Ce taux extrêmement réduit de récidive des criminels sexuels est établi à partir de données policières et judiciaires sur les actes relevant de cette criminalité répertoriés sur le territoire. Il signifie seulement que 1 à 2% des crimes élucidés sont le fait de personnes ayant déjà été condamnées pour des faits semblables, et ayant recouvré la liberté. Cela exclut de la statistique toutes les affaires non signalées et non élucidées.
Si l’on essaie de fouiner un peu dans la littérature psychiatrique et criminologique relative à la question, on découvre que le taux de récidive de ce type de criminel est nettement plus élevé. Les études les plus récentes (la plupart effectuées dans les pays anglo-saxons, Etats-Unis, Angleterre et Canada) établissent un taux moyen de récidive entre 15 et 20 % avec des variations significatives selon les catégories de criminels. Les parents ou beaux-parents incestueux réitèrent beaucoup moins fréquemment leurs forfaits que les prédateurs sexuels extra-familiaux. Pour l’anecdote, les plus incorrigibles sont les exhibitionnistes, qui sont plus de 40% à persister à ouvrir leur imperméable à la sortie des écoles après avoir subi les foudres de la justice.
Le problème des récidivistes n’est donc pas marginal ou seulement surgi de la boite à outils populiste de quelques politiciens de droite et d’extrême droite.
D’autres études essaient d’établir une corrélation entre le suivi médico-social des criminels libérés et la récidive. La comparaison du comportement d’un groupe d’individus laissés à eux-mêmes à leur sortie de prison et d’un groupe pris en charge dans le cadre de thérapies comportementales et cognitives est peu concluante : certaines d’entre elles montrent une nette diminution de la récidive chez les seconds, d’autres, au contraire révèlent qu’une thérapie imposée aux sortants n’a aucun effet sur leur comportement ultérieur.
L’argument des « laxistes » consistant à affirmer qu’en y mettant les moyens, une prise en charge thérapeutique sérieuse au cours de la détention et à la sortie préviendrait de nouveaux drames n’est donc pas corroboré, loin s’en faut, par l’état actuel de nos connaissances.
En revanche, il existe une méthode, paraît-il assez fiable, d’établir un pronostic sur la potentialité de récidive des criminels sexuels, la pléthysmographie. Cela consiste à enregistrer les variations de volume du pénis du sujet lorsqu’il est soumis à des stimuli sexuels interdits au sens du code pénal (pédophilie, scènes de viols etc…).
Cette technique, largement pratiquée aux Etats-Unis, ne semble pas avoir traversé l’Atlantique…
Mais, même si l’on arrivait à prévoir avec un degré de fiabilité suffisant le comportement des condamnés ayant purgé leur peine, il resterait à décider ce que l’on en fait. Bouclage à vie ? Castration chimique ? Castration physique ? Tout cela n’est pas compatible avec l’idée que notre civilisation se fait de la morale et des droits de l’homme, et ne garantit même pas que ces individus ne trouveront pas d’autres moyens que l’usage de leur sexe pour assouvir leurs pulsions.
Et si l’on décidait, tout simplement, de faire avec ?
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