Convaincu qu’il sait ce que veulent les Français, le ministre de l’Intérieur donne le sentiment de ne pas vouloir faire de langue de bois. Il entend porter le fer dans la plaie sur les sujets sécuritaires les plus brûlants: État de droit, prison, OQTF, aide médicale d’État, justice des mineurs… De l’ordre, de l’ordre, de l’ordre: quand on veut, on peut ?
Un entretien dans Le Parisien. Une analyse fouillée dans Le Point sur « Le cas Retailleau » par Nathalie Schuck. Bruno Retailleau est omniprésent. Une exposition médiatique intense depuis qu’il a été nommé ministre de l’Intérieur. Parce qu’il est « l’homme fort du gouvernement (…), le ministre le plus puissant du gouvernement » ?
Il me semble que derrière cette apparence politique et médiatique, il y a comme un saisissement face à cette personnalité qu’on peut qualifier d’atypique, parce qu’elle se trouve impliquée dans un univers du pouvoir aux antipodes de ce qu’elle est.
Je n’appartiens pas à « sa galaxie » telle qu’elle est décrite, même si en son sein j’apprécie, parmi ceux que je connais, Gérard Larcher, François-Xavier Bellamy, Othman Nasrou, Christelle Morançais et Louis-Marie Le Roy.
Depuis qu’il est ministre, il maintient une ligne vigoureusement conservatrice
Cependant, les relations amicales que j’ai toujours entretenues avec lui me permettent, certes sur un point que d’aucuns jugeraient dérisoire mais qui ne l’est pas pour moi, de louer sa fiabilité et sa réactivité qui ne laissent jamais un SMS sans réponse, quel que soit son emploi du temps chargé, y compris depuis qu’il est ministre. C’est un signe révélateur d’une organisation intellectuelle et professionnelle structurée et cohérente.
Bruno Retailleau suscite une adhésion de plus en plus nette de la majorité nationale sur laquelle il s’appuie, et l’étonnement de ceux qui, depuis trop longtemps, avaient fait une croix sur la possibilité d’une durable sincérité politique.
C’est d’abord cette caractéristique que je désire mettre en lumière. Je me souviens des critiques sur son apparence austère, avant même qu’il soit ministre. J’avais été surpris qu’on lui appliquât les mêmes critères que ceux généralement réservés, absurdement, aux femmes en politique. Cette impression aujourd’hui me paraît fondamentale parce qu’elle sort radicalement Bruno Retailleau des stratégies de séduction qui consistent à dissimuler par tactique ce qu’on est vraiment et à offrir au citoyen ce qu’il désire entendre. La démagogie étant reine, et non pas le courage de la sincérité, qui est pourtant le moyen le plus efficace et le plus direct pour convaincre les Français.
Retailleau, depuis qu’il est entré en politique, n’a pas dévié d’un pouce par rapport à une ligne intelligemment et vigoureusement conservatrice qui, miracle, s’est maintenue, encore plus assumée, depuis qu’il est ministre.
Sur l’immigration qu’on ne saurait qualifier aujourd’hui de « chance pour la France » au regard de quelques exceptions bienheureuses ; sur les OQTF, sur la durée des rétentions, sur l’excuse de minorité, sur l’État de droit qui évidemment ne doit pas être « intangible », sur l’obligation d’une politique dont le volontarisme n’a de sens que s’il sait mettre en actes les projets, Bruno Retailleau n’use pas de la langue de bois. Il n’hésite pas – tout en rappelant que celui qui décide est le Premier ministre – à porter le fer dans la plaie, à faire apparaître les conflits quand ils sont nécessaires et à invoquer une solidarité ministérielle qui sert trop souvent de prétexte à l’effacement. Comme pour l’aide médicale d’État qu’il aspire à remplacer par une aide médicale d’urgence, contre sa collègue MoDem de la Santé.
Quand on veut, on peut ?
Bruno Retailleau n’a peur de rien sur le plan intellectuel et politique. Aucune prétendue évidence ne lui résiste. Tous les poncifs que propage une droite gangrenée par la gauche, il les pourfend. Il est favorable aux courtes peines. Il démolit le slogan « tout sauf la prison », d’autant plus aberrant que, si la prison demeure un horizon indépassable, cela tient d’abord au fait que c’est la seule sanction dont la concrétisation peut être immédiate – à cause de la faiblesse du dispositif général d’exécution des peines. Le nouveau ministre de l’Intérieur ne fait pas de la politique en étant persuadé, comme tant d’autres, par un défaitisme anticipé et commode, de l’impuissance du politique. À peine a-t-il été nommé qu’il a durci deux circulaires de Gérald Darmanin : quand on veut, on peut ! Il contraint Didier Migaud à se poser, comme ministre de la Justice, les bonnes questions…
C’est ne rien comprendre à cette personnalité singulière que la placer sous le pavillon stupide du Vendéen réactionnaire et catholique, pour la discréditer. Ou à lui inventer dès aujourd’hui des desseins présidentiels… Bruno Retailleau est un homme qui a perçu, le premier, que la victoire de la droite ne serait définitive que si elle l’emportait sur le plan culturel. Il l’a affirmé notamment à mon micro en 2020.
Reprendre à la gauche ce dont elle a privé abusivement la droite, redonner sa fierté à cette dernière en cessant de la noyer dans des jeux et des « je » politiciens désastreux, comme Laurent Wauquiez à l’Assemblée nationale, accomplir cette élémentaire coïncidence entre la pensée, la promesse et l’incarnation et ne pas se préoccuper d’un futur qui ne serait que l’expression d’une pure ambition.
Dans Le Point, Bruno Retailleau me permet une belle conclusion : « Hannah Arendt disait qu’en politique « les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action ». Dans l’action, on ne peut pas se payer de mots. Je sais que je serai jugé à mes résultats et que j’ai peu de temps ».
Bruno Retailleau n’est pas aujourd’hui « un cas » mais devrait être un exemple pour les ministres.